La philosophie sociale dans le theatre dIbsen | Page 7

Ossip-Lourie
qui semble une surface bleue immobile, mais qu'on sent anim��e et vers laquelle se porte incessamment le regard comme vers tout ce qui d��c��le la vie, la vie que l'homme aspire, la vie ��ternelle!
C'est l�� qu'Ibsen comprit que, ?le monde est, d'un bout �� l'autre, une vision extraordinaire, et qu'il faut ��tre aveugle pour n'en ��tre pas ��bloui.?[4] Mais c'est surtout dans la grandeur triste de Rome qu'il se retrouvait lui-m��me. Rome ��tablit un accord harmonieux entre la majest�� des ruines du pass�� et celle de l'avenir de l'ame humaine. Et, dans le silence pur de la lumi��re d'Italie, Ibsen ��crivit Brand[5], en 1866, apr��s plusieurs drames romantiques, alors que les r��voltes grondaient dans son coeur; puis, en 1867, Peer Gynt, qui aspire d��j�� vers des temps plus doux.
Henrik Ibsen resta en Italie jusqu'en 1868; il en emporta avec lui, pour toujours, l'amour de la nature et des arts.
De l'Italie, il alla �� Munich, �� Dresde, �� Berlin.

II
Rien de plus int��ressant que le mouvement intellectuel de ces ann��es, en Europe. Des hommes sup��rieurs parlent, ��crivent et donnent aux esprits une impulsion merveilleuse; le champ des id��es est profond��ment remu��; de grandes doctrines se formulent, de graves pol��miques se soul��vent et rarement on vit une ��poque o�� le mouvement f?t plus ardent, plus agit��, plus rempli de promesses et d'esp��rances.
Les pens��es d'Ibsen s'��largirent de plus en plus et son esprit s'ouvrit �� la contemplation de l'Univers. L'exil est une bonne ��cole pour les ames fortes et conscientes, il leur enseigne la valeur morale du pr��cepte de Socrate: ?Connais-toi toi-m��me?; il leur apprend aussi �� comprendre les autres.
Partout Ibsen demeurait un observateur fid��le de la vie et des moeurs, et partout il vivait solitaire, isol�� au milieu de ce monde souvent trop sociable. Son ame sensitive de po��te lui disait que la po��sie du silence est plus morale que levain bruit.
Et son oeuvre augmente toujours.... En 1869, il ��crit l'_Union des jeunes_. La m��me ann��e Charles XV le nomme d��l��gu�� �� l'inauguration du canal de Suez.
Apr��s les f��tes de Port-Sa?d, il fit un voyage de six semaines sur le Nil et retourna �� l'��tranger, �� Munich. Car la Norv��ge lui resta froide. ?La masse, la foule, la m��diocrit��, ne comprend pas les isol��s, les ��lus.?[6]
Et pourtant l'influence d'Ibsen grandit d��j��.[7] Certains hommes ignor��s de la foule exercent en r��alit�� dans la vie une plus grande influence que ceux dont la popularit�� est la plus bruyante. Mais la vaine attente de l'approbation de ses compatriotes aigrit son ame; dans sa fi��re mis��re il reconnaissait vivement l'injustice commise envers lui par les norv��giens. ?Rien n'est plus amer que d'��tre incompris!? dit Jean-Gabriel Borckman, l'un des personnages de sa pi��ce du m��me nom.
Le po��te cependant ne laisse pas libre cours �� sa plainte. Les succ��s faciles des m��diocres le font sourire. Lent, mais tenace, il ��crit livre sur livre. Les hommes vraiment progressifs s'avancent sans fracas, mais avec de la suite et de la continuit��. A celle marque se reconna?t le g��nie qui, lorsqu'il le veut, plie �� son ob��issance les obstacles m��mes qui semblent devoir l'entraver. ?La vocation, dit Brand[8], est un torrent qu'on ne peut refouler, ni barrer, ni contredire. Il s'ouvrira toujours un passage vers l'Oc��an.?
Les foudres du clerg�� et de la cour n'emp��chaient gu��re Descartes de chercher sa M��thode. La petite Hollande ��tait fi��re de lui offrir l'hospitalit��.
Les esprits sup��rieurs suivent les traces glorieuses de leurs devanciers, ils savent que les ma?tres les plus illustres de la Pens��e ont souvent connu et la tristesse de l'exil et la raillerie des m��chants et m��me les horreurs de la faim.... Leur ame s'impr��gne d'une tristesse am��re, mais elle demeure douce et grande, toujours et quand m��me. La souffrance vivante vaut mieux que le repos sans vie. Un sourire d'incr��dulit�� d��daigneuse est leur seule r��ponse �� toutes les petitesses, �� toutes les flatteries.
?L'homme de g��nie ose seul contempler sans palir le visage ��trange des si��cles, d��fier le temps, raidir contre le flot intarissable de l'oubli une poitrine libre, et attester devant le jugement des t��n��bres, debout sur d'innombrables cercueils, la noblesse r��elle de l'humanit��.?[9]
Le g��nie ne tatonne pas, mais embrassant tout d'un coup d'oeil, il va droit au but, qu'il poursuit avec fermet��, et se rit des sarcasmes de la foule qui ne comprend rien �� ses oeuvres.
Ibsen erra d'une ville �� l'autre, toujours plein d'amertume contre ses compatriotes et plein de tendresse pour son pays. Jamais on ne sent mieux combien une chose nous est ch��re que lorsqu'on se trouve loin d'elle. On songe plus au sol natal quand on ne voit pas son vague horizon; on songe �� ses bl��s mouvants, �� ses vertes prairies ou �� ses montagnes neigeuses, et plus encore �� ses tristesses et �� ses douleurs, car on participe mieux �� ses souffrances qu'�� ses joies; on a
Continue reading on your phone by scaning this QR Code

 / 55
Tip: The current page has been bookmarked automatically. If you wish to continue reading later, just open the Dertz Homepage, and click on the 'continue reading' link at the bottom of the page.