épouse de
l'Himâlaya. La Gangâ, de qui tu vois les ondes, noble enfant de Raghou,
est la fille aînée de l'Himâlaya; la seconde fille du mont sacré fut
appelée Oumâ.
«Ensuite les Immortels, ambitieux d'une si brillante union, sollicitèrent
la main de la belle Gangâ, et le Mont-des-neiges, suivant les règles de
l'équité, voulut bien leur donner à tous en mariage cette déesse, l'aînée
de ses filles, la riche Gangâ, ce grand fleuve, qui marche à son gré dans
ses voies pour la purification des trois mondes.
«Puis, les Dieux, dont cet hymen avait comblé tous les voeux, s'en vont
de chez l'Himâlaya, comme ils y étaient venus, ayant reçu de lui cette
noble Gangâ, qui parcourt les trois mondes dans sa longue carrière.
«Celle qui fut la seconde fille du roi des monts, Oumâ s'est amassé un
trésor de mortifications: elle a, fils de Raghou, embrassé une austère
pénitence pour accomplir un voeu difficile. Çiva même a demandé sa
main, et le mont sacré a marié avec le Dieu cette nymphe, à qui le
monde rend un culte et que ses rudes macérations ont élevée jusqu'à la
cime de la perfection.»
Quand cet anachorète, commodément assis, eut mis fin à son discours,
Râma, joignant les mains, adressa au magnanime Viçvâmitra cette
nouvelle demande: «Il n'y a pas moins de mérite à écouter qu'à dire,
saint brahme, l'histoire que tu viens de conter: aussi désiré-je l'entendre
avec une plus grande extension. Pour quelle raison la nymphe Gangâ
roule-t-elle ainsi dans trois lits, et vient-elle se répandre au milieu des
hommes, elle qui est le fleuve des Dieux? Quels devoirs a-t-elle, cette
nymphe, si versée dans la science des vertus, à remplir dans les trois
mondes?»
Alors Viçvâmitra, l'homme aux grandes mortifications, répondant aux
paroles du Kakoutsthide, se mit à lui conter cette histoire avec étendue:
«Jadis un roi, nommé Sagara, juste comme la justice elle-même, était le
fortuné monarque d'Ayodhyâ: il n'avait pas et désirait avoir des enfants.
De ses deux épouses, la première était la fille du roi des Vidarbhas,
princesse aux beaux cheveux, justement appelée Kéçinî et qui,
très-vertueuse, n'avait jamais souillé sa bouche d'un mensonge. La
seconde épouse de Sagara était la fille d'Aristhtanémi, femme d'une
vertu supérieure et d'une beauté sans pareille sur la terre.
«Excité par le désir impatient d'obtenir un fils, ce roi, habile archer,
s'astreignit à la pénitence avec ses deux femmes sur la montagne, où
jaillit la source du fleuve, qui tire son nom de Bhrigou. Enfin, quand il
eut ainsi parcouru mille années, le plus éminent des hommes véridiques,
l'anachorète Bhrigou, qu'il s'était concilié par la vigueur de ses
mortifications, accorda, noble Kakoutsthide, cette grâce au monarque
pénitent:
«Tu obtiendras, saint roi, de bien nombreux enfants, et l'on verra naître
de toi une postérité, à la gloire de laquelle rien dans le monde ne sera
comparable. L'une de tes femmes accouchera d'un fils pour
l'accroissement infini de ta race; l'autre épouse donnera le jour à
soixante mille enfants.»
«Quand il eut ainsi parlé, ces deux femmes de Sagara, joignant les
mains, dirent au solitaire, qui s'était amassé un trésor de pénitence, de
justice et de vérité: «Qui de nous sera mère d'un seul fils, saint brahme,
et qui sera mère de si nombreux enfants? voilà ce que nous désirons
apprendre: que cette faveur accordée soit pour nous une vérité
complète!»
À ces mots, l'excellent anachorète de répondre aux deux femmes cette
parole bienveillante: «J'abandonne cela à votre choix. Demandez-moi
ce que vous souhaitez: chacune de vous obtiendra l'objet de son désir:
celle-ci un seul fils avec une longue descendance, celle-là beaucoup de
fils, qui ne laisseront aucune postérité.»
«D'après ces paroles du solitaire, la belle Kéçinî demanda et reçut le
fils unique, Râma, qui devait propager sa race. La soeur de Garouda,
Soumalî, la seconde épouse, obtint le don qu'elle avait préféré, vaillant
fils de Raghou, les illustres enfants au nombre de soixante mille.
Ensuite, le roi salua Bhrigou, le plus vertueux des hommes vertueux, en
décrivant un pradakshina autour du saint anachorète, et s'en retourna
dans sa ville, accompagné de ses deux femmes.
«Quand il se fut écoulé un assez long temps, la première des épouses
mit au monde un fils de Sagara: il fut nommé Asamandjas. Mais
l'enfant, à qui Soumatî donna le jour, noble Raghouide, était une verte
calebasse: elle se brisa, et l'on en vit sortir les soixante mille fils.
«Les nourrices firent pousser la petite famille en des urnes pleines de
beurre clarifié, et tous, après un laps suffisant d'années, ils atteignirent
dans cette couche au temps de l'adolescence. Les soixante mille fils du
roi Sagara furent tous égaux en âge, semblables en vigueur et pareils en
courage.
«L'aîné de ces frères, Asamandjas fut banni par son père de la ville, où
ce héros exterminateur des ennemis s'appliquait
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