Le Jour des Rois | Page 6

William Shakespeare
�� redouter.
MARIE.--Compte l��-dessus.
LE BOUFFON.--Il ne voit plus personne �� craindre.
MARIE.--Bonne r��ponse de car��me[19]! Je puis t'apprendre l'origine de ces mots.
[Note 19: A lenten answer, r��ponse br��ve et mis��rable.]
LE BOUFFON.--D'o�� vient-il, bonne dame Marie?
MARIE.--De la guerre; et tu peux le dire hardiment dans tes folies.
LE BOUFFON.--Eh bien! que Dieu donne la sagesse �� ceux qui l'ont, et que ceux qui sont fous fassent usage de leurs talents.
MARIE.--Mais tu seras pendu pour ��tre rest�� si longtemps absent, ou tout au moins renvoy��; n'est-ce pas la m��me chose pour toi que d'��tre pendu?
LE BOUFFON.--Vraiment, une bonne pendaison pr��vient un mauvais mariage[20]. Et quant au malheur d'��tre renvoy��, l'��t�� y pourvoira[21].
[Note 20: Gray dit qu'une coutume espagnole autorisait toute femme veuve �� sauver, en l'��pousant, un malfaiteur condamn�� �� ��tre pendu. Un voleur, qui marchait au supplice, plut �� une femme, qui s'��cria qu'elle demandait sa grace avec la condition d'usage. Le condamn�� se retourne, et �� peine l'a-t-il aper?ue du haut de la charrette, qu'il dit: Allons, fouette, cocher!]
[Note 21: Les fain��ants le deviennent encore davantage vers la saison de l'��t��, plus s?rs de trouver leur subsistance et de pouvoir coucher �� la belle ��toile.]
MARIE.--Tu es donc bien r��solu?
LE BOUFFON.--Non pas; mais je suis r��solu sur deux points.
MARIE.--En sorte que si l'un manque, l'autre tiendra; ou si tous les deux viennent �� manquer, ton haut-de-chausses tombe par terre.
LE BOUFFON.--Juste; en bonne foi, tout juste! Allons, va ton chemin. Si sir Tobie voulait quitter la boisson, tu serais une aussi spirituelle pi��ce de la chair d'��ve qu'aucune en Illyrie.
MARIE.--Tais-toi, faquin; plus de cela: voici ma ma?tresse; fais tes excuses sagement, cela vaudra mieux.
(Marie sort.)
(Entrent Olivia, Malvolio et suite.)
LE BOUFFON.--Esprit, si c'est ton bon plaisir, mets-moi en bonne veine de folies. Les gens d'esprit qui s'imaginent te poss��der ne sont souvent que des fous; et moi, qui suis bien s?r de ne pas t'avoir, je pourrais passer pour un homme sens��; car que dit Quinapalus? Un fou spirituel vaut mieux qu'un esprit fou.--Dieu vous b��nisse, ma?tresse!
OLIVIA.--Faites sortir cet imb��cile.
LE BOUFFON.--Est-ce que vous n'entendez pas, camarades? Emmenez madame.
OLIVIA.--Va-t'en; tu es un fou �� sec: je ne veux plus de toi; d'ailleurs tu deviens malhonn��te.
LE BOUFFON.--Deux d��fauts, madonna, que la boisson et les bons conseils corrigeront; car donnez �� boire �� un fou �� sec, et le fou cessera d'��tre �� sec; recommandez �� un homme malhonn��te de se corriger, s'il se corrige, il ne sera plus malhonn��te, et s'il ne peut se corriger, que le ravaudeur le corrige; tout ce qui dans le monde est corrig�� n'est que rapetass��: la vertu qui s'��gare n'est que rapetass��e de vice, et le vice qui s'amende n'est que rapetass�� de vertu. Si ce syllogisme tout simple peut me servir, �� la bonne heure; sinon, quel rem��de? Comme il n'y a point d'homme vraiment d��shonor�� autre que le mis��rable, de m��me la beaut�� n'est qu'une fleur.--La dame a command�� de faire sortir l'imb��cile; en cons��quence, je le r��p��te, faites-la sortir.
OLIVIA.--Monsieur, je leur ai command�� de vous faire sortir.
LE BOUFFON.--Une m��prise du plus haut degr��! Madame, _cuclus non facit monachum_[22]; c'est comme qui dirait, je ne porte pas d'habit de fou dans le cerveau. Bonne madonna, donnez-moi la permission de prouver que vous ��tes une folle.
[Note 22: Le capuchon ne fait pas le moine.]
OLIVIA.--Peux-tu le prouver?
LE BOUFFON.--Tr��s-adroitement, bonne madonna.
OLIVIA.--Voyons ta preuve.
LE BOUFFON.--Il faut que je vous cat��chise pour cela, madame.--Ma bonne petite souris de vertu, r��pondez-moi.
OLIVIA.--Allons, monsieur, �� d��faut d'autre passe-temps, je vous demanderai votre preuve.
LE BOUFFON.--Bonne madame, pourquoi ��tes-vous en deuil?
OLIVIA.--Mon cher fou, pour la mort de mon fr��re.
LE BOUFFON.--Je crois, madame, que son ame est en enfer.
OLIVIA.--Moi, je sais, fou, que son ame est dans le ciel.
LE BOUFFON.--Vous n'en ��tes que d'autant plus folle, madame, d'��tre en deuil, de ce que l'ame de votre fr��re est dans le ciel.--Emmenez la folle, messieurs.
OLIVIA.--Que pensez-vous de ce fou, Malvolio? Ne s'amende-t-il pas?
MALVOLIO.--Oui, et il continuera ainsi jusqu'�� ce que les angoisses de la mort l'��branlent. L'infirmit�� qui fait d��choir le sage amende toujours le fou.
LE BOUFFON.--Dieu veuille vous envoyer, monsieur, une prompte infirmit��, afin d'augmenter votre folie! Sir Tobie jurera que je ne suis pas un renard; mais il ne risquerait pas sa parole sur deux sous, pour gager que vous n'��tes pas fou.
OLIVIA.--Que r��pondez-vous �� cela, Malvolio?
MALVOLIO.--Je m'��tonne que vous, madame, vous puissiez vous amuser des st��riles propos d'un pareil coquin; je l'ai vu terrass�� l'autre jour par un fou ordinaire qui n'a pas plus de cervelle qu'une pierre. Voyez, il est d��j�� hors de parade; si vous ne riez pas, et que vous ne lui fournissiez pas mati��re, le voil�� baillonn��. Je proteste que je tiens tous ces hommes sens��s, qui rient ainsi de ces sortes de fous, pour n'��tre eux-m��mes rien de mieux que les bouffons de fous.
OLIVIA.--Oh! vous ��tes malade �� force d'amour-propre, Malvolio, et votre go?t
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