Lamour au pays bleu | Page 2

Hector France
rouerie froide et de jeune poésie inaltérée. Il en sort comme un parfum dangereux qui grise la cervelle, l'image troublante d'un paradis d'amour qui crève inopinément et vous laisse, désenchanté, devant d'horribles bestialités. Ici encore, sous les pleurs et la lumière, la brute humaine se décha?ne; l'ogre appara?t, immolant tout à ses convoitises: et, à longs jets, le sang coule sur les paysages. C'est le Cantique des Cantiques du rapt et du viol.
D'ailleurs, de fond et de forme, l'Amour au Pays Bleu est bien tout ce qu'on peut rêver de plus oriental: nulle part, l'homme des froides contrées septentrionales ne se décèle; la langue, fleurie et ciselée, garde, même dans la description, la netteté étincelante des centons; et l'on admire ce tour de force d'un esprit très littéraire, en regrettant un peu qu'une si rare virtuosité ne s'applique à des sujets plus rapprochés de nous. En outre, les caractères sont fortement tracés, par grands plans, sans surcharge inutile; et Mansour, dans son apre concupiscence sénile, a même une grandeur tragique qui le met à part parmi ses pareils. Oeuvre d'art luxuriant et de chaude imagination, toute semée de descriptions exquises, et qui laisse dans l'imagination la nostalgie vague des tendresses mortelles.
CAMILLE LEMONNIER.
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Le Soleil (15 novembre 1880).
L'éditeur Alphonse Lemerre vient d'ajouter à sa collection de romans, peu nombreux, mais choisis, un livre de M. Hector France, l'Amour au Pays Bleu, qui est une sorte de poème en prose d'une intensité de couleurs et de vie remarquable. C'est en même temps, sous une forme très artistique, une histoire amoureuse des plus originales et des plus dramatiques....
Il ne faut pas oublier que nous sommes ici dans le pays de l'Islam, où les moeurs sont faites pour atténuer beaucoup certaines couleurs qui nous para?traient trop crues. N'est-il pas curieux qu'un écrivain de cette valeur, un poète pour tout dire, se montre assez peu soucieux de son grand talent pour oser signer quelques-uns de ces feuilletons qui, au rez-de-chaussée de certains journaux, sont des armes de guerre aussi peu sincères que peu loyales, et qui pervertissent l'imagination populaire par l'exposition de tableaux inventés à plaisir pour être mis au service des passions politiques les plus acharnées? Dans la masse de romans dont je ne signale ici que la quintessence, celui-ci tranche par son originalité et par le charme réel de la forme qui revêt la couleur vive et l'ardeur br?lante du pays bleu, c'est-à-dire de l'Algérie, où l'homme a toutes les intempérances du climat imperturbablement beau et où l'on cueille les femmes comme les fleurs, à peine écloses sur leur tige.
Ch. Canivet.
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Courrier du Soir (28 novembre 1880).
En Algérie, les passions sont violentes; l'amour est fougueux; si nous ne le savions pas, le livre de M. Hector France nous l'apprendrait. Des moeurs apres, des caractères impétueux, des scènes poignantes, voilà ce que nous offre ce livre, à chaque page. Certains tableaux ont une couleur brutale, toute primitive, dont la Bible seule nous donne l'équivalent. Telle est la vie au désert, au ?pays bleu? où M. Hector France nous conduit. L'amour italien, tel que Stendhal le décrit n'est que froideur à c?té de celui que respirent les fils du Souf, les enfants de Djenara, la perle des Ksours. Au reste, comme le dit fort bien le Thaleb Ali-bou-Nahr, les gens du Nord ne peuvent rien comprendre à ces amours redoutables.
La donnée est dramatique; et elle aboutit à une sévère moralité. M. Hector France a développé son sujet en écrivain qui conna?t l'Algérie et qui l'aime profondément. Il n'en parle point avec le sang-froid d'un Occidental; son style se revêt d'une riche couleur orientale; et, vraiment, il nous offre certaines descriptions fort remarquables.
Cette histoire touche à la pastorale: par moments, on croit lire les scènes d'une luxuriante et barbare églogue. Si la touche est excessive, il se dégage, de plus d'un tableau, une apre poésie. Peut-être, pour nous para?tre vrai, ce livre ne pouvait-il guère être écrit autrement.
Il est fait pour ne point passer inaper?u; il est entra?nant et passionné; par le temps qui court, ces défauts doivent servir à appeler l'attention du public.
Antony Valabreque.
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Le Livre (décembre 1880).
Nous devons à Hector France le Roman du Curé, l'Homme qui tue et le Péché de Soeur Cunégonde. Ces oeuvres ont obtenu un succès mérité dans la mesure de leur valeur. Le roman que vient de publier la librairie Lemerre surpasse, à notre sens, les précédents ouvrages du même auteur. Sans aucun doute il aura moins de succès, car plus l'art s'élève, moins il est entouré. Les plus grands romanciers modernes ne sont pas plus populaires. L'admirable auteur de la Vieille Ma?tresse est connu et apprécié du petit nombre et nous voyons tous les jours des études contemporaines d'une haute supériorité dont l'unique édition s'enlève lentement. Le grand public
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