été mis sur le navire à vue, qui, s'apercevant de son c?té qu'un grand batiment se dirige sur lui, en faisant blanchir la mer sur son avant, a mis dehors toutes ses voiles pour fuir selon l'allure la plus favorable à sa marche. Pendant la première heure de chasse, le jour s'est fait: des aspirants, avec une longue vue en bandoulière, se sont perchés sur la partie la plus élevée de la mature, et de temps en temps ils en descendent pour informer le commandant de la manoeuvre du batiment chassé. Les yeux tant?t fixés sur la boussole, au moyen de laquelle on relève les positions respectives des deux navires, et tant?t placés sur le tube de sa longue-vue, le commandant s'aper?oit qu'il ne tardera pas à être à portée de canon du navire chassé, qui, malgré la force de la brise, continue à tenir hautes toutes les voiles qu'il a pu livrer au vent. Le branle-bas de combat est ordonné à bord de la frégate: chacun se rend à son poste. On allume les mèches, le tambour résonne; le sifflet per?ant du ma?tre d'équipage se mêle au bruit du tambour et du porte-voix de l'officier de manoeuvre. Les chirurgiens ont disposé le triste appareil de leurs instruments, et les cadres pour recevoir les blessés sont déjà tendus dans le faux-pont. Le batiment chassé, qui voit les préparatifs que fait la frégate, emploie enfin les derniers moyens qui lui restent pour échapper à cette redoutable poursuite. Il jette à l'eau ses embarcations, sa dr?me, une partie de ses canons, et tous les fardeaux qu'il peut tirer le plus promptement de sa cargaison. A chacun des objets qui viennent passer en flottant le long de la frégate, l'équipage de celle-ci jette un cri de joie. _Il est à nous_, s'écrie-t-on: _C'est un vaisseau de Compagnie! à l'abordage! à l'abordage_! Deux canons placés sur l'avant vont partir: ils tonnent. Le pavillon est hissé en même temps, et les boulets dépassent le batiment ennemi. Les houras partent alors de tous les points du navire. Déjà les canonniers de la batterie de dessous le vent, l'oeil sur la culasse de leurs pièces, suivent, en pointant, le mouvement de la lame et du batiment qu'ils visent. Attention au commandement! fait entendre le capitaine dans le vaste porte-voix qui communique à la batterie: Feu babord! A ce mot la volée entière part avec fracas, et la mitraille crible de toutes parts les voiles, la mature et le corps du vaisseau ennemi. _A l'abordage! à l'abordage!_ répète l'équipage: les sabres se distribuent aussit?t; les haches, les pistolets et les piques passent dans les mains des premières escouades, palpitantes d'impatience. Les grappins avec leurs cha?nes se balancent au bout des vergues, et menacent de tomber dans le gréement de l'ennemi. Mais celui-ci, voyant la frégate à bout portant, et son équipage groupé sur l'avant pour sauter à son bord, envoie une bordée à mitraille qui crible le pont de son adversaire, et abat des files entières de matelots. Après ce succès inutile, contraint de se rendre à une force contre laquelle il lutterait en vain, il amène son pavillon, et évite ainsi le carnage que lui ferait redouter le terrible abordage d'une frégate fran?aise.
IV.
Le Grain blanc.
C'est aux approches de l'équateur que les grains blancs assaillent le plus ordinairement les navires, dans les moments où l'on est quelquefois le moins disposé à recevoir ces rafales perfides qui peuvent devenir funestes aux batiments d'une petite capacité.
Lorsque, favorisé par ce souffle léger que les marins, aux environs de la ligne, semblent vouloir recueillir avec avidité presque dans leurs plus petites voiles, le navire a tout mis dehors, le calme plat vient parfois succéder à la brise inconstante qui va mourir au loin en effleurant à peine une mer sans mouvement. Rarement, dans ces instants d'oisiveté, la surveillance se trouve sollicitée par la prévoyance de quelque danger ou de quelque événement extraordinaire. Les voiles battent sur les mats à chacun des coups de roulis que le navire éprouve encore, et ce bruit monotone et périodique, joint au craquement de la mature qui s'incline avec le batiment sur chacun des bords, inspire, à tous les hommes de l'équipage, une fatigue, une langueur qui achèvent de les livrer au sommeil, dans des parages où la chaleur est déjà si accablante. Si, pendant ces heures de calme et d'ennui, un petit nuage vient à se détacher de l'horizon, et à parcourir avec vitesse l'azur d'un ciel inanimé, et que pour comble de malheur personne ne l'ait aper?u à bord, bient?t la bonté du navire et de la mature sera mise à une rude épreuve; car ce nuage qui accourt, et que personne ne voit, est un grain blanc! Rien n'annonce son approche. La mer continue à être unie. Le soleil sous lequel le nuage a
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