C'��tait alors des piailleries de pie- gri��che, des giries de supplici��e qui finissaient par ameuter Mme Lydie.
Une fois on le pin?a en train de lire Paul et Virginie.
-- Un mauvais livre! ... Vous feriez mieux d'��tudier vos arithm��tiques! promulgua sa tutrice. Et M. Dobouziez ratifia l'appr��ciation de sa moiti�� en ajoutant que ce garnement pr��coce, trop grand liseur et bayeur aux chim��res, ne ferait jamais rien de bon, resterait toute sa vie un pauvre diable comme Jacques Paridael. Un bayeur aux chim��res! Quel m��pris le cousin coulait dans ce mot.
Les soirs d'hiver, Laurent se r��jouissait de regagner au plus t?t sa ch��re mansarde. En bas, dans la salle �� manger o�� on le retenait apr��s le d?ner, il se sentait importun et g��neur. Que ne l'envoyait-on coucher alors! S'il r��primait l'envie de s'��tirer, s'il baillait, s'il d��tachait les yeux de ses livres de classe avant que dix heures, l'heure sacramentelle, n'e?t sonn�� �� la pendule, la cousine Lydie roulait ses yeux ronds et Gina se rengorgeait, affectait d'��tre plus ��veill��e que jamais, raillait la torpeur du gamin.
M��me pendant la journ��e, apr��s l'une ou l'autre remontrance, Laurent courait se r��fugier sous les toits.
Priv�� de livres, il soulevait la fen��tre en tabati��re, montait sur une chaise et regardait s'��tendre la banlieue.
Les rouges et basses maisons faubouriennes s'agglutinaient en ?lots compacts. La ville grandissante, ayant crev�� sa ceinture de remparts, mena?ait et guignait les ravi��res d'alentour. Les rues ��taient d��j�� trac��es au cordeau �� travers les cultures. Les trottoirs bordaient des terrains exploit��s jusqu'�� la derni��re minute par le paysan expropri��. Du milieu des moissons ��mergeait au bout d'un piquet, comme un ��pouvantail �� moineaux, un ��criteau portant cette sentence: Terrain �� batir. Et, v��ritables ��claireurs, sentinelles avanc��es de cette arm��e de batisses urbaines, les estaminets prenaient les coins des voies nouvelles et toisaient, du haut de leurs fa?ades banales, �� plusieurs ��tages, neuves et d��j�� d'aspect sordide, les chaumes trapus et ramass��s semblant implorer la cl��mence des envahisseurs. Rien de crispant et de suggestif comme la rencontre de la cit�� et de la campagne. Elles se livraient de v��ritables combats d'avant-postes.
La mine pl��thorique, contrainte, sournoise de ce paysage offusqu�� par des talus de fortifications: des portes cr��nel��es, sombres comme des tunnels, ��cras��es sous des terre-pleins, des murailles perc��es de meurtri��res, des casernes dont les clairons plaintifs r��pondaient �� la cloche de l'usine.
Trois moulins �� vent, ��pars dans la plaine, tournaient �� pleine vol��e, jouissaient de leur reste en attendant de partager le sort d'un quatri��me moulin dont la ma?onnerie dominait piteusement le blocus auquel le soumettait un t��nement de bicoques ouvri��res, et �� qui ces assi��geants de mine parasite et d'allure canaille, quelque chose comme des oiseleurs ivres, avaient coup�� les ailes!
Laurent compatissait au pauvre moulin d��mantel��, sans toutefois parvenir �� d��tester la population des ruelles qui l'��treignait, tape-durs et vauriens d��termin��s, h��ros de faits divers sinistres, race obs��dante que la police n'osait pas toujours relancer dans ses repaires. ?Ces meuniers du moulin de pierre? comptaient parmi les plus renforc��s ruffians de l'��cume m��tropolitaine. Les r?deurs de quais et les requins d'eau douce, plus connus sous le nom de runners, sortaient presque tous de ces parages.
Mais, m��me en dehors de cette nich��e d'irr��guliers et de mauvais gar?ons que Laurent apprendrait �� conna?tre de plus pr��s, le reste de cette population moiti�� urbaine, moiti�� rurale, la gent laborieuse et traitable suffisait pour intriguer et pr��occuper le sp��culatif enfant. D'ailleurs, ces meuniers, tr��s mont��s de ton, d��teignaient fatalement sur leur voisinage; ils pimentaient, ent��rinaient de mouture populaci��re et poivr��e ces transfuges du village, valets de ferme tourn��s en gacheurs de platre et en d��bardeurs, ou r��ciproquement ces pseudo-campagnards, artisans devenus mara?chers, ouvri��res de fabrique converties en laiti��res. En grattant l'abatteur on retrouvait le vacher, le gar?on boucher avait ��t�� patre. ��tranges m��tis, farouches et fanatiques comme au village, cyniques et frondeurs comme �� la ville, �� la fois hargneux et expansifs, truculents et lascifs, religieux et politiques, croyants au fond, blasph��mateurs �� la surface, patauds et f?tes, patriotes exclusifs, communiers chauvins, leur caract��re hybride et mal d��fini, leur complexion muscl��e, charnue et sanguine, flattait peut-��tre d��s cette ��poque le barbare affin��, la brute vibrante et complexe que serait Paridael...
Longtemps ces affinit��s dormirent en lui, vagues, instinctives, �� l'��tat latent.
Debout sur sa chaise, devant la topique ��tendue de banlieue, il se saturait pour ainsi dire de nostalgie et ne s'arrachait �� sa morbide contemplation que sur le point d'��clater; et alors, tombant �� genoux, ou se roulant sur sa couchette, il ��jaculait en fontaines lacrymales tous ces navrements et ces rancoeurs accumul��es. Et le bruit guilleret des moulins, clair et d��tach�� comme le rire de Gina, et le grondement de l'usine, bougon et rogue comme une semonce de F��licit��, accompagnaient et stimulaient la chute lente et copieuse de ses pleurs, -- ti��des et ��nervantes averses
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