qui, au premier aspect, ne nous semble pas dépourvue d'efficacité.
La troisième gravure montrait le vrai cercueil de Faust, où il reposait peut-être depuis des siècles, gardant la bizarre permission de se relever certaines nuits, de revêtir son costume de hussard, toujours propre et fort élégant, pour aller à la chasse de Marguerite.
Faust était là, le monstre! avec ses yeux brillants et ses lèvres humides. Il buvait le sang de Marguerite, couchée un peu plus loin.
Les gens de la noce avaient, je ne sais trop comment, découvert sa retraite. On avait apporté un fourneau de forge, on avait fait rougir une vaillante barre de fer, et le fiancé la passait à deux mains, de tout son coeur, au travers de l'estomac du vampire, qui n'avait garde de protester.
Et Marguerite s'éveillait là-bas, comme si la mort de son bourreau lui e?t rendu la vie.
Voilà ce que disait et ce que contenait mon vieux bouquin en trois petits tomes. Et je déclare que les articles des recueils savants ne m'en ont jamais tant appris sur les vampires.
J'ajoute que les badauds de Paris, en l'an 1804, étaient à peu près de notre force, au bouquin et à moi: ce qui donne la mesure de ce que pouvait être leur opinion au sujet de cet être mystérieux que la frayeur publique avait baptisé: la Vampire.
II
SAINT-LOUIS-EN-L'ILE
La vampire existait, voilà le point de départ et la chose certaine: que ce f?t un monstre fantastique comme certains le croyaient fermement, ou une audacieuse bande de malfaiteurs réunis sous cette raison sociale, comme les gens plus éclairés le pensaient, la vampire existait.
Depuis un mois il était bruit de plusieurs disparitions. Les victimes semblaient choisies avec soin parmi cette population flottante et riche qu'un intervalle de paix amenait à Paris. On parlait d'une vingtaine d'étrangers pour le moins, tous jeunes, tous ayant marqué leur passage à Paris par de grandes dépenses, et qui s'étaient éclipsés soudain sans laisser de traces.
Y en avait-il vingt en effet? La police niait. La police e?t affirmé volontiers que ces rumeurs n'avaient pas l'ombre de fondement et qu'elles étaient l'oeuvre d'une opposition qui devenait de jour en jour plus hardie.
Mais l'opinion populaire s'affermit d'autant mieux que les dénégations de la police sont plus précises. Dans les faubourgs, ce n'était pas de vingt victimes que l'on parlait, on comptait les victimes par centaines.
A ce point qu'on affirmait l'existence d'un ténébreux charnier situé au bord du fleuve. On ne savait, il est vrai, où ce charnier pouvait être caché; on objectait même des impossibilités matérielles, car il e?t fallu supposer que le fleuve communiquait directement avec cette tombe, pour expliquer le phénomène de la pêche miraculeuse. Et comment admettre la présence d'un canal inconnu aux gens du quartier?
Dans la saison d'été, la Seine abandonne ses rives et livre à tous regards le secret de ses berges.
C'était assurément là une objection frappante et qui venait à l'appui de l'outrageuse invraisemblance du fait en lui-même: une oubliette au dix-neuvième siècle!
Les sceptiques avaient beau jeu pour rire.
Paris ne se faisait point faute d'imiter les sceptiques. Il riait; il répétait sur tous les tons; c'est absurde, c'est impossible.
Mais il avait peur.
Quand les poltrons de village ont peur, la nuit, dans les chemins creux, ils chantent à tue-tête. Paris est ainsi: au milieu de ses plus grandes épouvantes, il rit souvent à gorge. Paris riait donc en tremblant ou tremblait en riant, car les objections et les raisonnements ne peuvent rien contre certaines évidences. La panique se faisait tout doucement. Les personnes sages ne croyaient peut-être pas encore, mais l'inquiétude contagieuse les prenait, et les railleurs eux-mêmes, en colportant leurs moqueries, augmentaient la fièvre.
Deux faits restaient debout, d'ailleurs: la disparition de plusieurs étrangers et provinciaux, disparition qui commen?ait à produire son résultat d'agitation judiciaire, et cette autre circonstance que le lecteur jugera comme il voudra, mais qui impressionnait Paris plus vivement encore que la première: la _pêche miraculeuse_ du quai de Béthune.
C'était, on peut le dire, une préoccupation générale. Ceux qui se bornaient à hocher la tête en avouant qu'il y avait là ?quelque chose? pouvaient passer pour des modèles de prudence.
Est-il besoin d'ajouter que la politique fournissait sa note à ce concert? Jamais circonstances ne furent plus propices pour mêler le mélodrame politique à l'imbroglio du crime privé. De grands événements se préparaient, de terribles périls, récemment évités, laissaient l'administration fatiguée et pantelante. L'Empire, qui se fondait à bas bruit dans la chambre à coucher du premier consul, donnait à la préfecture les coliques de l'enfantement.
Le citoyen préfet, qui ne devait jamais être un aigle et qui ne s'appelait pas encore le comte Dubois, tressaillait de la tête aux pieds à chaque bruit de porte fermée, croyant ou?r un écho de cette machine infernale dont il n'avait point su prévenir l'explosion. Les sombres inventeurs de cet engin, Saint-Rejant et Carbon, avaient
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