La nuit de Noël dans tous les pays | Page 3

Alphonse Chabot
et leurs torches de paille, on se dirige vers l'église pour go?ter les émotions toujours nouvelles de cette bienheureuse nuit[2].?
[Note 2: D'après la _Semaine de Clermont._]
On nous écrit des Salces (Lozère):
?Quelquefois la ménagère, la mère de famille, n'a pas pu assister à la Messe de minuit. Elle a d? préparer le réveillon. Ce repas consiste souvent, dans nos montagnes, en lait bouilli et chaud, saucisses fra?ches et autres productions de la ferme, sans exclure la rasade de vin pétillant.?
La chandelle de No?l, conservée précieusement, est allumée au matin du premier jour de l'an, quand les parents et les amis viennent, avant l'aube, offrir leurs voeux empressés. C'est elle encore qui éclaire de ses dernières lueurs les royautés éphémères du jour de l'épiphanie.
Cette gracieuse coutume a été célébrée par un de nos meilleurs poètes:
LES CHANDELLES DE NO?L
Aujourd'hui que l'acétylène, Le gaz ou l'électricité Ont détr?né sans nulle gêne L'antique et fumeuse clarté
De _la Chandelle,_ Peut-on vraiment Vous parler d'elle En ce moment?
Cependant elle vit encore Et se livre à de beaux exploits Quand, de Minuit jusqu'à l'Aurore, Elle rayonne en maints endroits.
Venez plut?t dans la Lozère: Au début de tout Réveillon Une Chandelle seule éclaire La familiale collation.
L'a?eule, d'une main tremblante, L'allume, se signe... et l'éteint; Puis, enfants, serviteurs et servante De même font, d'un tour de main.
Précieusement conservée, Dame Chandelle, huit jours après, Avec sa mèche ravivée éclaire encor voeux et souhaits.
Et ce n'est qu'à l'épiphanie, A ce joyeux banquet des Rois, Qu'à l'étoile portant envie, Elle brille... et meurt à la fois!
Comtesse O'MAHONY
En Provence, toute la famille se réunit à table pour le gros souper. Dès sept heures du soir, les rues de la ville ou du village, sont désertes et, par contre, toutes les maisons sont brillamment éclairées; on oublie pour un jour l'économie du luminaire; la modeste lampe à l'huile (_lou calèn_) est mise de c?té et l'on place sur la table, d'une fa?on symétrique, les belles chandelles cannelées, ornées de festons.
La place d'honneur appartient de droit au plus agé, grand-père ou quelquefois bisa?eul. Avant de passer à table, on allume dans la cheminée l'énorme b?che de No?l (_cacho fio_) qui doit br?ler une moitié de la nuit.
Le plus jeune des enfants de la maison, muni d'un verre de vin, fait trois libations sur la b?che, tandis que l'a?eul prononce, en proven?al, les paroles solennelles de la bénédiction:
_Alegre! Diou nous alegre! Cacho-fio ven, tout ben ven. Diou nous fague la graci de veire l'an que ven, Se sian pas mai, siguen pas men!
Réjouissons-nous! Que Dieu nous donne la joie! Avec la No?l, nous arrivent tous les biens. Que Dieu nous fasse la grace de voir l'année qui va venir! Et si l'an prochain nous ne sommes pas plus, que nous ne soyons pas moins.
Tandis que la b?che flambe, on s'assied pour le plantureux repas. ?Le plus jeune enfant, avec une gentille gaucherie, bénit les mets, en dessinant de ses mains mignonnes, lentement dirigées par l'a?eul, un grand signe de croix au-dessus de la table. Il semble tout naturel de choisir ce petit être innocent comme le représentant du Christ nouveau-né[3]?.
[Note 3: Nicolay, _Hist. des croyances_, t. II, p. 78.]
Ce repas, comme c'est jour d'abstinence, n'est composé que de plats maigres, mais _servis à profusion_; poissons frais, poissons salés, légumes, figues sèches, raisins, amandes, noix, poires, oranges, chataignes, patisseries du pays. C'est donc avec raison qu'on donne à ce festin le nom _dou gros soupa._
Les enfants, qui ont obtenu, ce soir, la permission de tenir compagnie aux vieux parents, regardent toutes ces gourmandises avec des yeux émerveillés. Dans certaines familles, on met de la paille sous la table, en souvenir de la crèche où naquit le Sauveur. Quelquefois, par esprit de charité, on permet, ce jour-là, aux serviteurs de prendre leur repas à la table du ma?tre.
Le gros souper commence parfois tristement, et cela se con?oit: les convives se comptent et la mort cruelle fait que bien souvent il manque quelque parent à l'appel. On cause un moment des absents, on adresse un hommage ému à leur mémoire, on rappelle leurs qualités. Mais la grandeur de la fête, la joie des enfants, mettent bient?t fin à ces tristes souvenirs. Les conversations deviennent plus bruyantes, le vin circule, le nougat se dépèce et, quand l'appétit est satisfait, les regards se tournent vers la _Crèche_ qui représente le grand mystère du jour.
C'est devant la Crèche qu'après le gros souper, se continue la fête de famille. On chante avec entrain les vieux no?ls proven?aux souvent plusieurs fois séculaires: ceux de Saboly et ceux de Doumergue sont les plus populaires. La soirée de famille se prolonge ainsi toute la veillée. Alors tout le monde se rend à l'église pour assister à la Messe de minuit[4].
[Note 4: D'après Fred. Charpin et Fran?ois Mazuy.]
Pour les Proven?aux, la fête la plus traditionnelle, la plus régionale,
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