d'��puiser tous les plaisirs. Cependant Turenne et Vauban font la guerre, mais ce n'est pas �� Cyrus ou au prince Constance qu'ils ont demand�� des le?ons de strat��gie, et les soldats qu'ils m��nent �� la bataille ne ressemblent gu��re �� ceux de ?Faramond?. Ils ont maraud�� la veille, ils marauderont le lendemain et s'oublieront �� des orgies violentes et brutales, sauf �� retrouver leur belle et fringante allure quand il faudra d��filer devant le roi ou le g��n��ral, et leur entra?nante bravoure au feu, devant l'ennemi. Vraiment et de toutes parts, c'est une ��poque enti��re qui ressuscite dans sa complexit�� touffue et dans sa r��alit�� distincte. Et il y a plus encore de v��rit�� chez Hamilton et l'abb�� Pr��vost que chez Courtilz de Sandras.
Ainsi se tissait entre leurs mains la trame elle-m��me du roman historique. Le genre n'existait pas encore, du moins avait-il enfin la possibilit�� d'exister.
Ils lui rendaient encore un service presque aussi signal�� en rejetant �� l'arri��re-plan les personnages historiques, au lieu de leur laisser occuper comme autrefois le devant de la sc��ne. C'��tait rem��dier �� l'un des plus graves inconv��nients de l'ancienne m��thode. Le r?le des personnages r��duit, les occasions de mentir �� leur caract��re ��taient r��duites du m��me coup. On gagne rarement �� ��tre bavard: cette discr��tion forc��e leur ��pargna bon nombre de ces ��tranges invraisemblances que se permettaient leurs pr��d��cesseurs; et quant aux incroyables sottises de Baudricourt ou de Richard, ni Mazarin ni Charles II n'avaient m��me plus le temps de les commettre. Les commettraient-ils d'ailleurs, la faute n'a pas la m��me importance: des personnages secondaires peuvent se permettre ce qu'on refusera toujours �� des protagonistes.
Avec la composition et la perspective, le ton g��n��ral devait aussi changer: nouvelle cons��quence, et pas des moins importantes. Si c'est bien d'Artagnan ou Grammont, Cleveland ou cet excellent doyen de Killerine qui m��nent le roman, il est de toute n��cessit�� qu'ils lui imposent leurs fa?ons et leurs habitudes de langage; d'autant qu'ils sont toujours en sc��ne et qu'ils nous font eux-m��mes le r��cit de leurs aventures. A passer par leur jugement particulier, les personnages historiques subissaient des transformations particuli��res: �� parler par leur bouche, ils devront contracter les habitudes de parole de leurs interpr��tes; et cela va plus loin qu'on ne pense. Tant que le protagoniste sera un comte ou un v��n��rable eccl��siastique anglais, le ton g��n��ral, sous la gravit�� m��lancolique et passionn��e de l'un comme sous l'humeur piquante et enjou��e de l'autre, gardera de la tenue et de la distinction, et nous n'entendrons que le langage des honn��tes gens. Mais si c'est un laquais, un mousquetaire ou un agent secret du lieutenant de police, on peut s'attendre �� de belles irr��v��rences. Ce sera la libert�� gaillarde du corps de garde ou la trivialit�� cynique de l'antichambre. On a vu le langage que d'Artagnan pr��te �� Mazarin: le comte de Rochefort aura �� peine plus d'��gards pour Richelieu.
Quelle nouveaut��! ou plut?t quel scandale! La nouveaut��, il est vrai, ne fut gu��re suivie tout d'abord. Longtemps encore cette langue imag��e et savoureuse, triviale mais forte, pleine de dictons et de proverbes expressifs sinon raffin��s, abondante en ��nergiques m��taphores populaci��res, la langue enfin de nos vieux conteurs gaulois, ne sera qu'au service de la valetaille et des laquais, des Mme Dutour et des Gil Blas; et les princes et les rois continueront �� parler comme leurs anc��tres Cyrus et Pharamond, Auguste ou Mithridate. Mais un temps viendra o��, au nom m��me d'une v��rit�� plus g��n��rale et plus humaine, ils renonceront les premiers �� cette noblesse de convention et trouveront surann��es les lois de l'��tiquette; on leur pr��tera des propos de valets, et des duchesses et des reines parleront comme des chambri��res; ce qui n'��tait que l'exception en 1700 deviendra �� peu pr��s la r��gle vers 1830. Walter Scott et Victor Hugo, Paul Lacroix et Roger de Beauvoir, Eug��ne Sue et Fr��d��ric Souli��,--pour ne rien dire d'Alexandre Dumas,--avaient eu au moins un pr��d��cesseur.
Cependant, malgr�� l'importance de ce groupe dans l'organisation du roman historique, et quelque f��conde qu'ait ��t�� son influence, il manquait encore au genre �� venir son ��l��ment essentiel, un des plus importants aussi dans l'histoire et l'esth��tique du romantisme: le cadre ou la couleur locale. Dans les romans de Sandras et de Prevost, le milieu existe; mais il n'est gu��re que la description d'une ��poque �� peu pr��s contemporaine. Au contraire, la reconstitution du pass��, dans la v��rit�� au moins relative de ses apparences multiples et mouvantes, voil�� l'oeuvre de la couleur locale. Deux conditions ��taient n��cessaires pour qu'elle f?t possible.
Il fallait d'abord s'apercevoir de cette v��rit�� fort simple,--si simple en effet qu'il n'en a fallu attendre que jusqu'au XIXe si��cle la premi��re expression--: que le pass�� est le pass�� et doit rester le pass��, et donc qu'il est ridicule de le travestir �� la derni��re mode contemporaine; il fallait
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