temps, avec politesse, les parents �� leur place. Tout temple est sacr��. Comme je dois lui para?tre indiscr��te et lourde, �� ma Bel-Gazou d'�� pr��sent! Ma question tombe comme un caillou et f��le le miroir magique qui refl��te, entour��e de ses fant?mes favoris, une image d'enfant que je ne conna?trai jamais. Je sais que pour son p��re, ma fille est une sorte de petit paladin femelle qui r��gne sur sa terre, brandit une lance de noisetier, pourfend les meubles de paille et pousse devant elle le troupeau comme si elle le menait en croisade. Je sais qu'un sourire d'elle l'enchante, et que lorsqu'il dit tout bas: ?Elle est ravissante en ce moment?, c'est que ce moment-l�� pose, sur un tendre visage de petite fille, le double saisissant d'un visage d'homme...
Je sais que pour sa nurse fid��le, ma Bel-Gazou est tour �� tour le centre du monde, un chef-d'oeuvre accompli, le monstre poss��d�� d'o�� il faut �� chaque heure extirper le d��mon, une championne �� la course, un vertigineux ab?me de perversit��, une dear little one, et un petit lapin... Mais qui me dira ce qu'est ma fille devant elle-m��me?
�� son age -- pas tout �� fait huit ans -- j'��tais cur�� sur un mur. Le mur, ��pais et haut, qui s��parait le jardin de la basse-cour, et dont le fa?te, large comme un trottoir, dall�� �� plat, me servait de piste et de terrasse, inaccessible au commun des mortels. Eh oui, cur�� sur un mur. Qu'y a-t-il d'incroyable? J'��tais cur�� sans obligation liturgique ni pr��che, sans travestissement irr��v��rencieux, mais, �� l'insu de tous cur��s. Cur�� comme vous ��tes chauve, monsieur, ou vous, madame, arthritique.
Le mot ?presbyt��re? venait de tomber, cette ann��e-l��, dans mon oreille sensible, et d'y faire des ravages.
?C'est certainement le presbyt��re le plus gai que je connaisse...? avait dit quelqu'un.
Loin de moi l'id��e de demander �� l'un de mes parents: ?Qu'est-ce que c'est, un presbyt��re?? J'avais recueilli en moi le mot myst��rieux, comme brod�� d'un relief r��che en son commencement, achev�� en une longue et r��veuse syllabe... Enrichie d'un secret et d'un doute, je dormais avec le mot et je l'emportais sur mon mur. ?Presbyt��re!? Je le jetais, par-dessus le toit du poulailler et le jardin de Miton, vers l'horizon toujours brumeux de Moutiers. Du haut de mon mur, le mot sonnait en anath��me: ?Allez! vous ��tes tous des presbyt��res!? criais-je �� des bannis invisibles.
Un peu plus tard, le mot perdit de son venin, et je m'avisai que ?presbyt��re? pouvait bien ��tre le nom scientifique du petit escargot ray�� jaune et noir... Une imprudence perdit tout, pendant une de ces minutes o�� une enfant, si grave, si chim��rique qu'elle soit, ressemble passag��rement �� l'id��e que s'en font les grandes personnes...
-- Maman! regarde le joli petit presbyt��re que j'ai trouv��!
-- Le joli petit... quoi?
-- Le joli petit presb...
Je me tus, trop tard. Il me fallut apprendre -- ?Je me demande si cette enfant a tout son bon sens...? -- ce que je tenais tant �� ignorer, et appeler ?les choses par leur nom...?
-- Un presbyt��re, voyons, c'est la maison du cur��.
-- La maison du cur��... Alors, M. le cur�� Millot habite dans un presbyt��re?
-- Naturellement... Ferme ta bouche, respire par le nez... Naturellement, voyons...
J'essayai encore de r��agir... Je luttai contre l'effraction, je serrai contre moi les lambeaux de mon extravagance, je voulus obliger M. Millot �� habiter, le temps qu'il me plairait, dans la coquille vide du petit escargot nomm�� ?presbyt��re? ...
-- Veux-tu prendre l'habitude de fermer la bouche quand tu ne parles pas? �� quoi penses-tu?
-- �� rien, maman...
... Et puis je c��dai. Je fus lache, et je composai avec ma d��ception. Rejetant les d��bris du petit escargot ��cras��, je ramassai le beau mot, je remontai jusqu'�� mon ��troite terrasse ombrag��e de vieux lilas, d��cor��e de cailloux polis et de verroteries comme le nid d'une pie voleuse, je la baptisai ?Presbyt��re?, et je me fis cur�� sur le mur.
MA M��RE ET LES LIVRES
La lampe, par l'ouverture sup��rieure de l'abat-jour, ��clairait une paroi cannel��e de dos de livres, reli��s. Le mur oppos�� ��tait jaune, du jaune sale des dos de livres broch��s, lus, relus, haillonneux. Quelques ?traduits de l'anglais? -- un franc vingt- cinq -- rehaussaient de rouge le rayon du bas.
�� mi-hauteur, Musset, Voltaire, et les Quatre ��vangiles brillaient sous la basane feuille-morte. Littr��, Larousse et Becquerel bombaient des dos de tortues noires. D'Orbigny, d��chiquet�� par le culte irr��v��rencieux de quatre enfants, effeuillait ses pages blasonn��es de dahlias, de perroquets, de m��duses �� chevelures roses et d'ornithorynques.
Camille Flammarion, bleu, ��toil�� d'or, contenait les plan��tes jaunes, les crat��res froids et crayeux de la lune, Saturne qui roule, perle iris��e, libre dans son anneau...
Deux solides volets couleur de gl��be reliaient ��lis��e Reclus. Musset, Voltaire, jasp��s, Balzac noir et Shakespeare olive...
Je n'ai qu'�� fermer les yeux pour revoir, apr��s tant d'ann��es,
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