Lavinia | Page 8

George Sand
fl��trir en les effleurant dans sa course, et que l'eau des sources inconnues au chasseur les couche �� peine sous son flux nonchalant et silencieux.
Cette chambrette blanche et parfum��e avait, en v��rit��, et, comme �� son insu, un air de rendez-vous; mais elle semblait aussi le sanctuaire d'un amour virginal et pur. Les bougies jetaient une clart�� timide; les fleurs semblaient fermer modestement leur sein �� la lumi��re; aucun v��tement de femme, aucun vestige de coquetterie ne s'��tait oubli�� �� tra?ner sur les meubles: seulement un bouquet de pens��es fl��tries et un gant blanc d��cousu gisaient c?te �� c?te sur la chemin��e. Lionel, pouss�� par un mouvement irr��sistible, prit le gant et le froissa dans ses mains. C'��tait comme l'��treinte convulsive et froide d'un dernier adieu. Il prit le bouquet sans parfum, le contempla un instant, lit une allusion am��re aux fleurs qui le composaient, et le rejeta brusquement loin de lui. Lavinia avait-elle pos�� l�� ce bouquet avec le dessein qu'il f?t comment�� par son ancien amant?
Lionel s'approcha de la fen��tre et ��carta les rideaux pour faire diversion, par le spectacle de la nature, �� l'humeur qui le gagnait de plus en plus. Ce spectacle ��tait magique. La maison, plant��e dans le roc, servait de bastion �� une gigantesque muraille de rochers taill��s �� pic, dont le Gave battait le pied. A droite tombait la cataracte avec un bruit furieux; �� gauche un massif d'��pic��as se penchait sur l'ab?me; au loin se d��ployait la vall��e incertaine et blanchie par la lune. Un grand laurier sauvage qui croissait dans une crevasse du rocher apportait ses longues feuilles luisantes au bord de la fen��tre, et la brise, en les froissant l'une contre l'autre, semblait prononcer de myst��rieuses paroles.
Lavinia entra, tandis que Lionel ��tait plong�� dans cette contemplation; le bruit du torrent et de la brise emp��cha qu'il ne l'entend?t. Elle resta plusieurs minutes debout derri��re lui, occup��e sans doute �� se recueillir, et se demandant peut-��tre si c'��tait l�� l'homme qu'elle avait tant aim��; car, �� cette heure d'��motion oblig��e et de situation pr��vue, Lavinia croyait pourtant faire un r��ve. Elle se rappelait le temps ou il lui aurait sembl�� impossible de revoir sir Lionel sans tomber morte de col��re et de douleur. Et maintenant elle ��tait l��, douce, calme, indiff��rente peut-��tre....
Lionel se retourna machinalement et la vit. Il ne s'y attendait pas, un cri lui ��chappa; puis, honteux d'une telle inconvenance, confondu de ce qu'il ��prouvait, il fit un violent effort pour adresser �� lady Lavinia un salut correct et irr��prochable.
Mais, malgr�� lui, un trouble impr��vu, une agitation invincible, paralysait son esprit ing��nieux et frivole, cet esprit si docile, si complaisant, qui se tenait toujours pr��t, suivant les lois de l'amabilit��, �� se jeter tout entier dans la circulation, et �� passer, comme l'or, de main en main pour l'usage du premier venu. Cette fois, l'esprit rebelle se taisait et restait ��perdu �� contempler lady Lavinia.
C'est qu'il ne s'attendait pas �� la revoir si belle.... Il l'avait laiss��e bien souffrante et bien alt��r��e. Dans ce temps-l�� les larmes avaient fl��tri ses joues, le chagrin avait amaigri sa taille; elle avait l'oeil ��teint, la main s��che, une parure n��glig��e. Elle s'enlaidissait imprudemment alors, la pauvre Lavinia! sans songer que la douleur n'embellit que le coeur de la femme, et que la plupart des hommes nieraient volontiers l'existence de l'ame chez la femme, comme il fut fait en un certain concile de pr��lats italiens.
Maintenant Lavinia ��tait dans tout l'��clat de cette seconde beaut�� qui revient aux femmes quand elles n'ont pas re?u au coeur d'atteintes irr��parables dans leur premi��re jeunesse. C'��tait toujours une mince et pale Portugaise, d'un reflet un peu bronz��, d'un profil un peu s��v��re; mais son regard et ses mani��res avaient pris toute l'am��nit��, toute la grace caressante des Fran?aises. Sa peau brune ��tait velout��e par l'effet d'une sant�� calme et raffermie; son fr��le corsage avait retrouv�� la souplesse et la vivacit�� florissante de la jeunesse; ses cheveux, qu'elle avait coup��s jadis pour en faire un sacrifice �� l'amour, se d��ployaient maintenant dans tout leur luxe en ��paisses torsades sur son front lisse et uni; sa toilette se composait d'une robe de mousseline de l'Inde et d'une touffe de bruy��re blanche cueillie dans le ravin et m��l��e �� ses cheveux. Il n'est pas de plus gracieuse plante que la bruy��re blanche; on e?t dit, �� la voir balancer ses d��licates girandoles sur les cheveux noirs de Lavinia, des grappes de perles vivantes. Un go?t exquis avait pr��sid�� �� cette coiffure et �� cette simple toilette, o�� l'ing��nieuse coquetterie de la femme se r��v��lait �� force de se cacher.
Jamais Lionel n'avait vu Lavinia si s��duisante. Il faillit un instant se prosterner et lui demander pardon; mais le sourire calme qu'il vit sur son visage lui rendit le degr�� d'amertume n��cessaire
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