je l'ai ��t�� presque moi-m��me. Une voiture fort l��g��re, dans laquelle j'��tais, disparut en deux minutes avec le cheval; par miracle, j'��chappai. Mais, moi-m��me �� pied, j'enfon?ais. �� chaque pas, je sentais un affreux clapotement, comme un appel de l'ab?me qui me demandait doucement, m'invitait et m'attirait, et me prenait par dessous. J'arrivai pourtant au roc, �� la gigantesque abbaye, clo?tre, forteresse et prison, d'une sublimit�� atroce, vraiment digne du paysage. Ce n'est pas ici le lieu de d��crire un tel monument. Sur un gros bloc de granit, il se dresse, monte et monte encore ind��finiment, comme une babel d'un titanique entassement, roc sur roc, si��cle sur si��cle, mais toujours cachot sur cachot. Au plus bas, l'in pace des moines; plus haut, la cage de fer qu'y fit Louis XI; plus haut, celle de Louis XIV; plus haut, la prison d'aujourd'hui. Tout cela dans un tourbillon, un vent, un trouble ��ternel. C'est le s��pulcre moins la paix.
Est-ce la faute de la mer si cette plage est perfide? point du tout. Elle arrive l��, comme ailleurs, bruyante et forte, mais loyale. La vraie faute est �� la terre, dont l'immobilit�� sournoise para?t toujours innocente, et qui en dessous filtre sous la plage les eaux des ruisseaux, un m��lange douceatre et blanchatre qui ?te toute solidit��. La faute est surtout �� l'homme, �� son ignorance, �� sa n��gligence. Dans les longs ages barbares, pendant qu'il r��ve �� la l��gende et fonde le grand p��lerinage de l'archange vainqueur du diable, le diable prit possession de cette plaine d��laiss��e. La mer en est fort innocente. Loin de faire mal, au contraire, elle apporte, cette furieuse, dans ses flots si mena?ants, un tr��sor de sel f��cond, meilleur que le limon du Nil, qui enrichit toute culture et fait la charmante beaut�� des anciens marais de Dol, de nos jours transform��s en jardins. C'est une m��re un peu violente, mais enfin, c'est une m��re. Riche en poissons, elle entasse sur Cancale qui est en face, et sur d'autres bancs encore, des millions, des milliards d'hu?tres, et de leurs coquilles bris��es elle donne cette riche vie qui se change en herbe, en fruits, et couvre les prairies de fleurs.
Il faut entrer dans la vraie intelligence de la mer, ne pas c��der aux id��es fausses que peut donner la terre voisine, ni aux illusions terribles qu'elle nous ferait elle-m��me par la simple grandeur de ses ph��nom��nes, par des fureurs apparentes qui souvent sont des bienfaits.
III
SUITE.--PLAGES, GR��VES ET FALAISES
Les plages, les gr��ves et les falaises montrent la mer par trois aspects et toujours utilement. Elles l'expliquent, la traduisent, la mettent en rapport avec nous, cette grande puissance, sauvage au premier aspect,--mais divine au fond, donc, amie.
* * *
L'avantage des falaises, c'est qu'au pied de ces hauts murs bien plus sensiblement qu'ailleurs on appr��cie la mar��e, la respiration, disons-le, le pouls de la mer. Insensible sur la M��diterran��e, il est marqu�� dans l'Oc��an. L'Oc��an respire comme moi, il concorde �� mon mouvement int��rieur, �� celui d'en haut. Il m'oblige de compter sans cesse avec lui, de supporter les jours, les heures, de regarder au ciel. Il me rappelle et �� moi et au monde.
Que je m'assoie aux falaises, �� celle d'Antifer, par exemple, je vois ce spectacle immense. La mer, qui semblait morte tout �� l'heure, a frissonn��. Elle fr��mit. Signe premier du grand mouvement. La mar��e a d��pass�� Cherbourg et Barfleur, tourn�� violemment la pointe du phare; ses eaux divis��es suivent le Calvados, s'exhaussent au Havre; voil�� qu'elles viennent �� moi, vers ��tretat, F��camp, Dieppe, pour s'enfoncer dans le canal, malgr�� les courants du Nord. �� moi de me mettre en garde, et d'observer bien son heure. Sa hauteur, presque indiff��rente aux dunes ou collines de sable qu'on peut remonter partout, ici, au pied des falaises, impose une grande attention. Ce long mur de trente lieues n'a pas beaucoup d'escaliers. Ses ��troites perc��es, qui font nos petits ports, s'ouvrent �� d'assez grandes distances.
D'autant plus curieusement, observe-t-on �� la mer basse les assises superpos��es o�� se lit l'histoire du globe, en gigantesques registres o�� les si��cles accumul��s offrent tout ouvert le livre du temps. Chaque ann��e en mange une page. C'est un monde en d��molition, que la mer mord toujours en bas, mais que les pluies, les gel��es, attaquent encore bien plus d'en haut, Le flot en dissout le calcaire, emporte, rapporte, roule incessamment le silex qu'il arrondit en galets.--Ce rude travail fait de cette c?te, si riche du c?t�� de la terre, un vrai d��sert maritime. Peu, tr��s-peu de plantes de mer ��chappent au broiement ��ternel du galet froiss��, refroiss��. Les mollusques et les coquilles en ont peur. Les poissons m��mes se tiennent �� distance. Grand contraste d'une campagne douce et tellement humanis��e et d'une mer si inhospitali��re.
On ne la voit gu��re que d'en haut. En bas la n��cessit��
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