par leur teinte sombre et uniforme. Les chevaux s'��brou��rent: l'air ��tait si doux qu'ils ��taient couverts de sueur.
Pierre, le domestique, dit quelques mots au cocher, qui lui r��pondit affirmativement; mais, l'assentiment de ce dernier ne lui suffisant pas, il se tourna vers son ma?tre:
?Excellence, comme il fait bon respirer!
--Quoi? Que dis-tu?
--Il fait bon, Excellence!
--Ah oui, se dit le prince Andr�� �� lui-m��me.... Il parle sans doute du printemps?... C'est vrai... comme tout est d��j�� vert, et si vite?... Voil�� le bouleau, le merisier, l'aune qui verdissent, et les ch��nes?... Je n'en vois pas.... Ah! en voil�� un!?
�� deux pas de lui, sur le bord de la route, un ch��ne, dix fois plus grand et plus fort que ses fr��res les bouleaux, un ch��ne g��ant, ��tendait au loin ses vieilles branches mutil��es, et de profondes cicatrices per?aient son ��corce arrach��e. Ses grands bras d��charn��s, crochus, ��cart��s en tous sens, lui donnaient l'aspect d'un monstre farouche, d��daigneux, plein de m��pris, dans sa vieillesse, pour la jeunesse qui l'entourait et qui souriait au printemps et au soleil, dont l'influence le laissait insensible:
?Le printemps, l'amour, le bonheur?... En ��tes-vous encore �� caresser ces illusions d��cevantes, semblait dire le vieux ch��ne. N'est-ce pas toujours la m��me fiction? Il n'y a ni printemps, ni amour, ni bonheur!... Regardez ces pauvres sapins meurtris, toujours les m��mes.... Regardez les bras noueux qui sortent partout de mon corps d��charn��... me voil�� tel qu'ils m'ont fait, et je ne crois ni �� vos esp��rances, ni �� vos illusions!?
Le prince Andr�� le regarda plus d'une fois en le d��passant, comme s'il en attendait une myst��rieuse confidence, mais le ch��ne conserva son immobilit�� obstin��e et maussade, au milieu des fleurs et de l'herbe qui poussaient �� ses pieds: ?Oui, ce ch��ne a raison, mille fois raison. Il faut laisser �� la jeunesse les illusions. Quant �� nous, nous savons ce que vaut la vie: elle n'a plus rien �� nous offrir!...? Et tout un essaim de pens��es tristes et douces s'��leva dans son ame. Il repassa son existence, et en arriva �� cette conclusion d��sesp��r��e, mais cependant tranquillisante, qu'il ne lui restait plus d��sormais qu'�� v��g��ter sans but et sans d��sirs, �� s'abstenir de mal faire et �� ne plus se tourmenter!
II
Le prince Andr��, oblig��, par suite de ses affaires de tutelle, de se rendre chez le mar��chal de noblesse du district, qui n'��tait autre que le comte ��lie Andr��?��vitch Rostow, fit cette course dans les premiers jours de mai: la for��t ��tait toute feuillue, et la chaleur et la poussi��re si fortes, que le moindre filet d'eau donnait envie de s'y baigner.
Pr��occup�� des demandes qu'il avait �� adresser au comte, il s'��tait d��j�� engag��, sans s'en apercevoir, dans la principale all��e du jardin qui menait �� la maison d'Otradno?, lorsque de joyeuses voix f��minines se firent entendre dans un des massifs, et il vit quelques jeunes filles accourir �� la rencontre de sa cal��che. La premi��re, une brune, qui avait la taille tr��s mince, les yeux noirs, une robe de nankin, avec un mouchoir de poche blanc jet�� n��gligemment sur sa t��te, d'o�� s'��chappaient des m��ches de cheveux ��bouriff��s, s'avan?ait vivement en lui criant quelque chose; mais, �� la vue d'un ��tranger, elle se retourna brusquement sans le regarder, et s'enfuit en ��clatant de rire!
Le prince Andr�� ��prouva une impression douloureuse. La journ��e ��tait si belle, le soleil si ��tincelant, tout respirait un tel bonheur et une telle gaiet��, jusqu'�� cette fillette, �� la taille flexible, qui tout enti��re �� sa folle mais heureuse insouciance, semblait songer si peu �� lui, qu'il se demanda avec tristesse: ?De quoi se r��jouit-elle donc? �� quoi pense-t-elle? Ce n'est s?rement ni le code militaire ni l'organisation des redevances qui l'int��ressent.?
Le comte ��lie Andr��?��vitch vivait �� Otradno? comme par le pass��, recevant chez lui tout le gouvernement, et offrant �� ses invit��s des chasses, des spectacles, et des d?ners avec accompagnement de musique. Toute visite ��tait une bonne fortune pour lui: aussi le prince Andr�� dut-il c��der �� ses instances et coucher chez lui.
La journ��e lui parut des plus ennuyeuses, car ses h?tes et les principaux invit��s l'accapar��rent enti��rement. Cependant il lui arriva �� plusieurs reprises de regarder Natacha qui riait et s'amusait avec la jeunesse, et chaque fois il se demandait encore: ?�� quoi peut-elle donc penser??
Le soir, il fut longtemps sans pouvoir s'endormir: il lut, ��teignit sa bougie, et la ralluma. Il faisait une chaleur ��touffante dans sa chambre, dont les volets ��taient ferm��s, et il en voulait �� ce vieil imb��cile (comme il appelait Rostow) de l'avoir retenu, en lui assurant que les papiers n��cessaires manquaient; il s'en voulait encore plus �� lui-m��me d'avoir accept�� son invitation.
Il se leva pour ouvrir la fen��tre; �� peine eut-il pouss�� au dehors les volets, que la lune, qui semblait guetter ce moment, inonda la chambre
Continue reading on your phone by scaning this QR Code
Tip: The current page has been bookmarked automatically. If you wish to continue reading later, just open the
Dertz Homepage, and click on the 'continue reading' link at the bottom of the page.