Largent des autres | Page 9

Emile Gaboriau
��tait d��fendu de rompre avec vous, sous peine d'��tre, le lendemain, pris la main dans le sac. C'est l'honorabilit�� de sa vie officielle, ici, qui lui permettait l'autre, celle que vous ne connaissez pas et qui a d��vor�� des sommes ��normes. Plus il ��tait ici apre et dur, plus il pouvait ailleurs se montrer magnifique. Son m��nage de la rue Saint-Gilles lui ��tait un brevet d'impunit��. Le voyant si ��conome on le croyait riche. On ne se d��fie pas des gens qui semblent ne rien d��penser. Chacune des privations qu'il vous imposait augmentait son renom de probit�� aust��re et l'��levait au-dessus du soup?on...
De grosses larmes roulaient le long des joues de Mme Favoral.
--Pourquoi ne pas me dire toute la v��rit��? balbutia-elle.
--Parce que je l'ignore, madame, r��pondit le commissaire, parce que ce ne sont l�� que des pr��somptions... J'ai vu bien des exemples de semblables calculs...
Et regrettant peut-��tre de s'��tre tant avanc��:
--Mais je puis me tromper, ajouta-t-il, je n'ai pas la pr��tention d'��tre infaillible...
Il achevait alors l'inventaire sommaire de toutes les paperasses que contenait le bureau. Il ne lui restait plus qu'�� examiner le tiroir qui servait de caisse. Il s'y trouvait en or, en petites coupures et en menue monnaie, sept cent dix-huit francs.
Ayant compt�� cette somme, le commissaire la tendit �� Mme Favoral en disant:
--Ceci vous revient, madame...
Mais instinctivement elle retira la main.
--Jamais! fit-elle.
Le commissaire eut un geste bienveillant.
--Je comprends votre scrupule, madame, dit-il, et cependant j'insisterai. Vous pouvez me croire, lorsque je vous dis que cette petite somme vous appartient bien l��gitimement. Vous n'avez pas de fortune personnelle...
L'effort que faisait la pauvre femme, pour ne pas ��clater en sanglots, n'��tait que trop visible.
--Je ne poss��de rien au monde, monsieur, r��pondit-elle d'une voix entrecoup��e... Mon mari seul s'occupait de nos affaires, il ne m'en disait rien et je n'aurais pas os�� le questionner... Seul, il disposait de l'argent... Tous les dimanches, il me remettait ce qu'il jugeait n��cessaire pour les d��penses de la semaine et je lui en rendais compte... Quand mes enfants ou moi avions besoin de quelque chose, je le lui disais, et il me donnait ce qu'il croyait utile... Nous sommes aujourd'hui samedi; de ce que j'ai re?u dimanche dernier, il me reste cinq francs... c'est toute notre fortune...
Positivement le commissaire ��tait ��mu.
--Vous voyez donc bien, madame, fit-il, que vous ne devez pas h��siter... Il faut vivre...
Maxence s'avan?a.
--Ne suis-je pas l��, monsieur? interrompit-il.
Le commissaire le regarda finement, et d'un ton grave:
--Je crois, en effet, monsieur, r��pondit-il, que vous ne laisserez manquer de rien votre m��re ni votre soeur... Mais ce n'est pas du jour au lendemain qu'on se cr��e des ressources... Les v?tres, si on ne m'a pas tromp��, sont plus que born��es, en ce moment...
Et comme le jeune homme rougissait et ne r��pondait pas, il remit les sept cents francs �� Mlle Gilberte, en disant:
--Prenez, mademoiselle, votre m��re vous le permet.
Sa besogne ��tait achev��e. Apposer les scell��s sur le cabinet de M. Favoral fut l'affaire d'un instant.
Faisant signe alors �� ses agents de sortir, et pr��t �� se retirer lui-m��me:
--Que les scell��s ne vous inqui��tent pas, madame, dit le commissaire de police �� Mme Favoral. Avant quarante-huit heures, on sera venu enlever les papiers et vous rendre la libre disposition de la pi��ce.
Il sortit, et d��s que la porte se fut referm��e sur lui:
--Eh bien!... s'��cria M. Desormeaux.
Mais personne ne lui r��pondit. Les h?tes de cette maison o�� venait d'entrer le malheur avaient hate de s'��loigner. Certes, la catastrophe ��tait terrible et impr��vue, mais ne les atteignait-elle donc pas? N'y perdaient-ils pas plus de trois cent mille francs?...
Donc, apr��s quelques protestations banales et de ces promesses qui n'engagent �� rien, ils se retir��rent, et tout en descendant l'escalier:
--Le commissaire a trop bien pris l'��vasion de Vincent, disait M. Desormeaux; il doit avoir quelque moyen de le rattraper...

V
Enfin, Mme Favoral se trouvait seule avec ses enfants, et il lui ��tait permis de s'abandonner sans r��serve �� l'exc��s du plus affreux d��sespoir.
Elle se laissa tomber lourdement sur un fauteuil, et attirant �� elle Maxence et Gilberte:
--Oh! mes enfants, balbutiait-elle, en les couvrant de baisers et de larmes, mes enfants, nous sommes bien malheureux!
Non moins d��sesp��r��s qu'elle, ils s'effor?aient d'adoucir sa douleur, de lui rendre le courage de porter cette ��crasante ��preuve, et agenouill��s �� ses pieds, et lui embrassant les mains:
--Ne te restons-nous pas, m��re? r��p��taient-ils.
Mais elle ne semblait pas les entendre:
--Ce n'est pas sur moi que je pleure, poursuivait-elle. Moi!... qu'avais-je �� attendre ou �� esp��rer de la vie? Tandis que toi, Maxence, toi, ma pauvre Gilberte!... Si du moins j'��tais sans reproches!... Mais non. C'est �� ma faiblesse et �� ma lachet�� qu'est due cette catastrophe. J'ai eu horreur de la lutte. J'ai pay�� de votre avenir la paix de mon int��rieur. J'ai oubli�� que d'��tre m��re, cela impos�� des devoirs sacr��s...
Mme Favoral ��tait alors
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