un peu ce que vous savez, la disgrace dans on ne plaint personne ; et je voudrais bien vous prier, comme philosophe, de me dire votre sentiment. Eh ! quel est votre avis l��-dessus ?
- Pancrace -
Plut?t que d'accorder qu'il faille dire la forme d'un chapeau, j'accorderais que "datur in rerum natura" (8), et que je ne suis qu'un b��te.
- Sganarelle -
(�� part.)
La peste soit de l'homme !
(A Pancrace.)
Eh ! monsieur le docteur, ��coutez un peu les gens. On vous parle une heure durant, et vous ne r��pondez point �� ce qu'on vous dit.
- Pancrace -
Je vous demande pardon. Une juste col��re m'occupe l'esprit.
- Sganarelle -
Eh ! laissez tout cela, et prenez la peine de m'��couter.
- Pancrace -
Soit. Que voulez-vous me dire ?
- Sganarelle -
Je veux vous parler de quelque chose.
- Pancrace -
Et de quelle langue voulez-vous vous servir avec moi ?
- Sganarelle -
De quelle langue ?
- Pancrace -
Oui.
- Sganarelle -
Parbleu ! de la langue que j'ai dans la bouche. Je crois que je n'irai pas emprunter celle de mon voisin.
- Pancrace -
Je vous dis, de quel idiome, de quel langage ?
- Sganarelle -
Ah ! c'est une autre affaire.
- Pancrace -
Voulez-vous me parler italien ?
- Sganarelle -
Non.
- Pancrace -
Espagnol ?
- Sganarelle -
Non.
- Pancrace -
Allemand ?
- Sganarelle -
Non.
- Pancrace -
Anglais ?
- Sganarelle -
Non.
- Pancrace -
Latin ?
- Sganarelle -
Non.
- Pancrace -
Grec ?
- Sganarelle -
Non.
- Pancrace -
H��breu ?
- Sganarelle -
Non.
- Pancrace -
Syriaque ?
- Sganarelle -
Non.
- Pancrace -
Turc ?
- Sganarelle -
Non.
- Pancrace -
Arabe ?
- Sganarelle -
Non, non ; fran?ais [, fran?ais, fran?ais].
- Pancrace -
Ah ! fran?ais.
- Sganarelle -
Fort bien.
- Pancrace -
Passez donc de l'autre c?t�� ; car cette oreille-ci est destin��e pour les langues scientifiques [et ��trang��res], et l'autre est pour [la vulgaire et] la maternelle.
- Sganarelle -
(�� part.)
Il faut bien des c��r��monies avec ces sortes de gens-ci !
- Pancrace -
Que voulez-vous ?
- Sganarelle -
Vous consulter une une petite difficult��.
- Pancrace -
[Ah ! ah !] sur une difficult�� de philosophie, sans doute ?
- Sganarelle -
Pardonnez-moi. Je...
- Pancrace -
Vous voulez peut-��tre savoir si la substance et l'accident sont termes synonymes ou ��quivoques �� l'��gard de l'��tre ?
- Sganarelle -
Point du tout. Je...
- Pancrace -
Si la logique est un art ou une science ?
- Sganarelle -
Ce n'est pas cela. Je...
- Pancrace -
Si elle a pour objet les trois op��rations de l'esprit, ou la troisi��me seulement (9) ?
- Sganarelle -
Non. Je...
- Pancrace -
S'il y a dix cat��gories, ou s'il n'y en a qu'une (10) ?
- Sganarelle -
Point. Je...
- Pancrace -
Si la conclusion est de l'essence du syllogisme ?
- Sganarelle -
Nenni. Je...
- Pancrace -
Si l'essence du bien est mise dans l'app��tibilit��, ou dans la convenance (11) ?
- Sganarelle -
Non. Je...
- Pancrace -
Si le bien se r��ciproque avec la fin ?
- Sganarelle -
Eh ! non. Je...
- Pancrace -
Si la fin nous peut ��mouvoir par son ��tre r��el, ou par son ��tre intentionnel (12) ?
- Sganarelle -
Non, non, non, non, non, de par tous les diables, non.
- Pancrace -
Expliquez donc votre pens��e, car je ne puis pas la deviner.
- Sganarelle -
Je vous la veux expliquer aussi ; mais il faut m'��couter.
(Pendant que Sganarelle dit :)
L'affaire que j'ai �� vous dire, c'est que j'ai envie de me marier avec une fille qui est jeune et belle. Je l'aime fort, et l'ai demand��e �� son p��re ; mais comme j'appr��hende...
- Pancrace -
(dit en m��me temps, sans ��couter Sganarelle :)
La parole a ��t�� donn��e �� l'homme pour expliquer sa pens��e ; et tout ainsi que les pens��es sont les portraits des choses, de m��me nos paroles sont-elles les portraits de nos pens��es.
(Sganarelle, impatient��, ferme la bouche du docteur avec sa main �� plusieurs reprises, et le docteur continue de parler d'abord que Sganarelle ?te sa main.)
Mais ces portraits diff��rent des autres portraits en ce que les autres portraits sont distingu��s partout de leurs originaux, et que la parole enferme en soi son original, puisqu'elle n'est autre chose que la pens��e expliqu��e par un signe ext��rieur ; d'o�� vient que ceux qui pensent bien sont aussi ceux qui parlent le mieux. Expliquez-moi donc votre pens��e par la parole, qui est le plus intelligible de tous les signes.
- Sganarelle -
(pousse le docteur dans sa maison, et tire la porte pour l'emp��cher de sortir.)
[Peste de l'homme !
- Pancrace -
(au dedans de sa maison.)
Oui, la parole est "animi index et speculum" (13). C'est le truchement du coeur, c'est l'image de l'ame.
(Il monte �� la fen��tre et continue.)
C'est un miroir qui nous pr��sente na?vement les secrets les plus arcanes (14) de nos individus ; et puisque vous avez la facult�� de ratiociner et de parler tout ensemble, �� quoi tient-il que vous ne vous serviez de la parole pour me faire entendre votre pens��e ?
- Sganarelle -
C'est ce que je veux faire ; mais vous ne voulez pas m'��couter.
- Pancrace -
Je vous ��coute, parlez.
- Sganarelle -
Je dis donc, monsieur le docteur, que...
- Pancrace -
Mais surtout soyez bref.
- Sganarelle
Continue reading on your phone by scaning this QR Code
Tip: The current page has been bookmarked automatically. If you wish to continue reading later, just open the
Dertz Homepage, and click on the 'continue reading' link at the bottom of the page.