Le Docteur Pascal | Page 7

Emile Zola
et classant tout, dressant cet Arbre g��n��alogique des Rougon-Macquart, dont les volumineux dossiers n'��taient que le commentaire, bourr�� de preuves.
--Ah! oui, continuait la vieille madame Rougon ardemment, au feu, au feu, toutes ces paperasses qui nous saliraient!
A ce moment, comme la servante se relevait pour sortir, en voyant le tour que prenait l'entretien, elle l'arr��ta d'un geste prompt.
--Non, non! Martine, restez! vous n'��tes pas de trop, puisque vous ��tes de la famille maintenant.
Puis, d'une voix sifflante:
--Un ramas de fausset��s, de comm��rages, tous les mensonges que nos ennemis ont lanc��s autrefois contre nous, enrag��s par notre triomphe!... Songe un peu �� cela, mon enfant. Sur nous tous, sur ton p��re, sur ta m��re, sur ton fr��re, sur moi, tant d'horreurs!
--Des horreurs, grand'm��re, mais comment le sais-tu?
Elle se troubla un instant.
--Oh! je m'en doute, va!... Quelle est la famille qui n'a pas eu des malheurs, qu'on peut mal interpr��ter? Ainsi, notre m��re �� tous, cette ch��re et v��n��rable Tante Dide, ton arri��re-grand'm��re, n'est-elle pas depuis vingt et un ans �� l'Asile des Ali��n��s, aux Tulettes? Si Dieu lui a fait la grace de la laisser vivre jusqu'�� l'age de cent quatre ans, il l'a cruellement frapp��e en lui ?tant la raison. Certes, il n'y a pas de honte �� cela; seulement, ce qui m'exasp��re, ce qu'il ne faut pas, c'est qu'on dise ensuite que nous sommes tous fous.... Et, tiens! sur ton grand-oncle Macquart, lui aussi, en a-t-on fait courir des bruits d��plorables! Macquart a eu autrefois des torts, je ne le d��fends pas. Mais, aujourd'hui, ne vit-il pas bien sagement, dans sa petite propri��t�� des Tulettes, �� deux pas de notre malheureuse m��re, sur laquelle il veille en bon fils?... Enfin, ��coute! un dernier exemple. Ton fr��re Maxime a commis une grosse faute, lorsqu'il a eu, d'une servante, ce pauvre petit Charles, et il est d'autre part certain que le triste enfant n'a pas la t��te solide. N'importe! cela te fera-t-il plaisir, si l'on te raconte que ton neveu est un d��g��n��r��, qu'il reproduit, �� trois g��n��rations de distance, sa trisa?eule, la ch��re femme pr��s de laquelle nous le menons parfois, et avec qui il se pla?t tant?... Non! il n'y a plus de famille possible, si l'on se met �� tout ��plucher, les nerfs de celui-ci, les muscles de cet autre. C'est �� d��go?ter de vivre!
Clotilde l'avait ��cout��e attentivement, debout dans sa longue blouse noire. Elle ��tait redevenue grave, les bras tomb��s, les yeux �� terre. Un silence r��gna, puis elle dit avec lenteur:
--C'est la science, grand'm��re.
--La science! s'exclama F��licit��, en pi��tinant de nouveau, elle est jolie, leur science, qui va contre tout ce qu'il y a de sacr�� au monde! Quand ils auront tout d��moli, ils seront bien avanc��s!... Ils tuent le respect, ils tuent la famille, ils tuent le bon Dieu....
--Oh! ne dites pas ?a, madame! interrompit douloureusement Martine, dont la d��votion ��troite saignait. Ne dites pas que monsieur tue le bon Dieu!
--Si, ma pauvre fille, il le tue.... Et, voyez-vous, c'est une crime, au point de vue de la religion, que de le laisser se damner ainsi. Vous ne l'aimez pas, ma parole d'honneur! non, vous ne l'aimez pas, vous deux qui avez le bonheur de croire, puisque vous ne faites rien pour qu'il rentre dans la vraie route.... Ah! moi, �� votre place, je fendrais plut?t cette armoire �� coups de hache, je ferais un fameux feu de joie avec toutes les insultes au bon Dieu qu'elle contient!
Elle s'��tait plant��e devant l'immense armoire, elle la mesurait de son regard de feu, comme pour la prendre d'assaut, la saccager, l'an��antir, malgr�� la maigreur dess��ch��e de ses quatre-vingts ans. Puis, avec un geste d'ironique d��dain:
--Encore, avec sa science, s'il pouvait tout savoir!
Clotilde ��tait rest��e absorb��e, les yeux perdus. Elle reprit �� demi-voix, oubliant des deux autres, se parlant, �� elle-m��me:
--C'est vrai, il ne peut tout savoir.... Toujours, il y a autre chose, l��-bas.... C'est ce qui me fache, c'est ce qui nous fait nous quereller parfois; car je ne puis pas, comme lui, mettre le myst��re �� part: je m'en inqui��te, jusqu'�� en ��tre tortur��e.... L��-bas, tout ce qui veut et agit dans le frisson de l'ombre, toutes les forces inconnues....
Sa voix s'��tait ralentie peu �� peu, tomb��e �� un murmure indistinct.
Alors, Martine, l'air sombre depuis un moment, intervint �� son tour.
--Si c'��tait vrai pourtant, mademoiselle, que monsieur se damnat avec tous ces vilains papiers! Dites, est-ce que nous le laisserions faire?... Moi, voyez-vous, il me dirait de me jeter en bas de la terrasse, je fermerais les yeux et je me jetterais, parce que je sais qu'il a toujours raison. Mais, �� son salut, oh! si je le pouvais, j'y travaillerais malgr�� lui. Par tous les moyens, oui! je le forcerais, ?a m'est trop cruel de penser qu'il ne sera pas dans le ciel avec nous.
--Voil�� qui
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