Tu restes muet pour achever un chant si glorieux?
-- Tu dis vrai, Douarnek; c'est parce que ce chant est glorieux pour moi... que tu me vois ��mu.
-- Glorieux pour toi, ce bardit; je ne te comprends pas.
-- H��na ��tait fille d'un de mes a?eux!
-- Que dis-tu?
-- H��na ��tait fille de Jo?l, le brenn de la tribu de Karnak, mort, ainsi que sa femme et presque toute sa famille, �� la grande bataille de Vannes, livr��e sur terre et sur mer il y a plus de trois si��cles; moi, de p��re en fils, je descends de Jo?l.
Le chant d'H��na ��tait si connu en Gaule que je vis (pourquoi le nier?) avec un doux orgueil les soldats me regarder presque avec respect.
-- Sais-tu, Scanvoch, reprit Douarnek, sais-tu que des rois seraient fiers de tes a?eux?
-- Le sang vers�� pour la patrie et la libert��, c'est notre noblesse, �� nous autres Gaulois, lui dis-je; voil�� pourquoi nos vieux bandits sont chez nous si populaires.
-- Quand on pense, reprit le plus jeune des soldats, qu'il y a plus de trois cents ans qu'H��na, cette douce et belle sainte, a offert sa vie pour la d��livrance du pays, et que son nom est venu jusqu'�� nous!
-- Quoique la voix de la jeune vierge ait mis plus de deux si��cles �� monter jusqu'aux oreilles d'H��sus (c'est tout simple, il est plac�� si haut), reprit Douarnek, cette voix est parvenue jusqu'�� lui, puisque nous pouvons dire aujourd'hui: Victoire �� nos armes! victoire et libert��!
Nous ��tions arriv��s vers le milieu du Rhin, �� l'endroit o�� ses eaux sont tr��s-rapides.
Douarnek me demanda en relevant ses rames:
-- Entrerons-nous dans le fort du courant? Ce serait une fatigue inutile, si nous n'avions qu'�� remonter ou �� descendre le fleuve �� la distance o�� nous voici de la rive que nous venons de quitter.
-- Il faut traverser le Rhin dans toute sa largeur, ami Douarnek.
-- Le traverser?... s'��cria le v��t��ran en me regardant d'un air ��bahi. Traverser le Rhin!... Et pourquoi faire?
-- Pour aborder �� l'autre rive.
-- Y penses-tu, Scanvoch? L'arm��e de ces bandits franks, si on peut honorer du nom d'arm��e ces hordes sauvages, n'est-elle pas camp��e sur l'autre bord?
-- C'est au milieu de ces barbares que je me rends.
Pendant quelques instants, la manoeuvre des rames fut suspendue; les soldats, interdits et muets, se regard��rent les uns les autres, comme s'ils avaient peine �� croire �� ma r��solution.
Douarnek rompit le premier le silence, et me dit avec son insouciance de soldat:
-- C'est alors une esp��ce de sacrifice �� H��sus que nous allons lui offrir en livrant notre peau �� ces ��corcheurs? Si tel est l'ordre, en avant! Allons, enfants, �� nos rames!...
-- Oublies-tu, Douarnek, que, depuis huit jours, nous sommes en tr��ve avec les Franks?
-- Il n'y a jamais tr��ve pour de pareils brigands!
-- Tu vois, j'ai fait, en signe de paix, garnir de feuillage l'avant de notre bateau; je descendrai seul dans le camp ennemi, une branche de ch��ne �� la main...
-- Et ils te massacreront, malgr�� ta branche de ch��ne, comme ils ont massacr�� d'autres envoy��s en temps de tr��ve.
-- C'est possible, ami Douarnek; mais si le chef commande, le soldat ob��it. Victoria et son fils m'ont ordonn�� d'aller au camp des Franks; j'y vais!
-- Ce n'est pas par peur, au moins, Scanvoch, que je te disais que ces sauvages ne nous laisseraient pas nos t��tes sur nos ��paules... et notre peau sur le corps... J'ai parl�� par vieille habitude de sinc��rit�� ... Allons, ferme, enfants! ferme �� vos rames!... c'est �� un ordre de notre m��re... de la m��re des camps que nous ob��issons... En avant! en avant!... dussions-nous ��tre ��corch��s vifs par ces barbares, divertissement qu'ils se donnent souvent aux d��pens de nos prisonniers.
-- On dit aussi, reprit le jeune soldat d'une voix moins assur��e que celle de Douarnek, on dit aussi que ces pr��tresses d'enfer qui suivent les bordes franques mettent parfois nos prisonniers bouillir tout vivants dans de grandes chaudi��res d'airain, avec certaines herbes magiques.
-- Eh! eh! reprit joyeusement Douarnek, celui de nous qui sera mis ainsi �� bouillir, mes enfants, aura du moins l'avantage de go?ter le premier de son propre bouillon... cela console... Allons, enfants, ferme sur nos rames! nous ob��issons �� un ordre de la m��re des camps...
-- Oh! nous ramerions droit �� un ab?me si Victoria l'ordonnait!
-- Elle est bien nomm��e la m��re des camps et des soldats; il faut la voir apr��s chaque bataille allant visiter les bless��s!
-- Et leur disant de ces paroles qui font regretter aux valides de n'avoir pas de blessures.
-- Et puis, si belle... si belle!...
-- Oh! quand elle passe dans le camp, mont��e sur son cheval blanc, v��tue de sa longue robe noire, le front si fier sous son casque, et pourtant l'oeil si doux, le sourire si maternel... c'est comme une vision!
-- On assure
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