Le Jour des Rois | Page 8

William Shakespeare
jure par les griffes de la m��chancet�� que je ne suis pas ce que je repr��sente. ��tes-vous la dame du logis?
OLIVIA.--Si je ne me vole pas moi-m��me, je la suis.
VIOLA.--Tr��s-certainement si vous l'��tes, vous vous volez vous-m��me. Car ce qui est �� vous, pour en faire don, n'est pas �� vous pour le tenir en r��serve. Mais cela sort de ma commission. Je veux d'abord d��biter mon discours �� votre louange, et en venir ensuite au fait de mon message.
OLIVIA.--Venez tout de suite �� ce qu'il y a d'important, je vous dispense de l'��loge.
VIOLA.--H��las! j'ai pris tant de peine �� l'��tudier; et il est po��tique.
OLIVIA.--Il n'en ressemble que mieux �� une fiction; je vous en prie, gardez-le pour vous. On m'a dit que vous ��tiez impertinent �� ma porte, et j'ai permis votre entr��e, plus pour vous contempler avec ��tonnement, que pour vous ��couter. Si vous n'��tes pas insens��, retirez-vous; si vous jouissez de votre raison, soyez court: je ne suis pas dans une lune �� soutenir un dialogue aussi extravagant.
MARIE.--Voulez-vous d��ployer les voiles, monsieur? Voici votre chemin.
VIOLA.--Non, joli mousse, je dois rester �� flot ici un peu plus longtemps.--(_A Olivia._) Pacifiez un peu votre g��ant, ma ch��re dame[26].
[Note 26: Allusion aux g��ants pr��pos��s �� la garde des demoiselles dans les romans, et �� la petite taille de Marie.]
OLIVIA.--D��clarez-moi vos intentions.
VIOLA.--Je suis un messager.
OLIVIA.--S?rement, vous avez quelque chose de bien affreux �� m'apprendre, puisque le d��but de votre politesse est si craintif; expliquez l'objet de votre message.
VIOLA.--Il n'est destin�� qu'�� votre oreille; je ne vous apporte ni d��claration de guerre, ni imposition d'hommage; je porte la branche d'olivier dans ma main: mes paroles sont, comme le sujet, des paroles de paix.
OLIVIA.--Et cependant vous avez commenc�� bien brusquement. Qu'��tes-vous? Que voulez-vous?
VIOLA.--Si j'ai montr�� quelque grossi��ret��, c'est de mon r?le que je l'ai emprunt��e. Ce que je suis et ce que je veux sont des choses aussi secr��tes que la virginit��, sacr��es pour vos oreilles, profanation pour toute autre.
OLIVIA, _�� Marie_.--Laissez-nous seuls. Nous d��sirons conna?tre ces choses sacr��es. (_Marie sort._) Maintenant, monsieur, votre texte?
VIOLA.--Tr��s-ch��re dame....
OLIVIA.--Une doctrine vraiment consolante, et sur laquelle on peut dire beaucoup de choses!--O�� est votre texte?
VIOLA.--Dans le sein d'Orsino.
OLIVIA.--Dans son sein? Dans quel chapitre de son sein?
VIOLA.--Pour vous r��pondre avec m��thode, dans le premier chapitre de son coeur.
OLIVIA.--Oh! je l'ai lu; c'est de l'h��r��sie toute pure. N'avez-vous rien de plus �� dire?
VIOLA.--Ch��re madame, laissez-moi voir votre visage.
OLIVIA.--Avez-vous quelque commission de votre ma?tre �� n��gocier avec mon visage? Vous voil�� maintenant hors de votre texte; mais nous allons tirer le rideau et vous montrer le portrait. Regardez, monsieur: voil�� comme je suis pour le moment; n'est-ce pas bien fait?
(Elle ?te son voile.)
VIOLA.--Admirablement bien fait, si Dieu a tout fait.
OLIVIA.--C'est dans le grain, monsieur; cela r��sistera �� la pluie et au vent.
VIOLA.--C'est la beaut�� m��me, m��lange heureux des roses et des lis, et la main d��licate et savante de la nature en a p��tri elle-m��me les couleurs. Madame, vous ��tes la plus cruelle des femmes qui respirent, si vous conduisez toutes ces graces au tombeau sans en laisser de copie au monde.
OLIVIA.--Oh! monsieur, je n'aurai pas le coeur si dur: je donnerai plusieurs c��dules de ma beaut��. Elle sera inventori��e, et chaque parcelle, chaque article sera cot�� dans mon testament; par exemple, item, deux l��vres passablement vermeilles: item, deux yeux gris avec des paupi��res dessus: item, un cou, un menton, et ainsi de suite. Avez-vous ��t�� envoy�� ici pour faire mon estimation?
VIOLA.--Je vois ce que vous ��tes: vous ��tes trop fi��re; mais fussiez-vous le diable, vous ��tes belle: mon seigneur et ma?tre vous aime. Oh! un pareil amour m��rite d'��tre r��compens��, fussiez-vous couronn��e comme la beaut�� incomparable.
OLIVIA.--Comment m'aime-t-il?
VIOLA.--Avec des adorations, des larmes f��condes, des g��missements qui tonnent l'amour, et des soupirs de feu[27].
[Note 27: Ridicule jet�� sur les hyperboles amoureuses.]
OLIVIA.--Votre ma?tre conna?t mes dispositions: je ne puis l'aimer. Cependant je le crois vertueux, je sais qu'il est noble, d'un rang illustre, d'une jeunesse sans tache et dans toute sa fra?cheur. Il a les suffrages de tout le monde; il est lib��ral, savant et vaillant; et plein de grace dans sa taille et sa tournure; mais malgr�� toutes ces qualit��s, je ne puis l'aimer: il y a longtemps qu'il aurait d? se le tenir pour dit.
VIOLA.--Si je vous aimais de toute la passion de mon ma?tre, si je souffrais comme il souffre, si ma vie ��tait une mort, je ne trouverais aucun sens dans votre refus, et je ne le comprendrais pas.
OLIVIA.--Eh! que feriez-vous?
VIOLA.--Je me batirais une cabane de saule[28] �� votre porte, et j'irais voir mon ame dans sa demeure; je composerais des chants loyaux sur l'amour m��pris��, et je les chanterais de toute ma voix m��me au milieu de la nuit; je crierais votre nom aux collines qui le r��percuteraient, et je forcerais la babillarde comm��re de l'air ��
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