bel exemple pour vous, Monsieu. On n'a que son plaisir en ce
monde; et j'aimerois mieux bailler à ma fille un bon mari qui li fût
agriable que toutes les rentes de la Biausse.
GÉRONTE.
Peste, Madame la nourrice! comme vous dégoisez! Taisez-vous, je
vous prie; vous prenez trop de soin, et vous échauffez votre lait.
LUCAS. (En disant ceci, il frappe sur la poitrine à Géronte.)
Morgue! tais-toi, t'es eune impartinante. Monsieu n'a que faire de tes
discours, et il sait ce qu'il a à faire. Mêle-toi de donner à téter à ton
enfant, sans tant faire la raisonneuse. Monsieu est le père de sa fille, et
il est bon et sage pour voir ce qu'il li faut.
GÉRONTE.
Tout doux! oh! tout doux!
LUCAS.
Monsieu, je veux un peu la mortifier et li apprendre le respect qu'allé
vous doit.
GÉRONTE.
Oui; mais ces gestes ne sont pas nécessaires.
SCÈNE II
VALÈRE, SGANARELLE, GÉRONTE, LUCAS, JACQUELINE.
VALÈRE.
Monsieur, préparez-vous, voici notre médecin qui entre.
GÉRONTE.
Monsieur, je suis ravi de vous voir chez moi, et nous avons grand
besoin de vous.
SGANARELLE, en robe de médecin, avec un chapeau des plus
pointus.[15]
Hippocrate dit... que nous nous couvrions tous deux.
GÉRONTE.
Hippocrate dit cela?
SGANARELLE.
Oui.
GÉRONTE.
Dans quel chapitre, s'il vous plaît?
SGANARELLE.
Dans son chapitre des chapeaux.[16]
GÉRONTE.
Puisqu'Hippocrate le dit, il le faut faire.
SGANARELLE.
Monsieur le médecin, ayant appris les merveilleuses choses...
GÉRONTE.
À qui parlez-vous, de grâce?
SGANARELLE.
À vous.
GÉRONTE.
Je ne suis pas médecin.
SGANARELLE.
Vous n'êtes pas médecin?
GÉRONTE.
Non vraiment.
SGANARELLE. (Il prend ici un bâton, et le bat comme on l'a battu.)
Tout de bon?
GÉRONTE.
Tout de bon. Ah! ah! ah!
SGANARELLE.
Vous êtes médecin maintenant: je n'ai jamais eu d'autres licences.
GÉRONTE.
Quel diable d'homme m'avez-vous là amené?
VALÈRE.
Je vous ai bien dit que c'étoit un médecin goguenard.
GÉRONTE.
Oui. Mais je l'envoirois promener avec ses goguenarderies.
LUCAS.
Ne prenez pas garde à ça, Monsieu, ce n'est que pour rire.
GÉRONTE.
Cette raillerie ne me plaît pas.
SGANARELLE.
Monsieur, je vous demande pardon de la liberté que j'ai prise.
GÉRONTE.
Monsieur, je suis votre serviteur.
SGANARELLE.
Je suis fâché...
GÉRONTE.
Cela n'est rien.
SGANARELLE.
Des coups de bâton...
GÉRONTE.
Il n'y a pas de mal.
SGANARELLE.
Que j'ai eu l'honneur de vous donner.
GÉRONTE.
Ne parlons plus de cela. Monsieur, j'ai une fille qui est tombée dans une
étrange maladie.
SGANARELLE.
Je suis ravi, Monsieur, que votre fille ait besoin de moi; et je
souhaiterois de tout mon coeur que vous en eussiez besoin aussi, vous
et toute votre famille, pour vous témoigner l'envie que j'ai de vous
servir.
GÉRONTE.
Je vous suis obligé de ces sentiments.
SGANARELLE.
Je vous assure que c'est du meilleur de mon âme que je vous parle.
GÉRONTE.
C'est trop d'honneur que vous me faites.
SGANARELLE.
Comment s'appelle votre fille?
GÉRONTE.
Lucinde.
SGANARELLE.
Lucinde! Ah! beau nom à médicamenter! Lucinde!
GÉRONTE.
Je m'en vais voir un peu ce qu'elle fait.
SGANARELLE.
Qui est cette grande femme-là?
GÉRONTE.
C'est la nourrice d'un petit enfant que j'ai.
SGANARELLE.
Peste! le joli meuble que voilà! Ah! nourrice, charmante nourrice, ma
médecine est la très humble esclave de votre nourricerie, et je voudrois
bien être le petit poupon fortuné qui tétât le lait (il lui porte la main sur
le sein) de vos bonnes grâces. Tous mes remèdes, toute ma science,
toute ma capacité est à votre service, et...
LUCAS.
Avec votre parmission, Monsieu le médecin, laissez là ma femme, je
vous prie.
SGANARELLE.
Quoi! est-elle votre femme?
LUCAS.
Oui.
SGANARELLE. (Il fait semblant d'embrasser Lucas, et, se tournant du
côté de la nourrice, il l'embrasse.)
Ah! vraiment, je ne savois pas cela, et je m'en réjouis pour l'amour de
l'on et de l'antre.
LUCAS. en le tirant.
Tout doucement, s'il vous plaît.
SGANARELLE.
Je vous assure que je suis ravi que vous soyez unis ensemble. Je la
félicite d'avoir (il fait encore semblant d'embrasser Lucas, et, passant
dessous ses bras, se jette au col de sa femme) un mari comme vous; et
je vous félicite, vous, d'avoir une femme si belle, si sage, et si bien faite
comme elle est.
LUCAS. en le tirant encore.
Eh! testigué! point tant de compliment, je vous supplie.
SGANARELLE.
Ne voulez-vous pas que je me réjouisse avec vous d'un si bel
assemblage?
LUCAS.
Avec moi, tant qu'il vous plaira; mais avec ma femme, trêve de
sarimonie.
SGANARELLE.
Je prends part également au bonheur de tous deux, et (il continue le
mime jeu), si je vous embrasse pour vous en témoigner ma joie, je
l'embrasse de même pour lui en témoigner aussi.
LUCAS. en le tirant derechef.
Ah! vartigué, Monsieu le médecin, que de lantiponages!
SCÈNE III
SGANARELLE, GÉRONTE, LUCAS, JACQUELINE.
GÉRONTE.
Monsieur, voici tout à l'heure ma fille qu'on va vous amener.
SGANARELLE.
Je l'attends,
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