toujours les m��mes regrets et pas toujours les m��mes esp��rances.
Pour bien comprendre et pour bien aimer son pays, il faut souvent en franchir la fronti��re. Enivr�� de tristesse et tourment�� de doute, on passe, morne et silencieux. On cherche l'oubli sous le ruissellement intense du soleil ��tranger; souvent, assoiff�� de tendresse, de justice, d'id��al, on oublie la haine et, dans le frisson d'un soir de printemps ou dans les rayons pales de l'aurore, on r��ve aux cieux lointains.
Pendant son exil volontaire de vingt-cinq ans, Ibsen ne cessa de demeurer un spectateur attentif de la vie norv��gienne. Sa langue resta tr��s pure; on peut en dire ce que Georges Brand��s[10] dit de celle de son compatriote Jacobsen: nul avant lui, n'a su peindre ainsi avec des mots. ?N��gliger le style, ce n'est pas aimer assez les id��es qu'on veut faire adopter aux autres?,[11] et c'est l�� le plus grand d��sir d'Ibsen. M��me dans ses po��sies, qui sont tr��s admir��es en Scandinavie, une pens��e profonde est m��l��e �� un lyrisme sensitif. Loin de la foule, loin des masses, il cultive sa pens��e, il cis��le son style. S'il veut faire adopter ses id��es aux autres, il garde religieusement son moi. ?Il est une chose qu'on ne peut sacrifier: c'est son moi, son ��tre int��rieur.?[12] La popularit��, il la d��daigne. La popularit��! que de gens s'imaginent qu'elle est le couronnement de la gloire! Ils oublient que la foule ne suit et n'acclame que ceux qui caressent ses passions, ses col��res, ses erreurs! Les hommes forts ne cherchent ni popularit�� ni gloire, ils ne cherchent �� rivaliser ni avec les uns ni avec les autres. Ils se cr��ent �� eux-m��mes un vaste domaine o�� ils se trouvent �� la fois le premier venu et le roi. Ils d��couvrent et r��v��lent tout un monde de beaut��s inconnues et vari��es �� l'infini dans la pens��e, dans le sentiment, dans l'image, dans le contraste des ombres et de la lumi��re.
?Le bruit de la foule m'��pouvante, dit Ibsen, je veux pr��server mes v��tements de la boue des rues; c'est en habits de f��te que je veux attendre l'aurore de l'avenir.?[13]
Et cette aurore est d��j�� arriv��e, car ?tout c��de �� la continuit�� d'un sentiment ��nergique. Chaque r��ve finit par trouver sa forme; il y a des ondes pour toutes les soifs, de l'amour pour tous les coeurs.?[14] Le souffle g��n��reux de l'humanit�� pensante finit toujours par dissiper les noirs nuages; les esprits libres finissent toujours par reconna?tre leur erreur.
?L'homme, dit Pascal, n'est qu'un roseau, le plus faible de la nature, mais c'est un roseau pensant.? Le solitaire de Port-Royal aurait pu ajouter et rayonnant, car un homme qui pense a ceci de singulier qu'il rayonne. Son ��clatant relief le fait sortir de l'ombre et le fait distinguer non seulement de la foule, mais des autres princes de la pens��e dont les noms deviennent des symboles.
NOTES:
[1] Madame de Sta?l.
[2] Poeta sovrano, Di quel signor dell'altissimo canto, Che sovra gli altri, com' aquila, vola.
[3] Pise, opprobre des nations.
[4] E. Renan. Dialogues philosophiques, p. 109.
[5] Dans les vieux carnets du cercle scandinave, �� Rome, on peut lire la vive pol��mique qui exista un certain temps entre Ibsen et Bjornson relativement aux questions d'art. On d��couvre dans ces carnets un d��tail tr��s curieux. L'��criture d'Ibsen qui fut jusqu'en 1866 d'une forme assez courante est devenue �� partir de cette ��poque tr��s caract��ristique et tr��s personnelle.
[6] Ibsen. John-Gabriel Borckman.
[7] M. A. Antoine, directeur du Th��atre libre a, le premier, en France, jou�� Ibsen; et cela, �� l'instigation de M. Emile Zola qui lui signala les Revenants. Surviennent ensuite les repr��sentations du th��atre de l'Oeuvre(Lugn��-Po?) et les traductions de MM. de Prozor, de Colleville et de Zepelin, Trigaut-Geneste, Bertrand et de Nevers, de Casanove, Chenevi��re et Johansen, traductions que nous avons consult��es pour cet ouvrage (voir Bibliographie, p. 175).
[8] Pi��ce d'Ibsen.
[9] Camille Mauclair. Conf��rence faite au th��atre de l'Oeuvre, le 3 avril 1894.
[10] Det modern Gjennembruds maend. Copenhague, 1891.
[11] P.-J. B��renger. Correspondance, t. II, p. 334.
[12] Brand.
[13] Po��sies.
[14] Flaubert. Correspondance, t. III, p. 73.
* * * * *
CHAPITRE III
Le retour d'Ibsen en Norv��ge.--Son jubil��.--Sa vie actuelle. 1891-1900.
I
En 1891, Ibsen retourna en Norv��ge et son retour fut pour lui un triomphe. Il fut heureux de revoir le paysage baign�� de cette incomparable lumi��re du Nord, tout �� la fois si virginale et si ardente, et les cha?nes de collines int��rieures, �� peine ��lev��es de quelques centaines de m��tres, et cependant couronn��es par la neige, comme si elles atteignaient l'altitude des sommets de la Suisse; il fut heureux de revoir le magnifique panorama sur le fjord de Christiania, parsem�� d'?les bois��es, ��gay�� par le mouvement continuel de vaisseaux qui vont se perdre au loin, derri��re de grandes montagnes toutes bleues.
Le voil�� revenu de l'exil, le vieux po��te! Il touche du pied le sol sacr�� du pays aim��; et
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