du grand animal
ont leurs singularités dont nous ne pouvons encore bien, nous rendre
compte. Mais son mouvement vital qui fait les courants de la mer, qui
de l'eau salée fait l'eau douce, bientôt convertie en vapeur pour
retourner à l'eau salée, cet admirable mécanisme est aussi parfait que
celui de la circulation sanguine dans les animaux les plus élevés. Rien
qui ressemble davantage à la transformation constante de notre sang
veineux et artériel.
* * *
La face du globe paraît bien autrement compréhensible, si l'on en classe
les régions, non par chaînes de montagnes, mais par bassins maritimes.
L'Espagne du Sud ressemble au Maroc plus qu'à la Navarre, la
Provence à l'Algérie plus qu'au Dauphiné; la Sénégambie aux régions
de l'Amazone plus qu'à la mer Rouge, et l'Amazone a plus d'analogie
avec les régions humides de l'Afrique qu'avec ses voisins qui lui sont
adossés, le Chili et le Pérou, etc.
La symétrie de l'Atlantique est encore bien plus, frappante dans les
courants en dessous, dans les vents et brises en dessus. Leur action aide
puissamment à créer ces analogies et à former ce qu'on peut dire: la
fraternité des rivages.
Le principe d'unité géographique, l'élément classificateur sera de plus
en plus cherché dans le bassin maritime, où les eaux, les vents
messagers fidèles créent la relation, l'assimilation des bords opposés.
On demandera moins cette idée d'unité géographique aux montagnes,
dont les deux versants, souvent en contradiction, vous offrent sous
même latitude des flores et des populations absolument opposées, ici
l'invariable été, à deux pas l'éternel hiver selon les expositions. La
montagne donne rarement l'unité de la contrée, plus souvent sa dualité,
son divorce et ses discordances.
Cette vue de génie appartient à Bory de Saint-Vincent. Les découvertes
récentes de Maury et les lois qu'il a posées la confirment de mille
manières.
* * *
Dans l'immense vallée de la mer, sous la double montagne des deux
continents, il n'y a, à proprement parler, que deux bassins:
1º Le bassin de l'Atlantique;
2º Le grand bassin de la mer Indienne et Pacifique.
On ne peut appeler bassin la ceinture indéterminée de l'énorme océan
Austral, qui n'a ni borne, ni rivage, qui vers le nord seulement vient
envelopper la mer de l'Inde, la Mer de Corail et le Pacifique.
L'océan Austral, à lui seul, est plus grand que toutes les mers. Il couvre
presque la moitié de la surface du globe. Selon toute apparence, à
l'étendue répond la profondeur. Tandis que les sondages récents de
l'Atlantique indiquent 10 ou 12,000 pieds, dans l'océan Austral, Ross et
Denham ont trouvé 14,000, 27,000, et jusqu'à 46,000 pieds. Ajoutez-y
la masse des glaces antarctiques, infiniment plus vastes que nos glaces
boréales. On n'est pas loin du vrai, si l'on simplifie en disant:
L'hémisphère Austral est le monde des eaux, et le Boréal celui de la
terre.
* * *
Celui qui part d'Europe et veut traverser l'Atlantique, étant sorti
heureusement de nos ports, trop souvent fermés par le vent d'Ouest,
après avoir franchi la zone variable de nos changeantes mers, entre
bientôt dans le beau temps, la sérénité éternelle que les vents de N.-E.,
les doux vents alizés mettent sur la mer et dans le ciel. Tout sourit;
nulle inquiétude. Mais en avançant vers la Ligne; la brise vivifiante
cesse, l'air devient étouffant. On entre dans la zone des calmes qui
dominent sous l'équateur, et séparent immuablement les Alizés de notre
hémisphère boréal et les Alizés de l'hémisphère Sud. De lourds nuages
pèsent; de grandes pluies fondent à chaque instant. On s'attriste, on se
plaint, mais sans ce rideau sombre, de quelles flèches de feu le soleil
frapperait les têtes ébranlées sur le miroir de l'Atlantique! Sans les
déluges qui assaillent l'autre face du globe, la mer Indienne et la Mer de
corail, quelle serait leur fermentation aux cratères de leurs vieux
volcans! Cette masse noire de nuages, jadis la terreur, la barrière de la
navigation, cette nuit subite étendue sur les eaux, c'est précisément le
salut, la facilité protectrice qui nous adoucit le passage, et nous fait
bientôt retrouver au sud le beau soleil et le ciel pur, la douceur des
vents réguliers.
Tout naturellement la chaleur de la Ligne élève l'eau en vapeurs, et
forme cette bande sombre.
L'observateur qui, d'une autre planète, regarderait la nôtre, verrait
planer sur elle un anneau de nuages, à peu près comme on voit l'anneau
de Saturne. S'il en cherchait l'usage, on pourrait lui répondre: C'est le
régulateur qui, absorbant et rendant tour à tour, équilibre l'évaporation,
la précipitation des eaux, distribue les pluies, les rosées, modifie la
chaleur de chaque contrée, échange les vapeurs des deux mondes,
emprunte au monde Austral de quoi faire les rivières, les fleuves de
notre monde Boréal. Solidarité merveilleuse. L'Amérique du sud, dans
ses grandes forêts, de leur respiration, condensée en nuages,
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