Le Horla | Page 6

Guy de Maupassant
�� sa disposition! Voyons r��fl��chissez. ��tes-vous s?re qu'il vous a charg��e de me les demander?
Elle h��sita quelques secondes comme si elle e?t fait un grand effort pour chercher dans son souvenir, puis elle r��pondit:
--Oui..., oui... j'en suis s?re.
--Il vous a ��crit?
Elle h��sita encore, r��fl��chissant. Je devinai le travail torturant de sa pens��e. Elle ne savait pas. Elle savait seulement qu'elle devait m'emprunter cinq mille francs pour son mari. Donc elle osa mentir.
--Oui, il m'a ��crit.
--Quand donc? Vous ne m'avez parl�� de rien, hier.
--J'ai re?u sa lettre ce matin.
--Pouvez-vous me la montrer?
--Non... non... non... elle contenait des choses intimes... trop personnelles... je l'ai... je l'ai br?l��e.
--Alors, c'est que votre mari fait des dettes.
Elle h��sita encore, puis murmura:
--Je ne sais pas.
Je d��clarai brusquement:
--C'est que je ne puis disposer de cinq mille francs en ce moment, ma ch��re cousine.
Elle poussa une sorte de cri de souffrance.
--Oh! oh! je vous en prie, je vous en prie, trouvez-les...
Elle s'exaltait, joignait les mains comme si elle m'e?t pri��! J'entendais sa voix changer de ton; elle pleurait et b��gayait, harcel��e, domin��e par l'ordre irr��sistible qu'elle avait re?u.
--Oh! oh! je vous en supplie... si vous saviez comme je souffre... il me les faut aujourd'hui.
J'eus piti�� d'elle.
--Vous les aurez tant?t, je vous le jure.
Elle s'��cria:
--Oh! merci! merci! Que vous ��tes bon.
Je repris:--Vous rappelez-vous ce qui s'est pass�� hier soir chez vous?
--Oui.
--Vous rappelez-vous que le docteur Parent vous a endormie?
--Oui.
--Eh! bien, il vous a ordonn�� de venir m'emprunter ce matin cinq mille francs, et vous ob��issez en ce moment �� cette suggestion.
Elle r��fl��chit quelques secondes et r��pondit:
--Puisque c'est mon mari qui les demande.
Pendant une heure, j'essayai de la convaincre, mais je n'y pus parvenir.
Quand elle fui partie, je courus chez le docteur. Il allait sortir; et il m'��couta en souriant. Puis il dit:
--Croyez-vous maintenant?
--Oui, il le faut bien.
--Allons chez votre parente.
Elle sommeillait d��j�� sur une chaise longue, accabl��e de fatigue. Le m��decin lui prit le pouls, la regarda quelque temps, une main lev��e vers ses yeux qu'elle ferma peu �� peu sous l'effort insoutenable de cette puissance magn��tique.
Quand elle fut endormie:
--Votre mari n'a plus besoin de cinq mille francs! Vous allez donc oublier que vous avez pri�� votre cousin de vous les pr��ter, et, s'il vous parle de cela, vous ne comprendrez pas.
Puis il la r��veilla. Je tirai de ma poche un portefeuille:
--Voici, ma ch��re cousine, ce que vous m'avez demand�� ce matin.
Elle fut tellement surprise que je n'osai pas insister. J'essayai cependant de ranimer sa m��moire, mais elle nia avec force, crut que je me moquais d'elle, et faillit, �� la fin, se facher.
* * * * *
Voil��! je viens de rentrer; et je n'ai pu d��jeuner, tant cette exp��rience m'a boulevers��.
19 juillet.--Beaucoup de personnes �� qui j'ai racont�� cette aventure se sont moqu��es de moi. Je ne sais plus que penser. Le sage dit: Peut-��tre?
21 juillet.--J'ai ��t�� d?ner �� Bougival, puis j'ai pass�� la soir��e au bal des canotiers. D��cid��ment, tout d��pend des lieux et des milieux. Croire au surnaturel dans l'?le de la Grenouilli��re, serait le comble de la folie... mais au sommet du mont Saint-Michel?... mais dans les Indes? Nous subissons effroyablement l'influence de ce qui nous entoure. Je rentrerai chez moi la semaine prochaine.
30 juillet.--Je suis revenu dans ma maison depuis hier. Tout va bien.
2 ao?t.--Rien de nouveau; il fait un temps superbe. Je passe mes journ��es �� regarder couler la Seine.
4 ao?t.--Querelles parmi mes domestiques. Ils pr��tendent qu'on casse les verres, la nuit, dans les armoires. Le valet de chambre accuse la cuisini��re, qui accuse la ling��re, qui accuse les deux autres. Quel est le coupable? Bien fin qui le dirait?
6 ao?t.--Cette fois, je ne suis pas fou. J'ai vu... j'ai vu... j'ai vu!... Je ne puis plus douter... j'ai vu!... J'ai encore froid jusque dans les ongles... j'ai encore peur jusque dans les moelles... j'ai vu!...
Je me promenais �� deux heures, en plein soleil, dans mon parterre de rosiers... dans l'all��e des rosiers d'automne qui commencent �� fleurir.
Comme je m'arr��tais �� regarder un g��ant des batailles, qui portait trois fleurs magnifiques, je vis, je vis distinctement, tout pr��s de moi, la tige d'une de ces roses se plier, comme si une main invisible l'e?t tordue, puis se casser comme si cette main l'e?t cueillie! Puis la fleur s'��leva, suivant la courbe qu'aurait d��crite un bras en la portant vers une bouche, et elle resta suspendue dans l'air transparent, toute seule, immobile, effrayante tache rouge �� trois pas de mes yeux.
��perdu, je me jetai sur elle pour la saisir! Je ne trouvai rien; elle avait disparu. Alors je fus pris d'une col��re furieuse contre moi-m��me; car il n'est pas permis �� un homme raisonnable et s��rieux d'avoir de pareilles hallucinations.
Mais ��tait-ce bien une hallucination? Je me retournai pour chercher la tige, et je la retrouvai imm��diatement sur l'arbuste, fra?chement bris��e, entre les deux autres
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