dernier rayon du soleil couchant, et aborde avec lui sur les c?tes de l'autre h��misph��re; la vue de la temp��te elle-m��me ne peut l'arracher au spectacle des flots. Les dangers qu'il a courus sont affaiblis par le souvenir; l'��motion puissante qu'il ��prouvait apr��s les avoir affront��s est encore toute vive dans son ame; et ces regrets si vifs, cette m��lancolie r��veuse attestent toujours qu'apr��s avoir v��cu d'une vie de son choix, il ne fait plus d��sormais que tra?ner des jours inutiles sur un ��l��ment qui n'est pas le sien.
Ce tableau fid��le des sensations dans la vie maritime, trac�� par un des compatriotes de M. Corbi��re (Ed. RICHER), trouvait ici naturellement sa place, et devait servir d'introduction �� cet ouvrage. Il resterait �� traiter une double question d��j�� longuement d��battue, et qu'une nouvelle pol��mique ne ferait peut-��tre qu'embrouiller, c'est celle-ci:
Existe-t-il une litt��rature maritime?
Quel est chez nous le cr��ateur de cette litt��rature?
Il est incontestable que le premier qui ��crivit la relation d'un naufrage, d'une temp��te, d'un accident de mer, fit de la litt��rature maritime, si litt��rature maritime il y a, et le premier qui fit cela est d��j�� bien loin de nous. Ainsi cr��a la _litt��rature militaire_, le premier qui d��crivit une bataille, une retraite, un campement, un assaut. Or, voyez combien nous aurons de sortes de litt��rature, si nous accolons ce nom �� chacun des diff��rents sujets sur lesquels peut s'exercer la plume et l'esprit d'un litt��rateur? Nous croyons, nous, que la litt��rature est une, et qu'elle encha?ne dans son cadre immense toutes les cr��ations de la pens��e humaine.
Quant aux _sc��nes_ proprement dites de la vie maritime, nous avons la conviction, et ce livre est la preuve, que M. Ed. Corbi��re est le premier, en France, qui leur ait donn�� v��ritablement la forme dramatique, et nous allons citer un fait: En 1829, il fut cr���� au Havre un journal sp��cialement consacr�� aux grandes catastrophes dont la mer est le th��atre. M. Corbi��re s'y essaya dans ce genre difficile: litt��rateur, observateur et marin, il avait �� offrir aux fondateurs de ce recueil un triple gage de succ��s, et ce succ��s fut complet. Le Navigateur lui doit ses cinq ann��es d'existence. Il se trouva des imitateurs qui revendiqu��rent hautement la priorit��, on les laissa dire; il e?t ��t�� trop facile de leur prouver qu'ils n'avaient point _ouvert la carri��re_. Mais l'occasion se pr��sente trop belle de les convaincre d'assertions erron��es, pour que nous la laissions ��chapper. Or, ce livre, qui a pour titre la Mer et les Marins, contient en partie les premiers essais de M. Corbi��re; c'est un fait que la justice d'abord et la reconnaissance nous fait un devoir de proclamer.
J. MORLENT,
Directeur du Navigateur.
PREMI��RE PARTIE.
Tableaux Nautiques.
I.
Le coup de Mer
Lorsque le vent s'est ��lev�� avec trop de violence et que la mer a grossi de mani��re �� emp��cher le navire de continuer sa route au milieu des lames dont le choc pourrait l'endommager, on met _�� la cape_, sous une voile que l'on pr��sente obliquement au vent. Dans cette position, le batiment, conservant tr��s-peu de vitesse, d��rive en c��dant plut?t �� l'impression de chaque vague, qu'en y r��sistant. Son avant, s'offrant �� chaque coup de tangage �� la lame qui d��ferle, re?oit quelquefois des chocs tr��s-forts; mais le navire culant alors dans le sens de la force de la lame, ��vite au moins le danger qu'il y aurait �� la rencontrer avec une vitesse oppos��e �� sa direction. Une fois �� la cape, l'��quipage n'a plus rien �� faire, et pendant tout le temps que dure la temp��te, il faut attendre, dans cette position passive, que le mauvais temps s'apaise et permette de manoeuvrer. C'est pendant ces longues heures de coup de vent et de dangers, que l'on peut remarquer plus particuli��rement cette heureuse indiff��rence que l'habitude du p��ril donne aux matelots. Assis �� l'abri des pavois ou de la chaloupe, pendant qu'une mer furieuse mugit autour d'eux et menace quelquefois d'engloutir le navire, on les voit se r��unir et s'approcher le plus possible les uns des autres, pour raconter de ces contes dont la tradition perp��tue le souvenir parmi les marins. Souvent ils chantent ensemble, d'une voix rauque, ces complaintes monotones comme le bruit des vagues qui les environnent, et m��lancoliques comme la plupart des airs qu'aiment les gens de mer. C'est en vain que le vent gronde sur leurs t��tes et siffle dans les cordages, que des torrents de pluie les inondent, et que la mort menace de les enlever: ils chantent comme l'ouvrier le plus paisible, au fond d'une boutique ou d'un atelier. Mais souvent leurs narrations ou leurs chants sont interrompus de la mani��re la plus terrible. Quand le navire, fatigu�� par la lutte qu'il livre �� la temp��te, craque dans toutes les parties; que la mature, dans les mouvements effroyables du roulis, plie et menace de tout
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