La réforme postale en France | Page 5

M. Barrillon
| | | | | | | |1827 |0,20|0,20|0,50|0,80|1,20|1,20|0,70|1,40|1,80|2,80|4,20|4,20|18,31 | | | | | | | | | | | | | | | | ------------------------------------------------------------------------
L'examen de ce tableau et des documents qui le précèdent, donne lieu à de graves observations. On est frappé d'abord de l'énorme différence existant entre les tarifs de 1673 et ceux de 1799 et de 1827. On remarque aussi la différence encore importante qui distingue le tarif de 1799 de celui de 1827. Si l'on subit l'influence de cette prévention, généralement répandue, que l'argent a diminué progressivement de valeur pendant ces trois derniers siècles, on est tenté de croire que le tarif de 1673, et même celui de 1799, représentent, en réalité, des taxes comparativement plus élevées que le chiffre auquel ces taxes sont fixées dans chacun d'eux; l'indication du prix du blé, à l'époque contemporaine de chaque tarif, donne la preuve qu'une telle opinion serait mal fondée. Cette indication démontre que de 1672 à 1827, le prix moyen du blé n'a pas éprouvé d'augmentation bien sensible. On doit conclure de là que les taxes imposées par chaque tarif se rapportent, comme valeur réelle comparative, à un étalon à peu près uniforme. Les différences existant entre les tarifs qui nous occupent ont donc en réalité une valeur égale à celles qu'indiquent les chiffres afférents à chacun d'eux. Le port d'une lettre qui co?tait, selon le poids, la parité de ?,25 c. ou de ?,30 c. en 1673, co?te donc la parité de 1,20 ou de 4,20 en 1846. La taxe imposée de nos jours, pour le transport des lettres, est donc infiniment plus considérable que celle exigée en 1673.
Tout le monde conna?t ce principe, tant de fois démontré par les faits, en vertu duquel plus une taxe est élevée moins elle produit. Ce principe a certainement agi sur le produit du transport des lettres comme il agit partout. C'est à son influence compressive qu'on doit attribuer le peu d'accroissement des recettes recueillies par l'administration des postes, malgré les énergiques éléments d'augmentation que tant de causes ont fait na?tre, surtout pendant ces quarante dernières années.
Si le nuisible effet du tarif élevé, maintenant appliqué en France par l'administration des postes, portait préjudice seulement au trésor public, il faudrait le regretter sans doute, mais ce serait là un dommage temporaire, dont les conséquences ne seraient pas fort graves. Malheureusement, l'exagération démesurée de ce tarif réagit de la manière la plus facheuse sur la prospérité industrielle et sur le développement moral du pays.
Les industries, le commerce ont un puissant intérêt à recevoir des avis fréquents de tout ce qui se passe sur les divers marchés. Il arrive souvent que telle marchandise est à vil prix dans un lieu, tandis qu'elle est rare et chère dans un autre. Le producteur et le consommateur ont égal avantage à conna?tre ces variations inévitables; car toutes les fois que l'affluence des produits concorde en de convenables proportions avec la demande dont ils sont l'objet, les prix se règlent naturellement de manière à laisser bénéfice au producteur, sans que la bourse du consommateur soit mise à trop grande contribution. C'est par l'effet d'une correspondance active et multipliée, que ces résultats avantageux peuvent être obtenus. Sous l'empire des taxes actuelles, une telle correspondance est très co?teuse. Le négociant comprend bien qu'il pourrait en retirer avantage; mais il recule devant la dépense et le plus souvent il s'abstient. La cherté des ports de lettres nuit ainsi au développement des affaires, à la prospérité des industries, au bien-être des consommateurs.
L'exagération du tarif actuel des postes produit encore un autre effet non moins regrettable. Trop souvent, le pauvre artisan est obligé de laisser à la poste, faute d'en pouvoir payer le port, une lettre qui lui apporte des nouvelles d'un père, d'un enfant habitant un département lointain. Les familles mieux favorisées par la fortune subissent aussi l'influence de cette élévation des ports de lettres. On s'écrivait fréquemment d'abord. Bient?t on remarque combien une correspondance active est co?teuse; on s'écrit plus rarement, on arrive promptement à ne plus s'écrire. Les relations de famille ou d'amitié deviennent ainsi languissantes, elles se desserrent, elles cessent. Et pourtant n'y a-t-il pas un intérêt social à ce que le père corresponde souvent avec le fils, à ce que des liens d'affection réciproque se maintiennent entre les habitants des divers départements? n'y a-t-il pas avantage pour les progrès des sciences, à ce que des correspondances nombreuses s'échangent entre les savants? On a préconisé avec raison les heureux effets que l'établissement des chemins de fer produira pour le développement de la civilisation; mais cette belle oeuvre serait incomplète si l'on ne favorisait le voyage des idées comme on favorise le voyage des personnes. Or, il ne suffit pas de transporter à grande vitesse pour exciter aux voyages, il faut encore et en même temps transporter
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