ce bardit est long, et tu nous as pr��venus que nous devions bient?t rester muets comme les poissons du Rhin.
-- Douarnek, reprit un jeune soldat, si tu nous chantais le bardit d'H��na, la vierge de l'?le de S��n...? Il me fait toujours venir les larmes aux yeux; car c'est ma sainte, �� moi, cette belle et douce H��na, qui vivait il y a des cents et des cents ans!
-- Oui, oui, reprirent les trois autres soldats, chante-nous le bardit d'H��na, Douarnek; ce bardit proph��tise la victoire de la Gaule... et la Gaule est victorieuse aujourd'hui.
Moi, entendant cela, je ne disais rien; mais j'��tais ��mu, heureux, et je l'avoue, fier, en songeant que le nom d'H��na, morte depuis plus de trois cents ans, ��tait rest�� populaire en Gaule comme au temps de mon a?eul Sylvest, et allait ��tre chant��.
-- Va pour le bardit d'H��na, reprit le v��t��ran, j'aime aussi cette sainte et douce fille, qui offre son sang �� H��sus pour la d��livrance de la Gaule; et toi, Scanvoch, le sais-tu, ce chant?
-- Oui... �� peu pr��s... je l'ai d��j�� entendu...
-- Tu le sauras toujours assez pour r��p��ter le refrain avec nous.
Et Douarnek se mit �� chanter, d'une voix pleine et sonore qui, au loin, domina le bruit des grandes eaux du Rhin:
?Elle ��tait jeune, elle ��tait belle, elle ��tait sainte.
?Elle a donn�� son sang �� H��sus pour la d��livrance de la Gaule!
?Elle s'appelait H��na! H��na, la vierge de l'?le de S��n.
*
?B��nis soient les dieux, ma douce fille, lui dit son p��re Jo?l, le brenn de la tribu de Karnak, b��nis soient les dieux, ma douce fille, puisque te voil�� ce soir dans notre maison pour f��ter le jour de ta naissance!
*
?B��nis soient les dieux, ma douce fille, lui dit sa m��re Margarid, b��nie soit ta venue! Mais ta figure est triste?
*
?Ma figure est triste, ma bonne m��re, ma figure est triste, mon bon p��re, parce qu'H��na, votre fille, vient vous dire adieu et au revoir.
*
?Et o�� vas-tu, ch��re fille? Le voyage sera donc bien long? O�� vas- tu ainsi?
*
?Je vais dans ces mondes myst��rieux que personne ne conna?t et que tous nous conna?trons, o�� personne n'est all�� et o�� tous nous irons, pour revivre avec ceux que nous avons aim��s.?
*
Et moi et les rameurs, nous avons repris en choeur:
?Elle ��tait jeune, elle ��tait belle, elle ��tait sainte...
?Elle a donn�� son sang �� H��sus pour la d��livrance de la Gaule!
?Elle s'appelait H��na! H��na, la vierge de l'?le de S��n.?
Douarnek continua son chant:
?Et entendant H��na dire ces paroles-ci, bien tristement se regard��rent et son p��re et sa m��re, et tous ceux de sa famille, et aussi les petits enfants, car H��na avait un grand faible pour l'enfance.
*
?-- Pourquoi donc, ch��re fille, pourquoi donc d��j�� quitter ce monde, pour t'en aller ailleurs sans que l'ange de la Mort t'appelle?
*
?-- Mon bon p��re, ma bonne m��re, H��sus est irrit��, l'��tranger menace notre Gaule bien-aim��e. Le sang innocent d'une vierge, offert par elle aux dieux, peut apaiser leur col��re...
*
?Adieu donc et au revoir, mon bon p��re, ma bonne m��re! Adieu et au revoir, vous tous, mes parents et mes amis! Gardez ces colliers, ces anneaux en souvenir de moi que je baise une derni��re fois vos t��tes blondes, chers petits! Adieu et au revoir! Souvenez-vous d'H��na, votre amie; elle va vous attendre dans les mondes inconnus.?
*
Et moi et les rameurs nous avons repris en choeur, au bruit cadenc�� des rames:
?Elle ��tait jeune, elle ��tait belle, elle ��tait sainte!
?Elle a offert son sang �� H��sus pour la d��livrance de la Gaule!
?Elle s'appelait H��na, H��na, la vierge de l'?le de S��n.?
*
Douarnek continua le bardit:
?Brillante est la lune, grand est le b?cher qui s'��l��ve aupr��s des pierres sacr��es de Karnak; immense est la foule des tribus qui se pressent autour du b?cher.
?La voil��! c'est elle! c'est H��na!... Elle monte sur le b?cher, sa harpe d'or �� la main, et elle chante ainsi:
*
?-- Prends mon sang, ? H��sus! et d��livre mon pays de l'��tranger! Prends mon sang, ? H��sus! piti�� pour la Gaule! Victoire �� nos armes!
?Et il a coul��, le sang d'H��na!
*
?? vierge sainte! il n'aura pas en vain coul��, ton sang innocent et g��n��reux! Courb��e sous le joug, la Gaule un jour se rel��vera libre et fi��re, en criant comme toi: Victoire �� nos armes! victoire et libert��!?
Et Douarnek, ainsi que les trois soldats, r��p��t��rent �� voix plus basse ce dernier refrain avec une sorte de pieuse admiration:
?Celle-l�� qui a ainsi offert son sang �� H��sus pour la d��livrance de la Gaule!
?Elle ��tait jeune, elle ��tait belle, elle ��tait sainte!
?Elle s'appelait H��na, H��na, la vierge de l'?le de S��n!
*
Moi seul je n'ai pas r��p��t�� avec les soldats le dernier refrain du bardit, tant je me sentais ��mu.
Douarnek, remarquant mon ��motion et mon silence, me dit d'un air surpris:
-- Quoi! Scanvoch, voici maintenant que la voix te manque!
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