Le Jour des Rois | Page 9

William Shakespeare
r��p��ter Olivia! Oh! vous ne pourriez trouver de repos entre les ��l��ments de l'air et de la terre, que vous n'eussiez eu piti�� de moi.
[Note 28: Arbre de la m��lancolie et des amants.]
OLIVIA.--Vous pourriez faire beaucoup de choses! Quelle est votre parent��?
VIOLA.--Au-dessus de ma fortune; et cependant ma fortune est suffisante: je suis gentilhomme.
OLIVIA.--Retournez vers votre ma?tre: je ne puis l'aimer; qu'il n'envoie plus chez moi; �� moins que, par hasard, vous ne reveniez encore, pour me dire comment il prend la chose. Adieu! je vous remercie de vos peines; d��pensez ceci pour l'amour de moi.
VIOLA.--Je ne suis point un messager �� gages, madame: gardez votre bourse; c'est mon ma?tre, et non pas moi, qui a besoin de r��compense. Puisse l'amour changer en pierre le coeur de celui que vous aimerez; et que votre ardeur, comme celle de mon ma?tre, ne rencontre que le m��pris! Adieu, beaut�� cruelle.
(Elle sort.)
OLIVIA.--_Quelle est votre parent��?_--_Au-dessus de ma fortune_, r��pond-il, _et pourtant ma fortune est suffisante._--_Je suis gentilhomme._ Oui, je le jurerais, que tu l'es en effet. Ton langage, ta physionomie, ta tournure, tes actions et tes sentiments te donnent dix fois des armoiries.--N'allons pas trop vite.--Doucement, doucement! Si le ma?tre ��tait le serviteur! Allons donc!--Comment peut-on prendre si promptement la contagion? Il me semble que je sens toutes les perfections de ce jeune homme se glisser furtivement et subtilement dans mes yeux. Allons, soit.--Hol��, Malvolio!
(Rentre Malvolio.)
MALVOLIO.--Me voici, madame, �� vos ordres.
OLIVIA.--Cours apr��s ce messager impertinent, l'homme du comte: il a laiss�� cette bague ici malgr�� moi; dis-lui que je n'en veux point. Recommande-lui bien de ne pas flatter son ma?tre, et de ne pas nourrir ses esp��rances: je ne suis point pour lui. Si le jeune homme veut revenir ici demain, je lui expliquerai les raisons de mon refus. Cours vite, Malvolio.
MALVOLIO.--Madame, j'y cours.
(Il sort.)
OLIVIA.--Je ne sais trop ce que je fais; et je crains de trouver que mes yeux sont des flatteurs qui en imposent �� mon jugement[29]. Destin, montre ta puissance: nous ne disposons pas de nous-m��mes. Ce qui est d��cr��t�� doit arriver; qu'il en soit fait ainsi!
(Elle sort.)
[Note 29: _Mine eye too great a flatterer for my mind._]
FIN DU PREMIER ACTE

ACTE DEUXI��ME

SC��NE I
Le bord de la mer.
ANTONIO, S��BASTIEN.
ANTONIO.--Vous ne voulez pas rester plus longtemps? Et vous ne voulez pas que je vous accompagne?
S��BASTIEN.--Non, je vous en prie; mon ��toile jette sur moi une clart�� sinistre: la malignit�� de ma destin��e pourrait peut-��tre empoisonner la v?tre. Je vous demanderai donc la permission de porter mes maux tout seul: ce serait bien mal reconna?tre votre amiti�� pour moi, que d'en faire retomber une partie sur vous.
ANTONIO.--Faites-moi conna?tre au moins en quel lieu vous vous proposez d'aller.
S��BASTIEN.--Non, non, monsieur; le voyage que j'ai r��solu est une v��ritable extravagance.--Cependant je remarque en vous une discr��tion si d��licate que vous ne chercherez pas �� m'extorquer le secret que je veux garder... Et la politesse me fait un devoir de vous le r��v��ler moi-m��me. Il faut donc que vous sachiez de moi, Antonio, que mon nom est S��bastien, que j'ai chang�� en celui de Rodrigo; mon p��re ��tait ce S��bastien de Messaline, dont je sais que vous avez ou? parler. Il a laiss�� apr��s lui deux enfants, moi, et une soeur, tous deux n��s �� la m��me heure: s'il e?t plu au ciel, nous aurions de m��me fini notre vie ensemble; mais, vous, monsieur, vous avez chang�� mes destins; car quelques heures avant que vous m'ayez retir�� des ab?mes de la mer, ma soeur ��tait noy��e.
ANTONIO.--H��las! funeste jour!
S��BASTIEN.--Une jeune personne, monsieur, qui, quoiqu'on d?t qu'elle me ressemblait beaucoup, passait pour belle aux yeux de beaucoup de gens. Il ne me convient pas �� moi d'oser avoir d'elle une aussi haute id��e que les autres; mais du moins puis-je assurer hardiment qu'elle portait une ame que l'envie m��me ��tait forc��e de dire belle. Elle est noy��e, monsieur, dans l'eau sal��e, et il me semble que je vais encore y noyer son souvenir.
ANTONIO.--Excusez-moi, monsieur, de la mauvaise ch��re que je vous ai fait faire.
S��BASTIEN.--Cher Antonio, c'est moi qui vous prie de me pardonner l'embarras que je vous ai caus��.
ANTONIO.--Si, pour prix de mon amiti��, vous ne voulez pas me tuer, permettez-moi d'��tre votre serviteur.
S��BASTIEN.--Si vous ne voulez pas d��truire votre ouvrage, je veux dire, tuer celui que vous avez sauv��, n'exigez pas cela de moi. Adieu, en un mot: mon coeur est plein de reconnaissance; et je suis encore si pr��s d'avoir les mani��res de ma m��re, qu'un peu plus et mes yeux vont me trahir. Je vais �� la cour du comte Orsino: adieu.
(Il sort.)
ANTONIO.--Que la bont�� de tous les dieux ensemble accompagne tes pas! J'ai beaucoup d'ennemis �� la cour d'Orsino; sans cela, je ne tarderais pas �� t'y revoir.--Mais, advienne que pourra, je t'adore tant, que pour toi tous les dangers me sembleront un jeu,
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