ni la conférence, ni les mains serrées en présence du feu allumé ne sont rien à tes yeux! Ce fut, pervers, ce fut donc en toutes les fa?ons que tu as trompé mon frère; lui, ce sage, à l'ame droite; toi, coeur vil, aux pensées tortueuses! Un tel mépris fait bouillonner dans mon sein une ardente colère, comme le gonflement du magnanime Océan au jour de la pleine-lune. Je vais t'envoyer, frappé de mes flèches aigu?s, dans les habitations d'Yama! Certes! ici, avec mes flèches, moi qui te parle, je t'immolerai, comme le fut ton frère, toi, qui as déserté le chemin de la vérité, ingrat, menteur, aux paroles emmiellées, à l'ame inconstante et mobile par le vice de ta race!?
à Lakshmana, qui parlait ainsi, comme enflammé d'une ardente fureur, Tara, semblable par son visage à la reine des étoiles, répondit en ces termes: ?Le roi ne mérite pas que tu lui parles de cette manière, Lakshmana: le monarque des singes ne mérite pas ce langage amer, venu de tes lèvres surtout. Ce héros n'est pas ingrat, perfide et cruel; son ame n'est point amie du mensonge, son ame ne creuse pas des pensées tortueuses. Le vaillant Sougr?va ne peut oublier le service, impossible à d'autres, qu'il doit à Rama d'une vigueur incomparable. C'est la bienveillance de Rama qui met ici dans ses mains la gloire, l'empire éternel des singes, moi, et sur toutes choses, Rouma, son épouse. Rentré en possession des plus douces jouissances par la bienveillance de Rama, il a voulu, c'était naturel! go?ter de ses voluptés, lui de qui la douleur avait toujours été la compagne. Que le noble Raghouide veuille bien excuser, Lakshmana, un malheureux qui a passé dix années dans les fatigues de l'exil et dans la privation de toutes les choses désirées!
?Ravana aux longs bras est insurmontable à qui manque d'auxiliaires: ce besoin de vigoureux compagnons a donc fait expédier ?à et là de nobles singes, afin qu'ils amènent pour la guerre d'autres chefs de singes en nombre infini. Si le monarque des simiens n'est pas sorti en campagne, c'est qu'il attend ici, pour assurer le triomphe de Rama, ces valeureux quadrumanes à la bien grande vigueur. Les dispositions de Sougr?va sont toujours, fils de Soumitra, ce qu'elles étaient auparavant.
?Voici le jour où doivent arriver tous les singes: les ours viendront ici par dizaines de billions, et les golangoulas par milliards; les tribus simiennes répandues sur la terre afflueront ici kotis par kotis. De la rive des mers, tous les singes qui habitent les ?les de l'Océan vont accourir pleins de hate devant toi: dépose donc, irascible guerrier, dépose là ton chagrin.
?Une fois détruite, la cité glorieuse du roi des mauvais Génies, les singes ramèneront ici la bien-aimée de ton frère, cette Djanakide charmante aux formes délicieuses, dussent-ils, monarque des hommes, l'arracher du ciel même ou des entrailles de la terre!?
Lakshmana, d'un caractère naturellement doux, accueillit avec faveur ce langage modeste, uni au devoir; et, voyant les paroles de Tara bien re?ues, le roi des singes rejeta, comme un habit mouillé, la crainte que les deux Ikshwakides lui avaient inspirée. Ensuite il déchira la guirlande variée, grande, admirable, passée autour de son cou et resta dépouillé de cette royale distinction. Puis, le souverain de toutes les tribus simiennes, Sougr?va à la vigueur épouvantable, de parler à Lakshmana ce langage doux et fait pour augmenter sa joie:
?J'avais perdu mon diadème, fils de Soumitra, ma gloire et l'empire éternel des singes; mais j'ai recouvré tout par la bienveillance de Rama. Dans ce monde tel qu'il est, où trouver, dompteur invincible des ennemis, un être assez fort pour s'acquitter, par un service égal au sien, envers cet homme-Dieu, qui occupe la renommée du bruit de ses hauts faits?
?à quoi bon, seigneur, à quoi bon des alliés pour un bras qui, tirant son arc, fait trembler, au seul bruit de sa corde, la terre avec les montagnes? Je suivrai, sans aucun doute, je suivrai les pas du vaillant Raghouide, marchant pour l'extermination de Ravana et des généraux ennemis. Si j'ai péché quelque peu, soit par trop de confiance, soit par intempérance d'amour, il faut que Rama ait de l'indulgence: quel mortel n'a pas une faute à se reprocher??
Ce langage du magnanime Sougr?va fit plaisir à Lakshmana, qui répondit ces mots avec amour: ?Ces paroles, tombées de ta bouche, Sougr?va, sont d'une ame reconnaissante, qui sait le devoir et ne recule pas en face des batailles: elles sont dignes et convenables. Quel mortel, assis dans une haute puissance, toi, singe, et mon frère majeur exceptés, saurait ainsi reconna?tre sa faute? Oui! tu es l'égal de Rama pour la bravoure et la force: ce sont les Dieux mêmes, roi des singes, qui t'ont donné à nous pour notre bonheur après une longue attente!
?Mais sors promptement d'ici; viens, héros, avec moi,
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