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La petite Jeanne
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Title: La petite Jeanne ou Le devoir
Author: Zulma Carraud
Release Date: June 29, 2006 [EBook #18715]
Language: French
Character set encoding: ISO-8859-1
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LA
PETITE JEANNE
OU
LE DEVOIR
LIVRE DE LECTURE COURANTE SPéCIALEMENT DESTINé AUX éCOLES PRIMAIRES DE FILLES
PAR MME Z. CARRAUD
OUVRAGE COURONNé PAR L'ACADéMIE FRAN?AISE
NOUVELLE éDITION
Imprimée sur papier teinté conformément aux prescriptions de la commission de l'hygiène de la vue.
PARIS LIBRAIRIE HACHETTE ET Cie 79, BOULEVARD SAINT-GERMAIN, 79
1884
LA PETITE JEANNE OU
LE DEVOIR.
PREMIèRE PARTIE.
ENFANCE DE JEANNE.
La mère Nannette.
Il y avait dans un bourg du département du Cher une bonne veuve agée de soixante ans, qu'on appelait la mère Nannette. Elle possédait une petite maison avec une petite chènevière et un jardin planté de pommiers, de pruniers et de groseilliers. Du c?té du chemin, un gros noyer, qui avait plus de cent ans, ombrageait le devant de sa porte. Quand les fleurs de cet arbre ne gelaient pas au printemps, il donnait assez de noix à la mère Nannette pour qu'elle e?t sa provision d'huile l'année suivante. S'il se faisait deux bonnes récoltes de suite, elle vendait une partie des noix, ce qui lui donnait un petit profit. Quoiqu'elle possédat une vigne et un beau morceau de terre, elle n'avait que bien juste ce qu'il lui fallait pour vivre.
Elle semait du froment deux années de suite dans son champ, qui, la troisième, rapportait alternativement du trèfle et des pommes de terre. Elle récoltait assez de blé pour se nourrir pendant les trois ans. Mais si l'année était mauvaise, la mère Nannette vendait la pièce de toile qu'elle avait fait faire avec le chanvre amassé et filé pendant quatre ans. L'argent qu'elle en retirait lui servait à compléter sa provision de blé; et, malgré tout cela, elle patissait bien un peu l'hiver.
Pour que la terre rapporte chaque année sans se reposer, il faut beaucoup de fumier; la mère Nannette, qui le savait bien, avait une vache et une chèvre qu'elle menait pa?tre sur les communaux et le long des haies. Avec leur lait elle faisait du beurre et des fromages, qu'elle vendait à la ville voisine. Quand ses bêtes étaient rentrées à l'étable, elle allait chercher pour elles de l'herbe dans les champs et au bord des ruisseaux. Comme elle les tenait bien proprement, elles étaient en bon état. L'hiver, elles mangeaient ou du trèfle qui avait été rentré bien sec, ou du regain récolté après la fauche des grands foins.
La mère Nannette vendait son vin et ne buvait que sa boisson[1]; mais, comme l'argent qu'elle tirait de son vin suffisait bien juste, avec celui de son beurre et de ses fromages, à payer l'imp?t et les fa?ons de son champ et de sa vigne, et qu'il lui fallait encore se procurer quelque argent pour son entretien, elle élevait des oisons qu'elle achetait au sortir de la coque. Elle se donnait beaucoup de mal pour appater ces petites bêtes et pour les garantir du froid pendant la nuit. Ses voisines plumaient leurs oies quatre fois avant de les vendre; mais la mère Nannette disait que c'était une mauvaise méthode, parce qu'ainsi la plume n'avait pas le temps de se nourrir, et elle ne plumait les siennes que trois fois; puis elle en vendait la moitié pour la Toussaint et l'autre moitié à No?l.
[Note 1: Eau passée sur la rape ou le marc de la vendange.]
[Illustration: Chaumière de la mère Nannette]
Tout cela ne lui rapportait pas une grosse somme; mais elle était si ménagère qu'il lui restait toujours un peu d'argent à la fin de l'année. Pourtant elle ne se nourrissait pas trop mal, disant qu'elle aimait mieux donner au boucher une pièce de cinquante centimes toutes les semaines, que vingt-cinq francs par an au médecin et au pharmacien.
Catherine et Jeanne.
Un matin, la mère Nannette, tricotant devant sa porte, vit venir à elle une jeune femme qui tenait par la main une petite fille de sept à huit ans et qui lui demanda un morceau de pain. Comme cette femme était très-pale et avait l'air malade, la mère Nannette l'emmena dans sa maison et la fit asseoir. Elle ralluma son feu, fit réchauffer un reste de soupe qu'elle avait gardé pour son repas du soir et le donna aux deux mendiantes. L'enfant mangea de si bon coeur, que la mère Nannette vit bien que
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