sont dites, les enfants vont se coucher, bercés par
l'espoir--souvent trompé--d'aller à la Messe de minuit. On roule dans le
foyer une grosse souche, et on attend minuit, en chantant les vieux
Noëls ou en racontant les histoires d'autrefois.
«Quand l'heure est venue, quand les habitants des villages arrivent de
tous côtés, avec leurs lanternes et leurs torches de paille, on se dirige
vers l'église pour goûter les émotions toujours nouvelles de cette
bienheureuse nuit[2].»
[Note 2: D'après la _Semaine de Clermont._]
On nous écrit des Salces (Lozère):
«Quelquefois la ménagère, la mère de famille, n'a pas pu assister à la
Messe de minuit. Elle a dû préparer le réveillon. Ce repas consiste
souvent, dans nos montagnes, en lait bouilli et chaud, saucisses fraîches
et autres productions de la ferme, sans exclure la rasade de vin
pétillant.»
La chandelle de Noël, conservée précieusement, est allumée au matin
du premier jour de l'an, quand les parents et les amis viennent, avant
l'aube, offrir leurs voeux empressés. C'est elle encore qui éclaire de ses
dernières lueurs les royautés éphémères du jour de l'Épiphanie.
Cette gracieuse coutume a été célébrée par un de nos meilleurs poètes:
LES CHANDELLES DE NOËL
Aujourd'hui que l'acétylène, Le gaz ou l'électricité Ont détrôné sans
nulle gêne L'antique et fumeuse clarté
De _la Chandelle,_ Peut-on vraiment Vous parler d'elle En ce moment?
Cependant elle vit encore Et se livre à de beaux exploits Quand, de
Minuit jusqu'à l'Aurore, Elle rayonne en maints endroits.
Venez plutôt dans la Lozère: Au début de tout Réveillon Une
Chandelle seule éclaire La familiale collation.
L'aïeule, d'une main tremblante, L'allume, se signe... et l'éteint; Puis,
enfants, serviteurs et servante De même font, d'un tour de main.
Précieusement conservée, Dame Chandelle, huit jours après, Avec sa
mèche ravivée Éclaire encor voeux et souhaits.
Et ce n'est qu'à l'Épiphanie, A ce joyeux banquet des Rois, Qu'à l'Étoile
portant envie, Elle brille... et meurt à la fois!
Comtesse O'MAHONY
En Provence, toute la famille se réunit à table pour le gros souper. Dès
sept heures du soir, les rues de la ville ou du village, sont désertes et,
par contre, toutes les maisons sont brillamment éclairées; on oublie
pour un jour l'économie du luminaire; la modeste lampe à l'huile (_lou
calèn_) est mise de côté et l'on place sur la table, d'une façon
symétrique, les belles chandelles cannelées, ornées de festons.
La place d'honneur appartient de droit au plus âgé, grand-père ou
quelquefois bisaïeul. Avant de passer à table, on allume dans la
cheminée l'énorme bûche de Noël (_cacho fio_) qui doit brûler une
moitié de la nuit.
Le plus jeune des enfants de la maison, muni d'un verre de vin, fait trois
libations sur la bûche, tandis que l'aïeul prononce, en provençal, les
paroles solennelles de la bénédiction:
_Alegre! Diou nous alegre! Cacho-fio ven, tout ben ven. Diou nous
fague la graci de veire l'an que ven, Se sian pas mai, siguen pas men!
Réjouissons-nous! Que Dieu nous donne la joie! Avec la Noël, nous
arrivent tous les biens. Que Dieu nous fasse la grâce de voir l'année qui
va venir! Et si l'an prochain nous ne sommes pas plus, que nous ne
soyons pas moins.
Tandis que la bûche flambe, on s'assied pour le plantureux repas. «Le
plus jeune enfant, avec une gentille gaucherie, bénit les mets, en
dessinant de ses mains mignonnes, lentement dirigées par l'aïeul, un
grand signe de croix au-dessus de la table. Il semble tout naturel de
choisir ce petit être innocent comme le représentant du Christ
nouveau-né[3]».
[Note 3: Nicolay, _Hist. des croyances_, t. II, p. 78.]
Ce repas, comme c'est jour d'abstinence, n'est composé que de plats
maigres, mais _servis à profusion_; poissons frais, poissons salés,
légumes, figues sèches, raisins, amandes, noix, poires, oranges,
châtaignes, pâtisseries du pays. C'est donc avec raison qu'on donne à ce
festin le nom _dou gros soupa._
Les enfants, qui ont obtenu, ce soir, la permission de tenir compagnie
aux vieux parents, regardent toutes ces gourmandises avec des yeux
émerveillés. Dans certaines familles, on met de la paille sous la table,
en souvenir de la crèche où naquit le Sauveur. Quelquefois, par esprit
de charité, on permet, ce jour-là, aux serviteurs de prendre leur repas à
la table du maître.
Le gros souper commence parfois tristement, et cela se conçoit: les
convives se comptent et la mort cruelle fait que bien souvent il manque
quelque parent à l'appel. On cause un moment des absents, on adresse
un hommage ému à leur mémoire, on rappelle leurs qualités. Mais la
grandeur de la fête, la joie des enfants, mettent bientôt fin à ces tristes
souvenirs. Les conversations deviennent plus bruyantes, le vin circule,
le nougat se dépèce et, quand l'appétit est satisfait, les regards se
tournent vers la _Crèche_ qui représente le grand mystère du jour.
C'est
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