panier tra?né sur deux roues, clos de toutes parts, cadenassé et verrouillé?; puis, un gendarme en tête, un gendarme en queue, à petit bruit et sans foule, on a été déposer le paquet à la barrière déserte de Saint-Jacques. Arrivés là, il était huit heures du matin, à peine jour, il y avait une guillotine toute fra?che dressée et pour public quelque douzaine de petits gar?ons groupés sur les tas de pierres voisins autour de la machine inattendue?; vite, on a tiré l'homme du panier, et, sans lui donner le temps de respirer, furtivement, sournoisement, honteusement, on lui a escamoté sa tête. Cela s'appelle un acte public et solennel de haute justice. Infame dérision?!
Comment donc les gens du roi comprennent-ils le mot civilisation?? Où en sommes-nous?? La justice ravalée aux stratagèmes et aux supercheries?! la loi aux expédients?! monstrueux?!
C'est donc une chose bien redoutable qu'un condamné à mort, pour que la société le prenne en tra?tre de cette fa?on?!
Soyons juste pourtant, l'exécution n'a pas été tout à fait secrète. Le matin on a crié et vendu comme de coutume l'arrêt de mort dans les carrefours de Paris. Il para?t qu'il y a des gens qui vivent de cette vente. Vous entendez?? du crime d'un infortuné, de son chatiment, de ses tortures, de son agonie, on fait une denrée, un papier qu'on vend un sou. Concevez-vous rien de plus hideux que ce sou, vert de grisé dans le sang?? Qui est-ce donc qui le ramasse??
Voilà assez de faits. En voilà trop. Est-ce que tout cela n'est pas horrible??
Qu'avez-vous à alléguer pour la peine de mort??
Nous faisons cette question sérieusement?: nous la faisons pour qu'on y réponde?: nous la faisons aux criminalistes, et non aux lettrés bavards. Nous savons qu'il y a des gens qui prennent l'excellence de la peine de mort pour texte à paradoxe comme tout autre thème. Il y en a d'autres qui n'aiment la peine de mort que parce qu'ils ha?ssent tel ou tel qui l'attaque. C'est pour eux une question quasi littéraire, une question de personnes, une question de noms propres. Ceux-là sont les envieux, qui ne font pas plus faute aux bons jurisconsultes qu'aux grands artistes. Les Joseph Grippa ne manquent pas plus aux Filangieri que les Torregiani aux Michel-Ange et les Scudéry aux Corneille.
Ce n'est pas à eux que nous nous adressons, mais aux hommes de loi proprement dits, aux dialecticiens, aux raisonneurs, à ceux qui aiment la peine de mort pour la peine de mort, pour sa beauté, pour sa bonté, pour sa grace.
Voyons, qu'ils donnent leurs raisons.
Ceux qui jugent et qui condamnent disent la peine de mort nécessaire. D'abord, --?parce qu'il importe de retrancher de la communauté sociale un membre qui lui a déjà nui et qui pourrait lui nuire encore. --?S'il ne s'agissait que de cela, la prison perpétuelle suffirait. à quoi bon la mort?? Vous objectez qu'on peut s'échapper d'une prison?? faites mieux votre ronde. Si vous ne croyez pas à la solidité des barreaux de fer, comment osez-vous avoir des ménageries??
Pas de bourreau où le ge?lier suffit.
Mais, reprend-on, --?il faut que la société se venge, que la société punisse. --?Ni l'un, ni l'autre. Se venger est de l'individu, punir est de Dieu.
La société est entre deux. Le chatiment est au-dessus d'elle, la vengeance au-dessous. Rien de si grand et de si petit ne lui sied. Elle ne doit pas "punir pour se venger"?; elle doit corriger pour améliorer. Transformez de cette fa?on la formule des criminalistes, nous la comprenons et nous y adhérons.
Reste la troisième et dernière raison, la théorie de l'exemple. --?Il faut faire des exemples?! il faut épouvanter par le spectacle du sort réservé aux criminels ceux qui seraient tentés de les imiter?! Voilà bien à peu près textuellement la phrase éternelle dont tous les réquisitoires des cinq cents parquets de France ne sont que des variations plus ou moins sonores. Eh bien?! nous nions d'abord qu'il y ait exemple. Nous nions que le spectacle des supplices produise l'effet qu'on en attend. Loin d'édifier le peuple, il le démoralise, et ruine en lui toute sensibilité, partant toute vertu. Les preuves abondent, et encombreraient notre raisonnement si nous voulions en citer. Nous signalerons pourtant un fait entre mille, parce qu'il est le plus récent. Au moment où nous écrivons, il n'a que dix jours de date. Il est du 5 mars, dernier jour du carnaval. à Saint-Pol, immédiatement après l'exécution d'un incendiaire nommé Louis Camus, une troupe de masques est venue danser autour de l'échafaud encore fumant. Faites donc des exemples?! le mardi gras vous rit au nez.
Que si, malgré l'expérience, vous tenez à votre théorie routinière de l'exemple, alors rendez-nous le seizième siècle, soyez vraiment formidables, rendez-nous la variété des supplices, rendez-nous Farinacci, rendez-nous les tourmenteurs-jurés, rendez-nous le gibet, la roue, le b?cher, l'estrapade, l'essorillement, l'écartèlement, la fosse
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