nous craignions, nous ne les craignons plus; ceux que nous m��prisions, nous les m��prisons plus que jamais.
Donc, dans notre oeuvre comme en nous, aucun changement; peut-��tre dans notre oeuvre comme en nous, une ride et une cicatrice de plus. Voil�� tout.
Nous avons �� l'heure qu'il est ��crit �� peu pr��s quatre cents volumes. Nous avons fouill�� bien des si��cles, ��voqu�� bien des personnages ��blouis de se retrouver debout au grand jour de la publicit��.
Eh bien! ce monde tout entier de spectres, nous l'adjurons de dire si jamais nous avons fait sacrifice au temps o�� nous vivions de ses crimes, de ses vices ou de ses vertus: sur les rois, sur les grands seigneurs, sur le peuple, nous avons toujours dit ce qui ��tait la v��rit�� ou ce que nous croyions ��tre la v��rit��; et, si les morts r��clamaient comme les vivants, de m��me que nous n'avons jamais eu �� faire une seule r��tractation aux vivants, nous n'aurions pas �� faire une seule r��tractation aux morts.
�� certains coeurs, tout malheur est sacr��, toute chute est respectable; qu'on tombe de la vie ou du tr?ne, c'est une pi��t�� de s'incliner devant le s��pulcre ouvert, devant la couronne bris��e.
Lorsque nous avons ��crit notre titre au haut de la premi��re page de notre livre, ce n'est point, disons-le, un choix libre qui nous a dict�� ce titre, c'est que son heure ��tait arriv��e, c'est que son tour ��tait venu; la chronologie est inflexible; apr��s 1774 devait venir 1784; apr��s Joseph Balsamo, Le Collier de la Reine.
Mais que les plus scrupuleuses susceptibilit��s se rassurent: par cela m��me qu'il peut tout dire aujourd'hui, l'historien sera le censeur du po��te. Rien de hasard�� sur la femme reine, rien de douteux sur la reine martyre. Faiblesse de l'humanit��, orgueil royal, nous peindrons tout, c'est vrai; mais comme ces peintres id��alistes qui savent prendre le beau c?t�� de la ressemblance; mais comme faisait l'artiste au nom d'Ange, quand dans sa ma?tresse ch��rie il retrouvait une madone sainte; entre les pamphlets infames et la louange exag��r��e, nous suivrons, triste, impartial et solennel, la ligne r��veuse de la po��sie. Celle dont le bourreau a montr�� au peuple la t��te pale a bien achet�� le droit de ne plus rougir devant la post��rit��.
Alexandre Dumas 29 novembre 1848
Prologue--I
Un vieux gentilhomme et un vieux ma?tre d'h?tel
Vers les premiers jours du mois d'avril 1784, �� trois heures un quart �� peu pr��s de l'apr��s-midi, le vieux mar��chal de Richelieu, notre ancienne connaissance, apr��s s'��tre impr��gn�� lui-m��me les sourcils d'une teinture parfum��e, repoussa de la main le miroir que lui tenait son valet de chambre, successeur mais non rempla?ant du fid��le Raft��; et, secouant la t��te de cet air qui n'appartenait qu'�� lui:
--Allons, dit-il, me voil�� bien ainsi.
Et il se leva de son fauteuil, chiquenaudant du doigt, avec un geste tout juv��nile, les atomes de poudre blanche qui avaient vol�� de sa perruque sur sa culotte de velours bleu de ciel.
Puis, apr��s avoir fait deux ou trois tours dans son cabinet de toilette, allongeant le cou-de-pied et tendant le jarret:
--Mon ma?tre d'h?tel! dit-il.
Cinq minutes apr��s, le ma?tre d'h?tel se pr��senta en costume de c��r��monie.
Le mar��chal prit un air grave et tel que le comportait la situation.
--Monsieur, dit-il, je suppose que vous m'avez fait un bon d?ner?
--Mais oui, monseigneur.
--Je vous ai fait remettre la liste de mes convives, n'est-ce pas?
--Et j'en ai fid��lement retenu le nombre, monseigneur. Neuf couverts, n'est-ce point cela?
--Il y a couvert et couvert, monsieur!
--Oui, monseigneur, mais...
Le mar��chal interrompit le ma?tre d'h?tel avec un l��ger mouvement d'impatience, temp��r�� cependant de majest��.
--Mais... n'est point une r��ponse, monsieur; et chaque fois que j'entends le mot mais, et je l'ai entendu bien des fois depuis quatre-vingt-huit ans, eh bien! monsieur, chaque fois que je l'ai entendu, ce mot, je suis d��sesp��r�� de vous le dire, il pr��c��dait une sottise.
--Monseigneur!...
--D'abord, �� quelle heure me faites-vous d?ner?
--Monseigneur, les bourgeois d?nent �� deux heures, la robe �� trois, la noblesse �� quatre.
--Et moi, monsieur?
--Monseigneur d?nera aujourd'hui �� cinq heures.
--Oh! oh! �� cinq heures!
--Oui, monseigneur, comme le roi.
--Et pourquoi comme le roi?
--Parce que sur la liste que monseigneur m'a fait l'honneur de me remettre, il y a un nom de roi.
--Point du tout, monsieur, vous vous trompez, parmi mes convives d'aujourd'hui, il n'y a que de simples gentilshommes.
--Monseigneur veut sans doute plaisanter avec son humble serviteur, et je le remercie de l'honneur qu'il me fait. Mais M. le comte de Haga, qui est un des convives de monseigneur...
--Eh bien?
--Eh bien! le comte de Haga est un roi.
--Je ne connais pas de roi qui se nomme ainsi.
--Que monseigneur me pardonne alors, dit le ma?tre d'h?tel en s'inclinant, mais j'avais cru, j'avais suppos��...
--Votre mandat n'est pas de croire, monsieur! Votre devoir n'est pas de supposer! Ce que vous avez �� faire c'est de lire les ordres que je vous donne, sans y ajouter
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