alliances d'id??es ou de choses apparemment les plus infrangibles, r??conciliant les termes les plus oppos??s, formant d'??blouissantes synth?��ses, r??solvant les probl?��mes les plus compliqu??s....??[30]
Si telle est l'impression d'un professionnel de la philosophie, celle des ??Philistins??, et des plus savants d'entre eux, ne sera que pire. Le r?ave de ce grand homme, ??crivait M. Le Dantec, serait ??d'?atre plong?? dans un in pace parfaitement noir, et de s'y trouver suspendu sans contact avec les parois du cachot. L??, sans ?atre troubl?? dans sa m??ditation par la vue, l'audition ou le contact, qui donnent des objets externes une notion fausse ou superficielle, le philosophe, enfin d??gag?? de toutes les entraves de la nature, vivrait dans sa pens??e profonde la vie totale de l'Univers??[31].
Cette ironie, un peu lourde, il est vrai, indique bien l'impression de noir parfait que la lecture de M. Bergson a d?? laisser ?? ce savant, ami des m??thodes positives et de la clart??.
Ainsi, pour l'un, c'est le vertige; pour l'autre, la nuit noire.... Et cependant, nombreuses sont les ?��mes simples ou insuffisamment instruites des premiers principes d'une saine philosophie qui se laissent prendre aux prestigieux effets produits par de nouvelles associations de mots et d'images. Noua en avons rencontr??, par exemple, qui se p?��maient d'admiration devant le seul titre de l'_Evolution cr??atrice_. En apparence, en effet, le mot est heureux et n'a rien de choquant. On y trouve un sujet, un attribut, un verbe sous-entendu, et l'esprit est satisfait: _l'Evolution est cr??atice._ Mais si l'on va au del?? des mots, jusqu'au fond de la pens??e de l'auteur, et si l'on demande: 1?o _Qui est cr??ateur_?--Personne. C'est l'??volution qui se fait elle-m?ame; c'est donc une cr??ation sans aucun cr??ateur.
Si l'on demande en outre: 2?�� _De quoi est-elle cr??atrice?_--De rien, sinon d'elle-m?ame! puisqu'il n'y a plus d'?atre, de chose! cr????e, et que tout est devenir, c'est-??-dire ??volution pure. En sorte que c'est une cr??ation sans aucun cr??ateur et sans aucune chose cr????e![32]--Alors, apr?��s cette d??couverte, tout s'obscurcit et devient incoh??rent: c'est le chaos des id??es pour le simple bon sens. Mais l'??tiquette, avec sa brillante m??taphore, a su masquer parfaitement l'opposition des id??es avec le sens commun. Tant est grande la magie des mots! Nos farouches contempteurs des id??es ??cristallis??es et mortes??, nos iconoclastes de toutes les idoles du langage et de la tradition, sont les premiers ?? se payer de mots et les seuls ?? adorer des m??taphores!
Nous voici donc bien avertis sur les proc??d??s litt??raires et m??thodiques de notre auteur, ainsi que sur l'esprit et la port??e philosophique du nouveau syst?��me. Nous pouvons d??sormais entreprendre l'analyse des ??crits de M. Bergson, en commen?��ant par son premier-n??, sa fameuse th?��se sur la th??orie nouvelle du Temps ou de la Dur??e pure, qui sera comme le _leit-motiv_ de toutes ses autres th??ories. Nous nous bornerons toutefois aux grandes lignes et ?? une vue synth??tique, ??vitant de les obscurcir par la critique, d'ailleurs facile, d'innombrables d??tails.
* * * * *
Note.
Si la n??bulosit?? syst??matique de la nouvelle ??cole a des avantages incontestables pour ses auteurs, elle a aussi des inconv??nients, car elle permet ?? l'imagination de chacun de d??couvrir dans chaque nu??e tout ce qui lui pla??t, voire m?ame les figures les plus oppos??es aux intentions de l'inventeur. M. Bergson ne pouvait manquer d'en ?atre la premi?��re victime et de s'en plaindre am?��rement. Il sera pour le moins curieux et tr?��s suggestif d'entendre ses protestations indign??es contre les multiples d??figurations de sa pens??e que se sont permises MM. les professeurs des Lyc??es, aupr?��s desquels M. Binet avait ouvert une enqu?ate pour conna??tre l'influence de la philosophie bergsonienne sur leur enseignement. A ce sujet, le lecteur lira avec int??r?at l'extrait suivant de la s??ance de la _Soci??t?? fran?��aise de Philosophie,_ qui, le 28 nov. 1907, a mis aux prises M. Binet et M. Bergson.
??M. BINET.--Ma seconde question s'adresse sp??cialement ?? notre savant coll?��gue M. Bergson, que nous avons la bonne fortune de compter aujourd'hui parmi nous. Il a vu (par l'enqu?ate) quelle influence sa philosophie exerce sur l'enseignement secondaire. Il a vu aussi les doutes, les h??sitations de certains ma??tres, qui avouent tr?��s franchement qu'il ne sont pas encore parvenus ?? trouver la _formule d'adaptation de ses id??es_ ?? l'??tat d'intelligence de leurs l'??l?��ves. Il me semble bien que M. Bergson doit ?atre int??ress?? par le renseignement si curieux et si sinc?��re que nos correspondants lui apportent. Nous serions heureux de conna??tre d'abord, si ce n'est pas indiscret, son impression de s??ance. Nous souhaitons aussi qu'apr?��s r??flexion il puisse trouver les indications et les conseils qui aplaniront les difficult??s que rencontre la propagation de ses id??es.
??M. BERGSON.--J'avoue ne rien comprendre ?? certaines observations (des professeurs de lyc??e) dont M. Binet vient de donner lecture. M. Binet para??t d??sirer que je m'explique sur les questions qu'elles soul?��vent. C'est de lui ou de ses correspondants que
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