sait rien.
ALICE. Bravo! Fred, a propos, il n'y a toujours rien de nouveau?
CORLAIX. Nous ne savons toujours rien; nous attendons toujours le telegramme de Paris. Mais, je vous en prie, la parole est a l'orateur.
D'ARTELLES. Merci, Commandant. Je repete: voila six jours que nous sommes tous consignes a bord dans l'attente de cet appareillage problematique, en sorte que ce soir, qui est peut-etre notre dernier soir de paix, notre "Veille d'Armes", quoi, nous nous appretions tous a souper a la mode des anciens chevaliers ...
ALICE. Ils jeunaient les anciens chevaliers ...
D'ARTELLES. C'est bien ce que je voulais dire, Mademoiselle, nous nous appretions tous a jeuner comme eux, et vous nous avez epargne cette tristesse-la, Commandant, vous nous l'avez epargnee somptueusement, d'abord en nous reunissant autour d'une table de famille, et de plus, en y faisant asseoir avec nous de quoi rejouir nos yeux et de quoi reconforter nos coeurs. C'est de cela surtout que je tiens a vous exprimer notre reconnaissance. Et je suis sur que vous ne m'en voudrez pas si je leve mon verre a la sante de vos charmantes invitees plutot qu'a la votre comme je devrais le faire.
[Corlaix s'incline.] [Applaudissements, bravos, etc. Brouhaha, Corlaix se leve. Tout le monde l'imite.]
CORLAIX. Merci, d'Artelles. Gentil comme toujours!... Et sur ce ... Mesdames ...
[Fergassou s'avance vers Mme de Corlaix, Rabeuf vers Alice.]
FERGASSOU. He be, Madame, sans avoir l'air de rien, c'est un petit compliment de derriere les fagots qu'il vous a tourne, ce d'Artelles.
JEANNE. Je crois bien. [Elle prend le bras de Fergassou, puis s'arrete.] Et tenez, j'ai meme envie de lui dire merci ... Commandant Fergassou vous etes trop gentil pour m'en vouloir. [Elle lache le bras de Fergassou, court a d'Artelles, passe avec lui. Jeux de scene. Ils causent a voix basse. Alice passe au bras de Rabeuf, Birodart, Fergassou, Vertillac et Brambourg ferment la marche.]
BRAMBOURG. [a Fergassou] Vous voila en penitence, commandant Fergassou: prive de jolie femme.
FERGASSOU. Mon brave Monsieur Brambourg, ce qui me priverait, moi, quand je peux faire plaisir a mes amis, ce serait de ne pas le faire.
VERTILLAC. Avec l'autorisation du Commandant, si nous organisions un bridge? [Ils sont tous passes. Ils se separent. Rabeuf et Fergassou se retrouvent en tete a tete, au premier plan. La scene a change pendant ce dialogue. La table est maintenant desservie, les tapis verts en place.]
BIRODART. A la bonne heure!... Un petit bridge de mobilisation.
JEANNE. Encore ce mot ... Ah! ca, vous croyez donc tous que cette chose soit possible?
FERGASSOU. He! he! les rumeurs sont assez facheuses.
RABEUF. D'ailleurs, Madame, c'est a vous de nous renseigner. Qu'est-ce qu'on fait a Toulon?
JEANNE. Ah! on bavarde ... on s'exalte ... on compte les armees ... que sais-je?
D'ARTELLES. Bref, beaucoup de bruit pour rien.
JEANNE. Mais cette mission? Pourquoi cette mission? C'est cela qui m'inquiete. Pourquoi envoyer l'Alma a Bizerte?
CORLAIX. Ma chere Jeanne, nous ne sommes pas encore partis. Un contre-ordre est si vite arrive.
JEANNE. Il serait le bienvenu. Quelle joie!
FERGASSOU. Alors, esperons le.
JEANNE. En attendant, vous etes la ... sous pression.
CORLAIX. Au fait, Birodart, ou en sommes-nous pour les feux?
BIRODART. Rien de nouveau, Commandant. Nous avons toujours 24 chaudieres en pression et nous pouvons appareiller et faire route 30 minutes apres que vous en aurez donne l'ordre.
CORLAIX. Combien de charbon deja brule?
BIRODART. 250 tonnes environ?
CORLAIX. 12.000 francs de fumee! Mecanicien, vous coutez cher.
BIRODART. Pas moi, la mission.
[Vertillac, Brambourg sont debout autour de la table de bridge.]
VERTILLAC. Birodart, vous en etes?
BIRODART [a Corlaix]. Vous permettez, Commandant? [Il va les rejoindre. Corlaix reste aupres de Fergassou et de Rabeuf. Jeanne cause a voix basse avec d'Artelles, Alice circule, servant le cafe.]
JEANNE [a d'Artelles]. Vous, vous avez l'air ravi! Ca vous plairait, je parie, qu'il y eut la guerre.
D'ARTELLES. Ma foi ... oui!
JEANNE. Et ceux que vous laisseriez derriere vous?
D'ARTELLES. Il n'y en a pas. Personne.
JEANNE. Comment? Personne? Vous n'avez pas de famille?
D'ARTELLES. Si ... lointaine.
JEANNE. Et ... c'est tout?
D'ARTELLES. Presque tout. [Bas.] Mauvaise!
JEANNE. Chut! prends garde!
ALICE. Monsieur d'Artelles, a mon secours! Toute seule, je n'arriverai jamais a satisfaire ma clientele.
D'ARTELLES [se precipitant]. Je vous demande pardon, Mademoiselle.
ALICE. Je vous charge du sucre.
D'ARTELLES. Merci de la confiance!
FERGASSOU. Enfin! voila donc un enseigne qui va servir a quelque chose.
ALICE [bas, a Jeanne]. Mechante, mechante!
JEANNE. Pourquoi?
ALICE [lui montrant Corlaix]. Regarde ce monsieur, la-bas ... C'est ton mari. Tu es sure de ne pas l'oublier, des fois? Il t'a regardee, tu sais, pendant tout le diner ... Il t'a regardee ... d'un regard si tendre, si tendre ... ca m'a creve le coeur. On parle de mobilisation, personne ne sait ce qui se passera demain et toi ... Qu'est-ce qu'il te racontait donc, cet enseigne?
JEANNE. Que tu es bete! Rien du tout, naturellement!
ALICE. "Naturellement!" Tu es admirable. Comme si je ne savais pas ce que les hommes disent aux femmes ...
JEANNE. Tu m'as l'air d'une femme,
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