la crainte
de n'en pas trouver, fut remplie tout à la fois de douleur et de joie.
Ensuite le fils du Vent, Hanoûmat, adressa les paroles suivantes à tous
les singes rassemblés, après qu'il eut fouillé avec eux cette impraticable
région du midi, couverte par une multitude de montagnes: «Nous
sommes tous fatigués, et la Mithilienne ne s'offre pas encore à nos yeux;
mais nous voyons sortir de cette caverne, par centaines et par milliers,
des bandes nombreuses d'oiseaux habitués sur les ondes. Sans doute, il
doit se trouver là, soit un bassin d'eau, soit un lac, puisqu'on en voit
sortir ces oiseaux pêcheurs. Entrons dans cette grande caverne: là, nous
pourrons noyer dans l'eau la crainte de mourir par la soif et nous y
chercherons Sîtâ de tous les côtés. À coup sûr, il doit se trouver là un
grand lac où les eaux abondent.»
À ces mots, tous les singes entrent dans cette caverne, enveloppée de
ténèbres, sans soleil, sans lune, horrible, épouvantable.
D'abord Hanoûmat à leur tête, ensuite Angada et ses compagnons après
lui, tous se tenant l'un à l'autre enchaînés par la main, pénètrent jusqu'à
la distance d'un yodjana dans cette caverne impraticable, hérissée
d'arbres, embarrassée de lianes. Les singes remplissaient tous ces lieux
du cri forcené de leurs noms, afin de s'y reconnaître mutuellement.
Déjà, continuant à manquer d'eau, troublés, l'esprit comme perdu et
mourants de soif, ils avaient passé l'intervalle d'un mois entier dans
cette épouvantable caverne. Alors, épuisés de fatigue, maigres, le
visage défait, le sang allumé par la soif, ils aperçurent avec délices une
clarté semblable aux rayons du soleil.
Arrivés dans ce lieu charmant, d'où les ténèbres étaient bannies, ils
virent des arbres d'or, éblouissants d'une splendeur égale à celle du feu.
C'étaient de magnifiques shoréas, des pryangous, des tchampakas, des
mulsaris, des açokas, des arbres à pain et des nagapoushpas, tous
parsemés de bourgeons rouges, tous semblables au soleil du matin et
répétant sous leurs voûtes les gazouillements des oiseaux les plus variés.
Ils virent là des étangs de lotus aux ondes brillantes et diaphanes, au
milieu desquelles circulaient des tortues d'or mêlées à des poissons d'or.
On voyait aussi là des chars d'or et des palais de cristal, aux fenêtres
d'or, aux vitres de perles.
Là étaient des mines d'argent, d'or, de pierres fines et de lapis-lazuli,
vastes, admirables, resplendissantes de lumière. Là, partout, les singes
voient des amas de pierreries.
Ces hôtes des bois admirent des lits et des siéges en or et en ivoire,
grands, de formes diverses et couverts de riches tapis. Des piles de
vaisselles et de coupes, soit d'argent, soit d'or; des racines, des fruits,
des mets délicats et purs; des breuvages de haut prix et des liqueurs de
toutes les espèces, des parfums à l'odeur suave d'aloës et de sandal; des
couvertures, soit en laine, soit en poil de rankou, soit en couleurs
mélangées pour les éléphants; des tas de vêtements précieux et de
riches pelleteries. Les singes voient çà et là, pareils aux flammes du feu,
des amas éblouissants, célestes, d'or en lingots.
Là, sur un brillant siége d'or, s'offrit aux yeux des singes une femme
anachorète, vouée au jeûne, vêtue d'écorce et d'une peau de gazelle
noire. Aussitôt le docte Hanoûmat, courbant aux pieds de la pénitente
sa taille semblable à une montagne, réunit en coupe à ses tempes les
paumes de ses deux mains, et: «Qui es-tu? lui demanda-t-il. À qui sont
ce palais, cette caverne et ces riches pierreries?
«Auguste sainte, nous sommes des singes, qui parcourons
incessamment les forêts; nous sommes entrés avec imprudence sous les
voûtes de cette caverne enveloppée de ténèbres. Consumés par la faim
et la soif, accablés de fatigue, exténués de lassitude, nous avons pénétré
dans ce gouffre de la terre, espérant y trouver de l'eau. Mais la vue de
cette admirable, céleste et fortunée caverne, d'un parcours impraticable,
a redoublé la peine, le trouble et l'aliénation de notre âme.
«À qui donc appartiennent ces beaux arbres d'or, embaumés de suaves
parfums et qui, chargés de fleurs et de fruits d'or, resplendissent à l'égal
du soleil adolescent? À qui ces racines, ces fruits, ces mets délicats et
purs? À qui ces chars d'or et ces maisons d'argent, aux fenêtres d'or,
aux vitres de perles? Par la puissance de qui ces arbres faits d'or ont-ils
obtenu le don merveilleux de végéter? Comment trouve-t-on ici des
lotus d'une telle richesse et d'un parfum si doux? Qui a pu faire que ces
poissons d'or nagent dans ces limpides ondes? Veuille bien, dans notre
ignorance à tous, veuille bien nous raconter exactement qui tu es et de
quelle dignité est revêtu le maître de cette immense caverne?»
À ces mots d'Hanoûmat, la pénitente, fidèle à suivre le devoir et qui
trouvait son plaisir dans celui de toutes les créatures, lui
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