je vais nommer étaient, en des manières différentes,
l'ornement et l'admiration de leur siècle.
Le roi de Navarre attirait le respect de tout le monde par la grandeur de
son rang et par celle qui paraissait en sa personne. Il excellait dans la
guerre, et le duc de Guise lui donnait une émulation qui l'avait porté
plusieurs fois à quitter sa place de général, pour aller combattre auprès
de lui comme un simple soldat, dans les lieux les plus périlleux. Il est
vrai aussi que ce duc avait donné des marques d'une valeur si admirable
et avait eu de si heureux succès, qu'il n'y avait point de grand capitaine
qui ne dût le regarder avec envie. Sa valeur était soutenue de toutes les
autres grandes qualités: il avait un esprit vaste et profond, une âme
noble et élevée, et une égale capacité pour la guerre et pour les affaires.
Le cardinal de Lorraine, son frère, était né avec une ambition
démesurée, avec un esprit vif et une éloquence admirable, et il avait
acquis une science profonde, dont il se servait pour se rendre
considérable en défendant la religion catholique qui commençait d'être
attaquée. Le chevalier de Guise, que l'on appela depuis le grand prieur,
était un prince aimé de tout le monde, bien fait, plein d'esprit, plein
d'adresse, et d'une valeur célèbre par toute l'Europe. Le prince de
Condé, dans un petit corps peu favorisé de la nature, avait une âme
grande et hautaine, et un esprit qui le rendait aimable aux yeux même
des plus belles femmes. Le duc de Nevers, dont la vie était glorieuse
par la guerre et par les grands emplois qu'il avait eus, quoique dans un
âge un peu avancé, faisait les délices de la cour. Il avait trois fils
parfaitement bien faits: le second, qu'on appelait le prince de Clèves,
était digne de soutenir la gloire de son nom; il était brave et magnifique,
et il avait une prudence qui ne se trouve guère avec la jeunesse. Le
vidame de Chartres, descendu de cette ancienne maison de Vendôme,
dont les princes du sang n'ont point dédaigné de porter le nom, était
également distingué dans la guerre et dans la galanterie. Il était beau, de
bonne mine, vaillant, hardi, libéral; toutes ces bonnes qualités étaient
vives et éclatantes; enfin, il était seul digne d'être comparé au duc de
Nemours, si quelqu'un lui eût pu être comparable. Mais ce prince était
un chef-d'oeuvre de la nature; ce qu'il avait de moins admirable était
d'être l'homme du monde le mieux fait et le plus beau. Ce qui le mettait
au-dessus des autres était une valeur incomparable, et un agrément dans
son esprit, dans son visage et dans ses actions, que l'on n'a jamais vu
qu'à lui seul; il avait un enjouement qui plaisait également aux hommes
et aux femmes, une adresse extraordinaire dans tous ses exercices, une
manière de s'habiller qui était toujours suivie de tout le monde, sans
pouvoir être imitée, et enfin, un air dans toute sa personne, qui faisait
qu'on ne pouvait regarder que lui dans tous les lieux où il paraissait. Il
n'y avait aucune dame dans la cour, dont la gloire n'eût été flattée de le
voir attaché à elle; peu de celles à qui il s'était attaché se pouvaient
vanter de lui avoir résisté, et même plusieurs à qui il n'avait point
témoigné de passion n'avaient pas laissé d'en avoir pour lui. Il avait tant
de douceur et tant de disposition à la galanterie, qu'il ne pouvait refuser
quelques soins à celles qui tâchaient de lui plaire: ainsi il avait plusieurs
maîtresses, mais il était difficile de deviner celle qu'il aimait
véritablement. Il allait souvent chez la reine dauphine; la beauté de
cette princesse, sa douceur, le soin qu'elle avait de plaire à tout le
monde, et l'estime particulière qu'elle témoignait à ce prince, avaient
souvent donné lieu de croire qu'il levait les yeux jusqu'à elle. Messieurs
de Guise, dont elle était nièce, avaient beaucoup augmenté leur crédit et
leur considération par son mariage; leur ambition les faisait aspirer à
s'égaler aux princes du sang, et à partager le pouvoir du connétable de
Montmorency. Le roi se reposait sur lui de la plus grande partie du
gouvernement des affaires, et traitait le duc de Guise et le maréchal de
Saint-André comme ses favoris. Mais ceux que la faveur ou les affaires
approchaient de sa personne ne s'y pouvaient maintenir qu'en se
soumettant à la duchesse de Valentinois; et quoiqu'elle n'eût plus de
jeunesse ni de beauté, elle le gouvernait avec un empire si absolu, que
l'on peut dire qu'elle était maîtresse de sa personne et de l'État.
Le roi avait toujours aimé le connétable, et sitôt qu'il avait commencé à
régner, il l'avait rappelé de l'exil où le roi François premier l'avait
envoyé.
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