La fille du pirate | Page 8

Émile Chevalier
g��missait sous une couverture d'immondices visqueuse et glissante.
En un coin, des figurines de cire, s'effor?ant de repr��senter le tableau de J��sus �� la Cr��che, jaunissaient dans leur chasse de verre f��l��.
L'atmosph��re de cette cuisine ��tait lourde, ��coeurante. On y respirait une odeur de boucane et de graillon, que justifiaient des chapelets de poissons sal��s pendus �� des crochets et un chaudron dans lequel roussissaient, en gr��sillant �� l'ardeur du feu, de menus morceaux de lard.
La vieille prit un trousseau de clefs et se dirigea vers une porte lat��rale.
--Ou allez-vous? demanda l'inconnu.
--Chut! fit la Camarde en ouvrant la porte avec pr��caution.
--Est-ce que ce serait d��j�� fini?
--Venez, monsieur Laren?on.
Ils entr��rent dans une chambre dont l'aspect contrastait ��trangement avec celui de la premi��re pi��ce. C'��tait passer d'un ignoble taudis dans un riant boudoir. A la v��rit��, le mot boudoir est peut-��tre hasard��; mais en sortant de la cuisine, o�� tout exasp��rait les sens, il ��tait impossible de ne pas ��tre d��licieusement impressionn��, par l'apparence coquette de cette chambre, tendue d'un joli papier rose satin��, �� nids d'amour, et de laquelle s'��chappait une douce senteur d'iris. L'appartement ��tait petit, petit, mais gentil, mais gentil, �� plaisir! D'abord, un beau tapis, bien chaud, bien moelleux pour reposer les pieds, un plafond bien blanc, bord�� de moulures, avec une belle rosace, d'o�� descendait, par des cordons de soie, une lampe astrale, qui projetait des ondes de lumi��re vaporeuse.
Ensuite, c'��tait une table en acajou, une berceuse, une causeuse en velours orange, une fen��tre garnie de rideaux de brocard drap��s en haut sous leur baguette de cuivre dor�� et retenus par des embrasses de m��me m��tal, enfin un lit perdu sous les plis de ses amples courtines en soie blanche, sem��e de bouquets de fleur. Si la vari��t�� des couleurs de cet ameublement n'accusait pas un go?t raffin��, leur opposition flattait l'oeil et amenait sur les l��vres un sourire de bonne humeur.
--Voyez, dit �� voix basse la m��re Guilloux, en d��signant le lit, elle est l��.
Un ��clair de joie illumina la prunelle noire de l'��tranger.
--Quoi, dit-il, Mike a r��ussi?
--Admirablement; mais le dr?le, en l'apportant, m'a sembl�� ivre. Il voulait la garder avec lui dans le cabinet; j'ai craint... vous comprenez?
--Oui, r��pondit Laren?on avec un geste de d��go?t; le mis��rable en aurait bien ��t�� capable.
--Alors je lui ai dit que, selon vos ordres, elle devait ��tre d��pos��e dans cette chambre jusqu'�� votre arriv��e.
--Vous avez bien fait, Juliette... Mais fermez donc la crois��e, elle doit ��tre ouverte; je sens un courant d'air...
--Un courant d'air! c'est, ma foi, vrai; il doit provenir de la cuisine, car je me suis assur��e que le chassis ��tait ferm��, quand nous e?mes couch�� la petite. Elle dormait, que c'��tait bonheur �� la contempler! Vous voulez la voir?
--Sans doute.
La Camarde s'avan?a vers le lit sur la pointe du pied et ��carta les rideaux.
Mais aussit?t elle lacha une exclamation de surprise fort naturelle.
--Qu'est-ce? s'��cria Laren?on en regardant par-dessus l'��paule de la vieille:
--Envol��e!
--Hein!
--Elle n'y est plus... elle est partie!
--Que dis-tu, malheureuse? fit l'��trange visiteur, en la repoussant brutalement.
--Oh! grace, grace, monsieur Laren?on! balbutia-t-elle d'une voix suppliante. Je vous jure....
--Arri��re!
A cet instant un nouvel individu se pr��senta sur le seuil de l'appartement. Il ��tait affubl�� de haillons adipeux: un chapeau rap��, sans forme, une sorte de houppelande, perc��e aux coudes, d��chiquet��e �� l'extr��mit�� des manches, sevr��e de boutons, serr��e �� la taille par des lambeaux d'��charpe en laine, un pantalon de droguet trou�� aux genoux, et des mocassins d��chir��s.
Si l'enveloppe de ce personnage ��tait peu attrayante, sa physionomie l'��tait encore moins. Il n'��tait gu��re possible d'imaginer visage plus hideusement laid. On e?t dit le miroir de toutes les passions honteuses, une cr��ation de William Hogarth.
--Qu'est-ce qu'il y a? demanda-t-il en chancelant. Ah! c'est vous, bourgeois; bon. Vous ��tes content.. Mais comme y ont l'air chiffonn��! qu'est-ce qu'elle a la Camarde! Oh! ne la battez pas... pif! paf! pan! Bateau! comme c'est touch��! Attrape, mes amours! bateau! Est-ce que le bourgeois pr��tendrait... Ouf! il va la tuer, le diable m'emporte! Heureusement qu'il a des gants le bourgeois, sans cela il s'��corcherait les doigts sur cette vieille carcasse d��plum��e! Tonnerre! voil�� un coup de poing qui vaut trente-six chandelles!.... et ce coup de pied... Il faut tout de m��me qu'elle soit fi��rement dure la Camarde!... bateau! il en pleut aujourd'hui des indulgences! Mais, ils vont r��veiller... Oh! Oh! je m'oppose, je m'oppose, je m'oppose, potence!
L��-dessus, notre homme s'��lance sur Laren?on qui, emport�� par une col��re indicible, frappait furieusement la m��re Guilloux, et lui dit:
--Oh��, monsieur!
L'autre se retourna, l'oeil ��tincelant, les traits contract��s par l'irritation:
--C'est toi, Mike! Est-il vrai que tu l'avais enlev��?...
--Comment, si c'est vrai, bourgeois! Cette satan��e sorci��re pr��tendrait-elle le contraire?
--Tiens, dit Laren?on en le conduisant vers la fen��tre, qui effectivement ��tait ouverte...
--Eh bien! r��pliqua Mike cherchant �� comprendre, tandis que la Camarde profitait de cette circonstance pour s'enfuir.
--Eh bien,
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