et nous le serrerons dans nos
bras.--Cousin d'Hereford, que ta fortune réponde à la justice de ta cause,
dans ce combat royal! Adieu, mon sang: si tu le répands aujourd'hui,
nous pouvons pleurer ta mort, mais non te venger.
BOLINGBROKE.--Oh! que de nobles yeux ne profanent point une
larme pour moi, si mon sang est versé par la lance de Mowbray. Avec
la confiance d'un faucon qui fond sur un oiseau, je vais combattre
Mowbray. (Au lord maréchal.) Mon cher seigneur, je prends congé de
vous; et de vous, lord Aumerle, mon noble cousin; bien que j'aie affaire
avec la mort, je ne suis pas malade, mais vigoureux, jeune, respirant
gaiement; maintenant, comme aux festins de l'Angleterre, je reviens au
mets le plus délicat pour le dernier, afin de rendre la fin meilleure. (A
Gaunt.)--O toi, auteur terrestre de mon sang, dont la jeune ardeur
renaissant en moi me soulève avec une double vigueur pour atteindre
jusqu'à la victoire placée au-dessus de ma tête, ajoute par tes prières à
la force de mon armure; arme de tes bénédictions la pointe de ma lance,
afin qu'elle pénètre la cuirasse de Mowbray comme la cire, et que le
nom de Jean de Gaunt soit fourbi à neuf par la conduite vigoureuse de
son fils.
GAUNT.--Que le ciel te fasse prospérer dans ta bonne cause! Sois
prompt comme l'éclair dans l'attaque, et que tes coups, doublement
redoublés, tombent comme un tonnerre étourdissant sur le casque du
funeste ennemi qui te combat; que ton jeune sang s'anime; sois vaillant
et vis!
BOLINGBROKE.--Que mon innocence et saint Georges me donnent la
victoire!
(Il se rassied à sa place.)
NORFOLK.--Quelque chance qu'amènent pour moi le ciel ou la fortune,
ici vivra ou mourra, fidèle au trône du roi Richard, un juste, loyal et
intègre gentilhomme. Jamais captif n'a secoué d'un coeur plus libre les
chaînes de son esclavage, ni embrassé avec plus de joie le trésor d'une
liberté sans contrainte, que mon âme bondissante n'en ressent en
célébrant cette fête de bataille avec mon adversaire.--Puissant souverain,
et vous pairs, mes compagnons recevez de ma bouche un souhait
d'heureuses années. Aussi calme, aussi joyeux qu'à une mascarade, je
vais au combat: la loyauté a un coeur paisible.
RICHARD.--Adieu, milord. Je vois avec la valeur la vertu
tranquillement assise dans tes yeux.--Maréchal, ordonnez le combat, et
que l'on commence.
(Richard et les lords retournent à leurs siéges.)
LE MARÉCHAL.--Henri d'Hereford, Lancastre et Derby, reçois ta
lance; et Dieu défende le droit!
BOLINGBROKE.--Ferme dans mon espérance comme une tour, je dis:
Amen.
LE MARÉCHAL, à un officier.--Allez, portez cette lance à Thomas,
duc de Norfolk.
PREMIER HÉRAUT.--Henri d'Hereford, Lancastre et Derby, est ici
pour Dieu, pour son souverain et pour lui-même, à cette fin de prouver,
sous peine d'être déclaré faux et lâche, que le duc de Norfolk, Thomas
Mowbray, est un traître à Dieu, à son roi et à lui-même; et il le défie au
combat.
SECOND HÉRAUT.--Ici est Thomas Mowbray, duc de Norfolk,
ensemble pour se défendre et pour prouver, sous peine d'être déclaré
faux et lâche, qu'Henri d'Hereford, Lancastre et Derby, est déloyal
envers Dieu, son souverain et lui: plein de courage et d'un franc désir, il
n'attend que le signal pour commencer.
LE MARÉCHAL.--Sonnez, trompettes; combattants, partez. (On sonne
une charge.)--Mais, arrêtez: le roi vient de baisser sa baguette.
RICHARD.--Que tous deux déposent leurs casques et leurs lances et
qu'ils retournent reprendre leur place.--Éloignez-vous avec nous, et que
les trompettes sonnent jusqu'au moment où nous reviendrons déclarer
nos ordres à ces ducs (Longue fanfare.--Ensuite Richard s'adresse aux
deux combattants.)--Approchez.... Écoutez ce que nous venons d'arrêter
avec notre conseil. Comme nous ne voulons pas que la terre de notre
royaume soit souillée du sang précieux qu'elle a nourri, et que nos yeux
haïssent l'affreux spectacle des plaies civiles creusées par des mains
concitoyennes; comme nous jugeons que ce sont les pensées
ambitieuses d'un orgueil aspirant à s'élever aux cieux sur les ailes de
l'aigle, qui, jointes à cette envie qui déteste un rival, vous ont portés à
troubler la paix qui dans le berceau de notre patrie respirait de la douce
haleine du sommeil d'un enfant, en sorte que, réveillée par le bruit
discordant des tambours, par le cri effrayant des trompettes aux sons
aigres, et le confus cliquetis du fer de vos armes furieuses, la belle Paix,
pourrait, épouvantée, fuir nos tranquilles contrées, et nous forcer à
marcher à travers le sang de nos parents: en conséquence, nous vous
bannissons de notre territoire.--Vous, cousin Hereford, sous peine de
mort, jusqu'à ce que deux fois cinq étés aient enrichi nos plaines, vous
ne reviendrez pas saluer nos belles possessions, mais vous suivrez les
routes étrangères de l'exil.
BOLINGBROKE.--Que votre volonté soit faite!--La consolation qui
me reste, c'est que le soleil qui vous réchauffe ici brillera aussi pour
moi;
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