La guerre et la paix, Tome II | Page 5

Leo Nikoleyevich Tolstoy
personnelles!... Il est charg�� d'examiner mon m��moire et lui seul peut le lancer,? se disait le prince Andr��.
�� l'��poque o�� il remplissait ses fonctions d'aide de camp, il avait assist�� aux audiences donn��es par diff��rents personnages haut plac��s, et il avait remarqu�� que chacune avait son caract��re particulier. Ici, elle en avait un compl��tement exceptionnel. Sur toutes les figures de ceux qui attendaient leur tour, on lisait indistinctement un sentiment g��n��ral d'embarras, auquel se m��lait un air de soumission de commande. Ceux qui ��taient les plus ��lev��s en grade dissimulaient, sous des mani��res d��gag��es, et en plaisantant sur eux-m��mes et sur le ministre, le malaise qu'ils ��prouvaient. D'autres restaient soucieux, d'autres riaient en chuchotant, et en r��p��tant tout bas le sobriquet de ?Sila[1] Andr��?��vitch?, que l'on avait donn�� au ministre. Un g��n��ral, visiblement offens�� d'attendre aussi longtemps, regardait autour de lui, en se croisant n��gligemment les jambes, et en souriant avec d��dain.
Mais d��s que la porte s'ouvrit, tous les visages prirent la m��me expression, celle de la crainte. Le prince Andr�� avait demand�� �� l'officier de service de l'annoncer: celui-ci lui r��pondit ironiquement que son tour viendrait. Un militaire dont l'air effar�� et malheureux avait frapp�� le prince Andr�� entra dans le cabinet du ministre, apr��s que quelques personnes qui y avaient ��t�� introduites en furent sorties reconduites par l'aide de camp. Son audience fut longue: on entendit les ��clats violents d'une voix d��sagr��able, et l'officier, pale, les l��vres tremblantes, en sortit et traversa le salon, la t��te dans ses mains.
Ce fut le tour du prince Andr��.
?�� droite vers la fen��tre,? lui murmura-t-on �� l'oreille.
Il entra dans un cabinet proprement tenu, mais sans luxe, et il vit devant lui un homme de quarante ans environ, dont le buste trop long supportait une t��te d'une longueur ��galement disproportionn��e. Ses cheveux ��taient coup��s court, ses rides fortement accus��es, et ses sourcils ��pais se fron?aient au-dessus de deux yeux ��teints d'un vert glauque, et d'un nez rouge qui retombait sur sa bouche. Ce personnage tourna la t��te de son c?t��, mais sans le regarder:
?Que demandez-vous?
--Je ne demande rien, Excellence,? dit tranquillement le prince Andr��.
Les yeux d'Araktch��?ew se lev��rent:
?Asseyez-vous, vous ��tes le prince Bolkonsky?
--Je ne demande rien, mais Sa Majest�� l'Empereur a daign�� envoyer mon m��moire �� Votre Excellence.
--Je vous ferai observer, mon tr��s cher, que j'ai lu votre m��moire, dit Araktch��?ew en l'interrompant, et ne pronon?ant avec politesse que les deux premiers mots, pour reprendre imm��diatement apr��s son ton m��prisant et grondeur. Vous proposez de nouvelles lois militaires? Il y en a beaucoup d'anciennes, et personne ne les ex��cute.... Aujourd'hui on ne fait qu'en ��crire, c'est plus facile.
--C'est d'apr��s la volont�� de Sa Majest�� l'Empereur que je suis venu demander �� Votre Excellence ce qu'elle compte faire de mon m��moire.
--Je l'ai envoy�� au comit��, en y ajoutant mon opinion... je ne l'approuve pas, poursuivit-il en se levant; et, prenant un papier sur la table, il le remit au prince Andr��:--Voil��!?
En travers de la feuille ��tait ��crit au crayon, sans orthographe, et sans ponctuation aucune: ?Pas de base logique, copi�� sur le code militaire fran?ais, diff��re sans motif du r��glement militaire!?
?Dans quel comit�� va-t-il ��tre examin��?
--Dans le comit�� charg�� de la r��vision du code militaire, et j'ai pr��sent�� Votre Noblesse pour y ��tre inscrite comme membre, mais sans appointements.?
Le prince Andr�� sourit:
?Je n'aurais pas accept�� autrement.
--Membre sans appointements, vous entendez bien... j'ai l'honneur.... Eh! qu'y a-t-il l��-bas encore?? cria-t-il en le cong��diant.
V
En attendant la nouvelle officielle de sa nomination comme membre du comit��, le prince Andr�� renouvela connaissance avec les personnes au pouvoir qui pouvaient lui ��tre utiles. Une curiosit�� inqui��te et irr��sistible, analogue �� celle qui s'emparait de lui la veille d'une bataille, l'entra?nait vers les sph��res ��lev��es, o�� se combinaient les mesures qui devaient avoir une si grande influence sur le sort de millions d'��tres; il devinait, �� l'irritation des vieux, aux efforts de ceux qui br?laient du d��sir de savoir ce qui se passait, �� la r��serve des initi��s, �� l'agitation soucieuse de tous, au nombre infini de comit��s et de commissions, qu'il se pr��parait �� P��tersbourg, dans cette ann��e 1809, une formidable bataille civile, dont le g��n��ral en chef ��tait Sp��ransky, lequel avait pour lui tout l'attrait de l'inconnu et du g��nie.
La r��forme, dont il n'avait qu'une vague id��e, et le grand r��formateur lui-m��me le pr��occupaient si vivement, que la destin��e de son m��moire n'eut plus pour lui qu'un int��r��t secondaire.
Sa position personnelle lui ouvrit les cercles les plus diff��rents et les plus ��lev��s de la soci��t��. Le parti des r��organisateurs l'accueillit avec sympathie, d'abord �� cause de sa r��putation de haute intelligence et de grand savoir, et ensuite du renom de lib��ral que lui avait valu l'��mancipation de ses paysans. Le parti des m��contents, oppos�� aux r��formes, crut trouver en lui un renfort; on supposa qu'il partageait les id��es
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