La mort de Brute et de Porcie | Page 7

Guyon Guérin de Bouscal
jours les biens de son Estat:?Et comme nos desirs, nos forces divisees,?Leur rendent contre nous les victoires aisees!?Ha! Brute desloyal, qu'avec peu de raison?Tu fondas le projet de cette trahison:?Tu devois dire au moins la cause de ta plainte,?La bonté de C?sar l'auroit bien-tost esteinte,?Et ton ressentiment eust esté satisfait,?Sans faire voir au jour un si semblable effet,?Tu pouvois disposer de toute sa puissance,?Il n'eust jamais pour toy que de la complaisance;?Mesme jusqu'à ce point, qu'apres mille forfaits?On te pouvoit nommer l'objet de ses biens-faits:?Et tu meurtris encor ce Prince debonnaire,?Qui t'appelant son fils, se monstroit plus que pere:?Et regarde couler ce beau sang sans effroy,?Alors que ton poignard en rougissoit pour toy.?O temps! ? meurs! ? Dieux peu reverés dans Rome!?O crisme d'un Démon bien pl?tost que d'un homme!?Les autres conjurez, ont-ils eu moins de tort??C?sar les a sauvez, il nous donnent la mort;?Semblables aux serpens qu'on voit en la Libye,?Qui tuent en naissant les autheurs de leur vie.?Ha lasches! si le Ciel a quelque soin de nous,?Vous s?aurez ce que peut sa haine & mon courroux.?Il n'a point fait de loy contre l'ingratitude,?Car la punition n'en peut estre assez rude:?Mais pourtant je feray par mes inventions?Un juste chastiment de cent punitions.?Jamais les Dieux n'ont veu vengeance plus entiere,?Ma fureur s'esteindra plus tard que la matiere;?Les Manes de C?sar en seront satisfaits,?Mais il est déja temps de passer aux effets.?Sus donc, braves Romains, chers enfans de Bellonne,?Si vous voulez gagner l'honneur d'une Couronne,?Secondez mon dessein, qui juste autant que beau,?Mesme apres nostre mort, nous sauve du tombeau.
I. CHEF.
Nous n'avons pas pl?tost resolu de vous suivre?Que de venger C?sar ou de cesser de vivre,?Ainsi ne craignez pas qu'on ne juge aujourd'huy?Qu'encore apres sa mort nous combatons pour luy.
II. CHEF.
Les effets feront voir aux despens de ma vie,?Que mon coeur à ce bras inspire mesme envie,?C?sar merite bien de voir venger ses coups,?Et qu'on meure pour luy, puis qu'il est mort pour nous.
III. CHEF.
Brave & vaillant C?sar, dont la mort avancée?Ne m'entretient jamais sans blesser ma pensée;?Tu connoistras bien-tost le dessein que j'ay fait,?D'affronter les dangers pour te voir satisfait.
MARC-ANTHOINE.
Mon coeur apres cela ne voit rien qu'il ne brave.
SCENE II.
MARC-ANTHOINE, le Medecin d'Octave.
MARC ANTHOINE.
Mais que voudroit de nous le Medecin d'Octave,?Son mal depuis hier seroit-il augmenté?
UN DE LA SUITE D'ANTHOINE.
Je viens de le quiter en meilleure santé.
LE MEDECIN.
Si quelque bon succez nourrit ton esperance,?Change la desormais en parfaite asseurance,?Je te viens anoncer de la part des Destins,?Que les Dieux sont pour nous, & contre ses mutins.?Pendant l'obscurité de la nuict precedente?Je resvoy dans mon lict sur la guerre presente,?Attendant doucement qu'un sommeil gracieux?M'eust ouvert le repos en me fermant les yeux,?Quand tout à coup l'esclat d'une grande lumiere?A brillé dans ma tante, & frapé ma paupiere,?Pour en depeindre icy les plus petits rayons,?Je n'ay dans mes discours que des foibles crayons;?Il suffit que les feus les plus beaux de la terre,?Les esclairs lumineux qui partent du Tonnerre,?Le Celeste flambeau qui donne la clarté,?Au pris de celle-la ne sont qu'obscurité;?Je n'ay pas pl?tost veu cette flamme impreveu?,?Que j'ai senty mourir l'usage de la veu?,?Ma langue s'est noüée, & tous mes sens perclus?Ont exprimé l'estat d'un homme qui n'est plus:?Mon esprit toutefois exempt de cette crainte?Au milieu des rayons, dont ma tante estoit peinte,?A veu la Majesté d'une troupe de Dieux,?Et conneu par ces mots, comme l'on parle aux Cieux,??Amis du grand C?sar vos victoires sont prestes,?Le Ciel est sur le point de couronner vos testes,?Et redonner la vie à l'Empire Romain,?Cependant leur Decrets qui n'ont rien que de grave?Pour destourner les maux qui menassent Octave,?Veulent qu'au Camp d'Anthoine on le porte demain.??La fin de ce discours a chassé ces lumieres,?Et remis dans mes sens leurs faussetez premieres,?Leur laissant toutefois quelque ravissement?Dans la reflexion de cét esvenement;?Re?oy donc cét advis, & que ton ame instruite?Donne une loy certaine à ta sage conduite.
MARC ANTHOINE.
Il est trop important pour estre à negliger,?Allons, le temps est court, il le faut mesnager.
SCENE III.
BRUTE, ses Soldats.
BRUTE.
En fin, braves Romains, voicy l'heure oportune?Qu'on doit voir la Vertu surmonter la Fortune,?Et qu'il faut tesmoigner & de coeur & de mains,?Qu'on nous donne à bon droict le tiltre de Romains;?Voicy le jour heureux que l'on doit voir bannie?Par la mort du Tyran l'infame tyrannie,?Et qu'un chacun de nous doit porter dans le sein?L'espoir de triompher en un si beau dessein:?Car si le seul effort de maintenir sa gloire?Fait mesme dans la mort rencontrer la victoire,?Nous devons aujourd'huy l'esperer beaucoup mieux,?Puis que nous combatons pour Rome & pour ses Dieux.?Quoy Rome endurera qu'un homme la maistrise??Elle à qui l'Univers a rendu sa franchise,?Et nous ces Citoyens qu'elle fit naistre Rois,?Suivrons un Empereur & de nouvelles lois??Mourons, mourons pl?tost que d'encourir ce blasme,?La mort n'a rien de dur que ce qu'elle a d'infame.?Un corps extenué, dont la pasle couleur?Represente à nos yeux l'image
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