La philosophie de M. Bergson | Page 9

Albert Farges
je r??clame cette explication. Dans les th??ories qu'ils m'attribuent, je ne reconnais rien de moi, rien que j'aie jamais pens??, enseign??, ??crit.... O?1, quand, sous quelque forme ai-je dit quelque chose de tout cela? Qu'on me montre dans ce que j'ai ??crit une ligne, un mot, qui puisse s'interpr??ter de cette mani?��re, etc.?? _(Bulletin de la Soci??t?? fran?��aise de philosophie_, num??ro de janvier, 1908, p. 20, 21.)
* * * * *
I
LA NOTION BERGSONIENNE DU TEMPS.
La nouvelle notion du Temps imagin??e par M. Bergson est de la plus haute importance, puisqu'il en a fait le centre et le pivot de tout son nouveau syst?��me philosophique.
Au premier abord, il semble bien subtil et m?ame paradoxal de vouloir fonder une philosophie tout enti?��re, une explication totale des choses sur la notion du Temps. A la r??flexion, toutefois, et au souvenir de la merveilleuse synth?��se p??ripat??ticienne enti?��rement ??lev??e sur la notion du Mouvement--notion si voisine de celle du Temps,--on est plut?��t tent?? de faire cr??dit ?? l'auteur, non sans quelque d??fiance il est vrai, car si le Mouvement est un ph??nom?��ne patent qui tombe sous les sens, il n'en est pas de m?ame du Temps, le plus obscur et le plus myst??rieux peut-?atre de tous les ph??nom?��nes de la nature. Ce contraste avait d??j?? ??t?? remarqu?? par les anciens, lorsqu'ils disaient: _Motus sensibus ipsis patet, non autem tempus_. Aussi pouvons-nous craindre tr?��s l??gitimement que le sophisme ne trouve plus facilement ?? s'embusquer derri?��re ces ombres profondes, et qu'au lieu de b?��tir sur le roc, comme Aristote, M. Bergson ne puisse ??difier que sur le sable mouvant des conjectures.
Quoi qu'il en soit, essayons d'expliquer aussi clairement que possible sa pens??e toujours subtile et nuageuse, d'en montrer les c?��t??s sp??cieux et d'en pr??ciser les points faibles. Pour cela, commen?��ons par faire conna??tre le r??sultat final de sa longue et laborieuse ??tude sur la notion du Temps.
Le Temps ??tant l'antith?��se de l'Espace, il est bon de rapprocher ces deux notions pour en ??clairer le sens par leur contraste. L'un et l'autre, dans la philosophie traditionnelle, sont des _quantit??s continues_, homog?��nes et mesurables; mais les parties de l'Espace sont coexistantes et _simultan??es_, tandis que les parties du Temps sont successives et fluentes.
Or, dans le syst?��me de M. Bergson, l'Espace est d??fini par _quantit??_ et _homog??n??it??_, et partant par _mensurabilit??._ C'est le propre de la mati?��re. Toute quantit??, soit discr?��te comme le nombre, soit continue comme les grandeurs, est de l'espace. ??L'espace, dit-il, doit se d??finir l'homog?��ne.... Inversement, tout milieu homog?��ne et ind??fini sera de l'espace.??[33]
Au contraire, le Temps est d??fini par _qualit??_ pure et _h??t??rog??n??it??_ pure, exclusive de toute quantit??, de toute homog??n??it??, et partant de toute mensurabilit??. C'est le propre de l'esprit. Ainsi le Temps vrai n'a ni parties virtuellement multiples, ni quantit?? par o?1 il soit mesurable, ni homog??n??it?? qui permette de comparer une dur??e ?? une autre dur??e et de les dire ??gales ou in??gales.
??La dur??e pure, ??crit M. Bergson, n'est qu'une succession de changements qualitatifs qui se fondent, qui se p??n?��trent, sans contours pr??cis, sans aucune tendance ?? s'ext??rioriser les uns par rapport aux autres, sans aucune parent?? avec le nombre. Ce serait l'h??t??rog??n??it?? pure.??[34]
Cette notion est sans doute ?? l'oppos?? de toutes les conceptions agnostiques ou id??alistes, kantistes ou leibnitziennes. Mais elle n'eut pas moins ??loign??e de toutes les d??finitions connues des ??coles r??alistes, qui sont unanimes ?? faire du Temps une quantit??, notamment de la c??l?��bre d??finition aristot??licienne, d??clarant que le Temps est _le nombre ou la mesure du mouvement, selon l'avant et l'apr?��s_. ????1???????? ?o?1???????��?��?? ?o?��???? ???? ?�??????��????? ?o?��?1 ???????��?????[35].
Et ce n'est pas seulement la pens??e philosophique que contredit la nouvelle notion, ce sont encore les donn??es de la Science exp??rimentale et du simple bon sens. La fiction d'un temps simple, impossible ?? mesurer, appara??t en effet du premier coup comme un d??fi au sens commun. Quant ?? la Science qui parvient ?? mesurer le temps et m?ame ?? le pr??dire par des calculs d'une pr??cision si merveilleuse, elle donne chaque jour ?? cette fiction le plus ??clatant d??menti.
Que telle soit bien pourtant la pens??e de M. Bergson, on n'en saurait douter. Pour lui, le temps vrai ne se mesure point; celui de la science et du sens commun n'est qu'une illusion et une chim?��re, comme il le r??p?��te ?? sati??t??, sous toutes les formes, dans tout le cours de ses ouvrages, notamment dans les cinquante pages (57 ?? 107) du deuxi?��me chapitre de son _Essai sur les Donn??es imm??diates de la conscience_, enti?��rement consacr??es ?? combattre cette illusion.
En lisant tous les longs et subtils d??veloppements donn??s par l'auteur ?? cette th?��se, il est impossible ?? un philosophe quelque peu au courant des notions de M??taphysique g??n??rale ou d'Ontologie, de ne pas ?atre frapp?? du nombre et de la gravit?? des confusions d'id??es qu'on y rencontre. Les notions classiques les plus
Continue reading on your phone by scaning this QR Code

 / 149
Tip: The current page has been bookmarked automatically. If you wish to continue reading later, just open the Dertz Homepage, and click on the 'continue reading' link at the bottom of the page.