réjouiront. Ils accourront baiser ta bouche. Ainsi, mets donc des voiles à tes flottes, attèle des chevaux à ton char d'ébène, et en route pour le Nil. Ou, si tu t'es lassée de divinités mortes, suis la trace de quelque lion errant à travers la plaine couleur de cuivre, atteins-le, empoigne-le par la crinière, invite-le à te servir d'amant. Couche-toi près de son flanc sur le gazon, et plante tes dents blanches dans sa gorge. Et quand tu entendras le bruit de son agonie, fouette tes longs flancs d'airain poli, et prends pour compagnon un tigre, dont les flancs couleur d'ambre ont des taches noires, et enfourche sa croupe dorée, et franchis en triomphe la porte de Thèbes, et roule-toi avec lui dans les jeux de l'amour, et quand il se détourne, et qu'il gronde et qu'il montre les dents, alors frappe-le mortellement de tes griffes de jaspe, ou brise-le en le serrant contre tes seins d'agate.
Pourquoi tarder? Va-t'en d'ici, je suis las de tes airs de langueur, las de ton regard toujours fixe, de ta somnolente magnificence. Ton haleine horrible, et lourde, fait vaciller la lumière de la lampe, et sur mon front je sens la moiteur, et les terribles rosées de la nuit et de la mort. Tes yeux sont comme des lunes fantastiques qui frissonnent en quelque lac stagnant. Ta langue est comme un serpent écarlate qui danse à des airs fantastiques. Ton pouls bat des mélodies empoisonnées et ta gueule noire est comme le trou laissé par une torche ou par des charbons ardents sur des tapis sarrasins.
Va-t'en. Les étoiles aux nuances de soufre s'enfuient en hate par la porte de l'occident. Va-t'en, ou peut-être il sera trop tard pour monter dans leurs silencieux chars d'argent! Vois, l'aurore frissonne autour des clochers gris qui portent un cadran doré, et la pluie ruisselle sur chacune des vitres taillées en diamant, et ses larmes rendent trouble le jour déjà terne. Quelle furie aux cheveux de serpents, récemment sortie de l'enfer, avec des gestes de laideur et d'impureté, a pu s'enfuir loin de la reine qu'endorment les pavots, et l'introduire dans la cellule d'un étudiant?
Quel criminel fant?me, aussi dépourvu de chant que de voix, s'est glissé à travers les rideaux de la nuit, en voyant ma bougie br?ler avec éclat, a frappé, et vous a invitée à entrer? N'en est-il pas d'autres plus maudits, et d'une lèpre plus blanche que la mienne. Abana et Pharphar sont-ils desséchés, que tu sois venue jusqu'ici pour étancher ta soif.
Sphinge trompeuse! Sphinge trompeuse, près des roseaux du Styx, le vieux Charon, appuyé sur sa rame, attend mon obole. Pars la première, et laisse-moi à mon crucifix, dont le pale Accablé de douleur, promène sur le monde son regard las, et pleure sur toute ame qui meurt, et pleure sur toute ame vainement.
=CAMMA=
Ainsi qu'un homme, penché sur une urne grecque, étudia les belles formes qu'y a tracées une main attique, Dieu et déesse svelte, homme vigoureux et jeune fille, ainsi que leur beauté lui ?te tout désir de se retourner et de regarder en face la clarté du jour. De même ne dois-je pas aspirer vers plus d'une lune mystérieuse d'indolente volupté, lorsque dans le plus intime secret du sanctuaire d'Artémis, je te vois debout, sous tes formes antiques, et dans ta sévérité.
Et pourtant,--il me semble,--j'aimerais mieux te voir, jouer le r?le de ce serpent du vieux Nil, dont l'enchantement donnait l'ivresse à des Empereurs. Viens, grande égypte, ébranle notre scène de tes défilés symboliques! Ah! je suis enfin écoeuré de passions sans réalité. Fais du monde ton Actium, et de moi ton Antoine.
=IMPRESSION=
LE RéVEILLON
Le ciel est brodé de rougeur capricieuse; les brouillards tournoient et des ombres fuient. L'aube monte de la mer, comme une blanche dame sort du lit.
Et des flèches dentelées de bronze passent à travers le duvet de la nuit, et une longue vague de lumière jaune s'étale silencieusement sur les tours, les palais.
Et, s'élargissant avec ampleur sur la dune, éveille et fait s'envoler un oiseau battant des ailes. Et toutes les cimes des noyers se mettent en mouvement, et toutes les branches se rayent de bandes d'or.
=à VéRONE=
--Qu'ils sont raides à gravir, les escaliers des maisons des rois pour les pieds fatigués des exilés comme moi! Et qu'il est salé, amer, le pain qui tombe de la table de ce chien! Bien mieux m'e?t valu mourir sur les routes ensanglantées de la guerre, ou que ma tête f?t suspendue sur la porte de Florence, plut?t que vivre ainsi, dans la familiarité de tous les êtres qui cherchent à salir l'essence de mon ame.
Maudis Dieu et meurs! Quel espoir est préférable à celui-ci? Il l'a oublié parmi les plaisirs de sa cité d'or et de son jour éternel. Ah! Silence! derrière les barreaux qui obscurcissent ma prison, je possède ce que
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