Le Collier de la Reine, Tome I | Page 4

Alexandre Dumas, père
�� m'int��resser.
--Voici de quoi il s'agit, monseigneur. Sa Majest�� le roi de Su��de, pardon, Son Excellence le comte de Haga, voulais-je dire, ne boit jamais que du vin de Tokay.
--Eh bien! suis-je assez d��pourvu pour n'avoir point de tokay dans ma cave? il faudrait chasser mon sommelier, dans ce cas.
--Non, monseigneur, vous en avez, au contraire, encore soixante bouteilles, �� peu pr��s.
--Eh bien, croyez-vous que le comte de Haga boive soixante-et-une bouteilles de vin �� son d?ner?
--Patience, monseigneur; lorsque M. le comte de Haga vint pour la premi��re fois en France, il n'��tait que prince royal; alors, il d?na chez le feu roi, qui avait re?u douze bouteilles de tokay de Sa Majest�� l'empereur d'Autriche. Vous savez que le tokay premier cru est r��serv�� pour la cave des empereurs, et que les souverains eux-m��mes ne boivent de ce cru qu'autant que Sa Majest�� l'empereur veut bien leur en envoyer?
--Je le sais.
--Eh bien! monseigneur, de ces douze bouteilles dont le prince royal go?ta, et qu'il trouva admirables, de ces douze bouteilles, deux bouteilles aujourd'hui restent seulement.
--Oh! oh!
--L'une est encore dans les caves du roi Louis XVI.
--Et l'autre?
--Ah! voil��, monseigneur, dit le ma?tre d'h?tel avec un sourire triomphant, car il sentait qu'apr��s la longue lutte qu'il venait de soutenir, le moment de la victoire approchait pour lui; l'autre, eh bien! l'autre fut d��rob��e.
--Par qui?
--Par un de mes amis, sommelier du feu roi, qui m'avait de grandes obligations.
--Ah! ah! Et qui vous la donna.
--Certes, oui, monseigneur, dit le ma?tre d'h?tel avec orgueil.
--Et qu'en f?tes-vous?
--Je la d��posai pr��cieusement dans la cave de mon ma?tre, monseigneur.
--De votre ma?tre? Et quel ��tait votre ma?tre �� cette ��poque, monsieur?
--Mgr le cardinal prince Louis de Rohan.
--Ah! mon Dieu! �� Strasbourg?
--�� Saverne.
--Et vous avez envoy�� chercher cette bouteille pour moi! s'��cria le vieux mar��chal.
--Pour vous, monseigneur, r��pondit le ma?tre d'h?tel du ton qu'il e?t pris pour dire: ?Ingrat!?
Le duc de Richelieu saisit la main du vieux serviteur en s'��criant:
--Je vous demande pardon, monsieur, vous ��tes le roi des ma?tres d'h?tel!
--Et vous me chassiez! r��pondit celui-ci avec un mouvement intraduisible de t��te et d'��paules.
--Moi, je vous paie cette bouteille cent pistoles.
--Et cent pistoles que co?teront �� Monsieur le mar��chal les frais du voyage, cela fera deux cents pistoles. Mais monseigneur avouera que c'est pour rien.
--J'avouerai tout ce qu'il vous plaira, monsieur; en attendant, �� partir d'aujourd'hui, je double vos honoraires.
--Mais, monseigneur, il ne fallait rien pour cela.
--Et quand donc arrivera votre courrier de cent pistoles?
--Monseigneur jugera si j'ai perdu mon temps: quel jour Monseigneur a-t il command�� le d?ner?
--Mais voici trois jours, je crois.
--Il faut �� un courrier qui court �� franc ��trier vingt-quatre heures pour aller, vingt-quatre pour revenir.
--Il vous restait vingt-quatre heures: prince des ma?tres d'h?tel, qu'en avez-vous fait, de ces vingt-quatre heures?
--H��las, monseigneur, je les ai perdues. L'id��e ne m'est venue que le lendemain du jour o�� vous m'aviez donn�� la liste de vos convives. Maintenant, calculons le temps qu'entra?nera la n��gociation, et vous verrez, monseigneur, qu'en ne vous demandant que jusqu'�� cinq heures, je ne vous demande que le temps strictement n��cessaire.
--Comment! la bouteille n'est pas encore ici?
--Non, monseigneur.
--Bon Dieu! monsieur, et si votre coll��gue de Saverne allait ��tre aussi d��vou�� �� M. le prince de Rohan que vous l'��tes �� moi-m��me?
--Eh bien! monseigneur?
--S'il allait refuser la bouteille, comme vous l'eussiez refus��e vous-m��me?
--Moi, monseigneur?
--Oui, vous ne donneriez pas une pareille bouteille, je suppose, si elle se trouvait dans ma cave?
--J'en demande bien humblement pardon �� monseigneur: si un confr��re ayant un roi �� traiter me venait demander votre meilleure bouteille de vin, je la lui donnerais �� l'instant.
--Oh! oh! fit le mar��chal avec une l��g��re grimace.
--C'est en aidant que l'on est aid��, monseigneur.
--Alors, me voil�� �� peu pr��s rassur��, dit le mar��chal avec un soupir; mais nous avons encore une mauvaise chance.
--Laquelle, monseigneur?
--Si la bouteille se casse?
--Oh! monseigneur, il n'y a pas d'exemple qu'un homme ait jamais cass�� une bouteille de vin de deux mille livres.
--J'avais tort, n'en parlons plus; maintenant, votre courrier arrivera �� quelle heure?
--�� quatre heures tr��s pr��cises.
--Alors, qui nous emp��che de d?ner �� quatre heures? reprit le mar��chal, ent��t�� comme une mule de Castille.
--Monseigneur, il faut une heure �� mon vin pour le reposer, et encore grace �� un proc��d�� dont je suis l'inventeur; sans cela, il me faudrait trois jours.
Battu cette fois encore, le mar��chal fit en signe de d��faite un salut �� son ma?tre d'h?tel.
--D'ailleurs, continua celui-ci, les convives de monseigneur, sachant qu'ils auront l'honneur de d?ner avec M. le comte de Haga, n'arriveront qu'�� quatre heures et demie.
--En voici bien d'une autre!
--Sans doute, monseigneur; les convives de monseigneur sont, n'est-ce pas, M. le comte de Launay, Mme la comtesse du Barry, M. de La P��rouse, M. de Favras, M. de Condorcet, M. de Cagliostro et M. de Taverney?
--Eh bien?
--Eh bien! monseigneur, proc��dons par ordre: M. de Launay vient de
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