Le Kama Soutra | Page 6

Vatsyayana
antiquité du culte du linga dans l'Inde et la certitude
aujourd'hui acquise d'une expansion ou éruption de l'hindouisme vers
l'Occident, antérieur aux sept sages de la Grèce, rendent très probable
l'opinion que c'est de l'Inde qu'est venu le culte phallique; d'abord
associé sans doute à celui des divinités assyriennes et phéniciennes
dont l'une a pu représenter Siva, il s'établit ensuite avec éclat dans l'île
de Chypre qui lui fut consacrée tout entière. Il passa de là dans l'Asie
Mineure, en Grèce et en Italie.
Rien de surprenant que, dans ces contrées où l'art était tout, le linga,
encore fétiche à Paphos, se soit transformé en une image que les idées
des anciens sur les nudités, absolument différentes des nôtres, ne
faisaient point considérer comme obscène et que la sculpture s'efforçât
de rendre aussi belle et aussi gracieuse qu'aucune autre partie du corps
humain. C'est ce que l'on voit dans la statue de l'Hercule phallophore
qui porte une corne d'abondance remplie de phallus, et dans un grand
nombre de camées antiques. Sans doute on mit beaucoup de lingas ou
priapes pour servir de délimitation ou de repère dans les champs et les
jardins. De là l'origine du dieu champêtre Priape. C'est la prédominance
primitive de l'énergie mâle qui se continua dans la Grèce, tandis que,
peu à peu, dans l'Inde, l'énergie femelle prenait le dessus. Chez les
poètes anciens jusqu'à Lucrèce, Vénus est la déesse de la beauté, de la
volupté, des amours faciles, des jeux et des ris plutôt que de la
fécondité. Junon avait pour les épouses ce dernier caractère plus

peut-être que Vénus; et une autre déesse, Lucine, présidait aux
accouchements. Ce fut probablement par l'effet de la pénétration des
idées indiennes transformées, au sujet des énergies femelles, et
peut-être aussi par un progrès naturel, que les poètes philosophes tels
que Lucrèce célébrèrent Vénus comme la mère universelle: Venus
omnium parens.
Le culte de Vénus dans l'île de Chypre réunit beaucoup de traits du
culte naturaliste de l'Inde à la prostitution sacrée des religions
assyriennes et phéniciennes, le tout relevé par l'arc grec.
Le temple de Paphos dessinait un rectangle (forme des temples indiens
et grecs) de dix-huit mètres de longueur sur neuf mètres de largeur.
Sous le péristyle, un phallus d'un mètre de hauteur, érigé sur un
piédestal, annonçait l'objet du culte. Au milieu du temple se dressait un
cône d'un mètre de hauteur (forme du linga), symbole de l'organe
générateur.
Tout autour du cône étaient rangées de nombreuses déesses dans des
poses appropriées au culte du temple (comme les gopies autour du dieu
Krishna).
La statue de la déesse placée dans le sanctuaire a l'index de la main
droite dirigé vers le pubis (Latchoumy, la déesse de la fécondité, figure
dans les bas-reliefs des pagodes avec un doigt placé immédiatement
au-dessous du pubis).
Le bras gauche s'arrondit à la hauteur de la poitrine et l'index de la main
gauche est dirigé vers le mamelon du sein droit; on se demande si c'est
un appel à la volupté ou l'indication de l'allaitement.
Cette statue, oeuvre admirable de Praxitèle, est surtout gracieuse et
délicate; c'est la volupté idéalisée (voir à ce sujet le chapitre des amours
de Lucien).
L'aphrodite phénicienne est au contraire un type réaliste; elle a les
formes massives, les flancs larges et robustes, la poitrine rebondie, les
hanches et le bassin largement développés; tout en elle respire la

luxure.
A l'entrée de tous les temples naturalistes de Chypre, de la Phénicie, se
dressent des colonnes de formes diverses, symboles de l'organe mâle. Il
y avait toujours deux de ces symboles, colonnes ou obélisques, devant
les temples construits par les Phéniciens, y compris celui de Jérusalem.
Des érudits attribuent cette origine, comme emprunt fait au temple de
Jérusalem, aux deux tours ou flèches de nos cathédrales gothiques;
l'auteur du Génie du christianisme ne s'en doutait guère! Et cependant
les menhirs de la Basse-Bretagne, tout à fait semblables à ceux d'une
grande région du Décan, paraissent avoir appartenu au même culte
naturaliste[1].
Remarquons que les Sivaïstes et les Phéniciens, ceux-ci comme
Sémites, avaient, outre les mêmes symboles, les mêmes croyances
monothéistes.
Ce qu'on adorait à Paphos et dans les autres temples naturalistes, c'était
la volupté souveraine par l'union des sexes, l'amour universel dans le
monde, la force productrice chez les êtres animés.
[Note 1: Mgr Laouénan.--Les monuments celtiques sont très communs
dans l'Inde; dans les plaines rocheuses qui s'étendent parmi les massifs
des gates orientales jusqu'à la Nerbudda et aux monts Vindhyas, on
rencontre à chaque pas pour ainsi dire des constructions identiques à
celles qui existent au nord et à l'ouest de l'Europe. D'après la tradition
locale ou l'opinion des habitants intelligents, les menhirs représentent le
linga. Les étymologies appuient cette opinion.]
Dans les fêtes d'Adonis dont la légende est un mythe solaire, on
célébrait le retour du
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