mais madame de Valentinois, ayant été avertie du dessein de ce mariage, l'avait traversé avec tant de soin, et avait tellement prévenu le roi que, lorsque monsieur d'Anville lui en parla, il lui fit para?tre qu'il ne l'approuvait pas, et lui ordonna même de le dire au prince de Montpensier. L'on peut juger ce que sentit madame de Chartres par la rupture d'une chose qu'elle avait tant désirée, dont le mauvais succès donnait un si grand avantage à ses ennemis, et faisait un si grand tort à sa fille.
La reine dauphine témoigna à mademoiselle de Chartres, avec beaucoup d'amitié, le déplaisir qu'elle avait de lui avoir été inutile:
--Vous voyez, lui dit-elle, que j'ai un médiocre pouvoir; je suis si ha?e de la reine et de la duchesse de Valentinois, qu'il est difficile que par elles, ou par ceux qui sont dans leur dépendance, elles ne traversent toujours toutes les choses que je désire. Cependant, ajouta-t-elle, je n'ai jamais pensé qu'à leur plaire; aussi elles ne me ha?ssent qu'à cause de la reine ma mère, qui leur a donné autrefois de l'inquiétude et de la jalousie. Le roi en avait été amoureux avant qu'il le f?t de madame de Valentinois; et dans les premières années de son mariage, qu'il n'avait point encore d'enfants, quoiqu'il aimat cette duchesse, il parut quasi résolu de se démarier pour épouser la reine ma mère. Madame de Valentinois qui craignait une femme qu'il avait déjà aimée, et dont la beauté et l'esprit pouvaient diminuer sa faveur, s'unit au connétable, qui ne souhaitait pas aussi que le roi épousat une soeur de messieurs de Guise. Ils mirent le feu roi dans leurs sentiments, et quoiqu'il ha?t mortellement la duchesse de Valentinois, comme il aimait la reine, il travailla avec eux pour empêcher le roi de se démarier; mais pour lui ?ter absolument la pensée d'épouser la reine ma mère, ils firent son mariage avec le roi d'écosse, qui était veuf de madame Magdeleine, soeur du roi, et ils le firent parce qu'il était le plus prêt à conclure, et manquèrent aux engagements qu'on avait avec le roi d'Angleterre, qui la souhaitait ardemment. Il s'en fallait peu même que ce manquement ne f?t une rupture entre les deux rois. Henri VIII ne pouvait se consoler de n'avoir pas épousé la reine ma mère; et, quelque autre princesse fran?aise qu'on lui proposat, il disait toujours qu'elle ne remplacerait jamais celle qu'on lui avait ?tée. Il est vrai aussi que la reine ma mère était une parfaite beauté, et que c'est une chose remarquable que, veuve d'un duc de Longueville, trois rois aient souhaité de l'épouser; son malheur l'a donnée au moindre, et l'a mise dans un royaume où elle ne trouve que des peines. On dit que je lui ressemble: je crains de lui ressembler aussi par sa malheureuse destinée, et, quelque bonheur qui semble se préparer pour moi, je ne saurais croire que j'en jouisse.
Mademoiselle de Chartres dit à la reine que ces tristes pressentiments étaient si mal fondés, qu'elle ne les conserverait pas longtemps, et qu'elle ne devait point douter que son bonheur ne répond?t aux apparences.
Personne n'osait plus penser à mademoiselle de Chartres, par la crainte de déplaire au roi, ou par la pensée de ne pas réussir auprès d'une personne qui avait espéré un prince du sang. Monsieur de Clèves ne fut retenu par aucune de ces considérations. La mort du duc de Nevers, son père, qui arriva alors, le mit dans une entière liberté de suivre son inclination, et, sit?t que le temps de la bienséance du deuil fut passé, il ne songea plus qu'aux moyens d'épouser mademoiselle de Chartres. Il se trouvait heureux d'en faire la proposition dans un temps où ce qui s'était passé avait éloigné les autres partis, et où il était quasi assuré qu'on ne la lui refuserait pas. Ce qui troublait sa joie, était la crainte de ne lui être pas agréable, et il e?t préféré le bonheur de lui plaire à la certitude de l'épouser sans en être aimé.
Le chevalier de Guise lui avait donné quelque sorte de jalousie; mais comme elle était plut?t fondée sur le mérite de ce prince que sur aucune des actions de mademoiselle de Chartres, il songea seulement à tacher de découvrir qu'il était assez heureux pour qu'elle approuvat la pensée qu'il avait pour elle. Il ne la voyait que chez les reines, ou aux assemblées; il était difficile d'avoir une conversation particulière. Il en trouva pourtant les moyens, et il lui parla de son dessein et de sa passion avec tout le respect imaginable; il la pressa de lui faire conna?tre quels étaient les sentiments qu'elle avait pour lui, et il lui dit que ceux qu'il avait pour elle étaient d'une nature qui le rendrait éternellement malheureux, si elle n'obéissait que par
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