y chercher son père. Il passe
sous la fenêtre de Catella, qui le prend pour le prétendu page.
Ambrogio arrive: Nicuola l'aperçoit dans la rue, et, dans sa frayeur, elle
se sauve chez sa gouvernante. Celle-ci lui conseille de reprendre les
habits de son sexe, et court annoncer au père qu'elle lui conduira sa fille
le lendemain.
Cependant Lattanzio attend Romulo avec inquiétude et impatience; il le
cherche partout, et on lui montre la maison de la gouvernante, où l'on
avait vu entrer Nicuola sous son déguisement. Il lie conversation avec
la duègne, qui lui découvre tout, lui vante la constance de son ancienne
maîtresse, et prépare la réconciliation qu'achève la vue de Nicuola
elle-même.
Catella prend toujours Paolo pour Romulo. Paolo, qui l'aime, s'aperçoit
de sa méprise et la détrompe.
Bientôt tout s'éclaircit. Ambrogio se réjouit du retour de son fils et
consent au mariage de sa fille. Lanzetti, qui a cru que Paolo n'était autre
que Nicuola déguisée, revient de son erreur et accorde aussi Catella au
fils d'Ambrogio.
Shakspeare a mis cette nouvelle sur la scène avec sa négligence
ordinaire, car le déguisement de Viola, amoureuse du duc qu'elle ne
connaît point, n'est pas aussi bien motivé que celui de la Nicuola de
Bandello. En général, les événements de la nouvelle sont conduits avec
beaucoup plus d'art que ceux de la comédie; mais c'est dans les
caractères, le comique des situations et la poésie des détails, que
Shakspeare retrouve sa supériorité et fait oublier tous les reproches
d'invraisemblance que la critique pourrait lui adresser. L'originalité de
sir André, de sir Tobie et du bouffon, les espiègleries de la friponne
Marie, la gravité comique et les prétentions de Malvolio, la scène
délicieuse du jardin et de la lettre, le duel de sir André et du faux page,
le charme que répand sur toute la pièce l'amour de Viola, un heureux
mélange de sentiment et de cette gaieté que les Anglais appellent
humour, tout contribue à rendre cette pièce une des plus agréables de
Shakspeare.
Selon le docteur Malone, elle aurait été écrite dans l'année 1614; mais
dans une comédie de Ben Jonson, antérieure à cette date, on trouve un
passage qui semblerait applicable au Jour des rois, Ben Jonson
saisissait toutes les occasions de tourner en ridicule les défauts de
Shakspeare. Un de ses personnages dit, à la fin de l'acte III de sa pièce
intitulée: _Every man out of his humour_:
«.....Il eût fallu que sa comédie fût fondée sur une autre intrigue que
celle d'un duc amoureux d'une comtesse, tandis que cette comtesse
serait amoureuse du fils du duc, et ce fils du duc amoureux de la
suivante de la dame. Vivent ces amours embrouillés, avec un paysan
bouffon pour valet, plutôt que des événements trop rapprochés de notre
temps!»
Un autre témoignage tout à fait décisif est la découverte faite par M.
Collier d'un petit journal manuscrit du temps, dans lequel une
représentation du Jour des Rois, ou Ce que vous voudrez, est indiquée à
la date du 2 février 1601.
LE JOUR DES ROIS
OU
CE QUE VOUS VOUDREZ
COMÉDIE
PERSONNAGES
ORSINO, duc d'Illyrie. SEBASTIEN, jeune gentilhomme, frère de
Viola. ANTONIO, capitaine de vaisseau, ami de Sébastien.
VALENTIN, } CURIO, } gentilshommes de la suite du duc. SIR
TOBIE BELCH, oncle d'Olivia. UN CAPITAINE DE VAISSEAU,
ami de Viola. SIR ANDRÉ AGUE-CHEEK[2]. MALVOLIO,
intendant d'Olivia. FABIEN, } PAYSAN BOUFFON, }au service
d'Olivia. OLIVIA, riche comtesse. VIOLA, amoureuse du duc. MARIE,
suivante d'Olivia. UN PRÊTRE. SEIGNEURS, MATELOTS,
OFFICIERS, MUSICIENS, SERVITEURS, etc.
[Note 2: Ague cheek, mal de joue.]
_La scène est dans une ville d'Illyrie et sur la côte voisine._
ACTE PREMIER
SCÈNE I
Appartement dans le palais du duc.
LE DUC, CURIO, seigneurs.
(Des musiciens jouent.)
LE DUC.--Si la musique est l'aliment de l'amour, jouez donc;
donnez-m'en jusqu'à ce que ma passion surchargée en soit malade et
expire.--Répétez cet air; il avait une chute mourante: oh! il a fait sur
mon oreille l'impression du doux vent du midi dont le souffle, en
passant sur un champ de violettes, leur dérobe et leur rend à la fois des
parfums.--C'est assez, pas davantage: ces sons ne sont plus aussi doux
qu'ils l'étaient tout à l'heure. O esprit de l'amour, que tu es avide de
fraîcheur et de nouveauté! Aussi vaste que la mer, et, comme elle,
recevant tout dans ton sein, rien n'y entre, quelle que soit sa valeur et
son mérite, sans dégénérer et perdre tout son prix au bout d'une minute.
L'imagination est si féconde en formes changeantes, que rien n'égale
ses bizarres fantaisies.
CURIO.--Voulez-vous venir chasser, seigneur?
LE DUC.--Quoi donc, Curio?
CURIO.--La biche.
LE DUC.--C'est ce que je fais: je poursuis la plus noble biche que j'aie
vue. Ah! la première fois que mes yeux ont contemplé Olivia, il me
sembla
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