heurtant sur la carcasse du navire qui a d��j�� disparu sous les vagues. Le batiment abordeur surnage encore cependant sans mature: il est jet�� au large; on saute aux pompes, que tous les efforts des deux ��quipages ne peuvent franchir; et c'est dans cette position, plus cruelle peut-��tre cent fois qu'une mort prompte, qu'il faut attendre le jour. Heureux encore si, en apercevant ses premiers rayons, les mis��rables marins ne sont pas r��duits �� disputer leur vie �� la temp��te, en s'abandonnant aux flots dans une fr��le chaloupe, o�� ils ne r��ussissent trop souvent qu'�� prolonger leurs angoisses et leur agonie.
VI.
Les Brisants.
Les moments o�� l'on se sent le plus fier d'��tre marin sont ceux o�� le danger vient donner �� l'aspect et �� la discipline d'un batiment de guerre tout ce que l'appareil de la manoeuvre peut avoir d'imposant et tout ce que l'art nautique peut offrir de ressources. Une nuit, et cette nuit-l��, je me la rappellerai toujours, un navire de guerre, sur lequel je faisais ma premi��re campagne, se trouva engag�� d'un temps fort mauvais entre des rochers que l'on rencontre dans les d��bouquements. La position ��tait d'autant plus critique que le vent ��tait assez fort pour nous emp��cher de manoeuvrer avec facilit��, et que l'obscurit�� nous permettait �� peine de distinguer les r��cifs �� vingt pieds du batiment. Le commandant, mont�� sur la dunette, donnait �� l'officier de manoeuvre des ordres que celui-ci r��p��tait dans un porte-voix dont le son male retentissait dans le silence de la sc��ne la plus terrible qu'on puisse imaginer. Les lames, port��es en mugissant sur les flancs du navire, allaient se rouler ensuite sur les brisants, dont la foudre nous laissait apercevoir par intervalles les bords blanchis par l'��cume des flots. Tout l'��quipage, rang�� sur le pont, attendait avec calme et dans le plus grand silence le commandement de l'officier. Les sifflets des ma?tres venaient seuls se joindre de temps en temps au murmure du vent, qui semblait nous menacer de la mort, en hurlant dans nos cordages et dans les ralingues de nos voiles. Aussit?t un coup de tonnerre, dont tout est ��branl��, couvre le navire de soufre et de bitume; le vent saute avec violence, masque et enl��ve les voiles du vaisseau, qu'il d��chire violemment sur leurs vergues. Une gr��le ��pouvantable aveugle les timonniers, et ne permet plus �� personne de jeter les yeux au-del�� du bord. C'est dans cette position qu'il fallut attendre que ce grain, qui pouvait briser le vaisseau sur les rochers qui l'environnaient, f?t pass��. Aussit?t qu'il fut ��loign��, la voix de l'officier cria de hisser le petit foc, et de tenir la barre au vent. Le batiment arrive, il prend de l'aire; l'obscurit��, que le nuage charg�� de gr��le et de foudre favorisait, diminue un peu. Une ��claircie laisse apercevoir �� tout l'��quipage les brisants que le vaisseau range �� _l'honneur_ avec une vitesse effroyable. L'��cume de la lame qui d��ferle sur cet ��cueil tombe �� bord: tout le monde en est couvert; mais personne ne jette un cri, ne prof��re un mot dans cet instant de mort. Le porte-voix seul du lieutenant de quart fait entendre: _Attention �� gouverner_! et le vaisseau, passant avec la vitesse de la foudre dans les vagues furieuses qu'il divise, fuit avec la temp��te qui mena?ait de l'engloutir.
VII.
Incendie en Mer.
Comme il cingle avec grace et avec vitesse, ce navire si bien espalm�� qui vient de quitter le port et qui d��j�� sillonne la haute mer, cette mer sans fond et sans rivage! Quel calme r��gne �� bord et quelle confiance se peint sur les figures de ces marins et de ces passagers! Sous les larges tentes qui couvrent si ��l��gamment ces gaillards si propres que br?lerait un soleil ardent, voyez la nonchalance des h?tes du batiment dont la proue avide est tourn��e vers l'Europe. Quelques matelots, perch��s dans les haubans, fredonnent un chant monotone en r��parant les enfl��chures. Aupr��s des jeunes passag��res assises sur des nattes africaines languissent leurs ��l��gants compagnons de voyage, qui causent avec myst��re, comme s'ils parlaient d'amour. De riches marchands, qui vingt fois ont parcouru ces mers, que les marins ont vues peut-��tre moins souvent qu'eux, s'entretiennent de leurs projets de fortune, de leurs r��ves d'or. Pr��s d'eux le capitaine, chef temporaire de cette famille nomade, se prom��ne grave et fier, jetant �� chaque tourn��e, sur le compas, des yeux vifs et p��n��trants, qu'il reporte sur le _penneau_[1] que raidit le vent ou sur la voilure qu'enfle la brise fr��missante.
[Note 1: Penneau, plumasseau abandonn�� au vent pour faire conna?tre de quel c?t�� vient la brise qui le soul��ve.]
Comment concevoir, quand le temps est si beau, que le navire est si bon, qu'un ��v��nement inattendu puisse venir troubler, d'une mani��re terrible, cette sc��ne paisible, cette s��curit�� parfaite, cette harmonie d��licieuse! Quand le ciel semble sourire aux
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