La fille du pirate | Page 4

Émile Chevalier
de plusieurs batiments avait ruin�� celui-ci, qui r��pondit qu'il partait pour les Grandes-Indes afin d'y tenter fortune.
D��sormais Charles ��tait sans ressources. Mais il ��tait plein de force et d'��nergie. L'adversit�� le trouva in��branlable.
S'��tant rendu �� Qu��bec, il y entreprit un petit commerce et se maria avec une Canadienne.
Elle ��tait belle et aimante. Durant quelques ann��es, Charles jouit d'une f��licit�� sans nuages.
Par malheur, le sort, acharn�� �� sa poursuite, lui m��nageait un dernier coup.
Sa femme le rendit p��re et mourut dans les douleurs de l'enfantement.
C'en ��tait trop!
Charles ne put survivre �� son affliction. Bient?t il suivait son ��pouse au tombeau et laissait sur cette terre de souffrance une orpheline, nomm��e Ang��le.
Ang��le avait sur l'��paule gauche une tache de rousseur, ayant la forme d'un papillon.

PREMI��RE PARTIE
LE CHARRETIER
I
Prenez-le �� Londres, �� Paris, �� Rome, �� Madrid, �� Lisbonne, �� Vienne, �� Berlin, �� Saint-P��tersbourg, �� New-York, �� Qu��bec ou �� Montr��al, et le conducteur de voitures publiques sera toujours le m��me--un type unique. Il est �� la fois l'��tre le plus remuant et le plus pacifique de la terre. Sa ga?t�� est inalt��rable, sa docilit�� �� l'��preuve, sa discr��tion proverbiale. Causeur par temp��rament, il sait se rendre muet comme Harpocrate. Aussi curieux qu'une femme, il compte la prudence parmi ses premi��res qualit��s. Observateur p��n��trant, sa finesse ne trahit jamais le r��sultat de ses investigations. Vif jusqu'�� l'exc��s, il est d'une patience ang��lique, s'il le faut. T��tu comme une mule de la Sierra-Morena, on ne l'a point encore vu r��sister aux flatteries d'un louis. Ennemi jur�� de la police, il est �� tu et �� toi avec ses agents. Enfin, soit qu'il reste stationnaire, soit qu'il marche, soit qu'il trotte, soit qu'il galope, soit qu'il vole, le conducteur de voitures publiques est le factotum de la soci��t��. Que de services n'a-t-il pas rendus? Que de services ne rend-il pas et ne rendra-t-il pas? On devrait lui voter des m��dailles, lui attacher des d��corations sur la poitrine, lui ��riger des statues! Mais l'humanit�� est ainsi faite: elle m��prise ceux qui lui sont utiles pour encenser ceux qui lui sont nuisibles!
Cependant, perch�� sur son strapontin, comme un cormoran au sommet d'un rocher, le conducteur de voitures publiques regarde onduler la foule �� ses pieds, et rit sous cape, en sifflant un air de sa composition; car il est po��te, il est artiste, notre homme!
Voyez-le plut?t.
Qui mieux que lui conna?t les monuments d'une ville, leur histoire, leur chronique, leur l��gende! Qui mieux que lui sait la chansonnette en vogue, la toilette �� la mode, le livre qui fait fureur! qui mieux que lui pourrait tirer les effets des causes, les causes des effets! Qu'il daigne ouvrir la bouche et il vous dira o�� va cette ��l��gante, herm��tiquement voil��e; d'o�� revient ce monsieur envelopp�� jusqu'aux yeux dans son cache-nez.--Il a press�� les doigts d��licats des plus grandes duchesses, caus�� avec les sommit��s de la litt��rature, de la peinture de la sculpture, de la science, de la diplomatie. Ses connaissances sont universelles, sa m��moire vaut une encyclop��die, son tact est infini. Astronome par n��cessit��, il vous pr��dira le beau ou le mauvais temps, comme la fleur des almanachs. Mais, malgr�� tous ses talents, le conducteur de voitures publiques appartient �� la classe des incompris. O honte de notre si��cle! Cependant s'il lui prenait fantaisie de parler �� cet homme, que de faiblesses n'aurait-il pas �� r��v��ler sur votre compte, fi��res dames et orgueilleux gentilshommes qui passez, le d��dain aux l��vres, devant son modeste sapin! Graces au ciel, il est bon, il est charitable, il est mis��ricordieux, le conducteur de voitures publiques! Il a tout vu, il a tout appris, et comme le dit Dumas: il est l'homme des soci��t��s vieillies: la civilisation est venue �� lui, il s'est laiss�� faire. Sa moralit�� est �� peu pr��s celle de Bartholo.
Passant du compos�� au simple, de l'entier �� la fraction, nous allons, si le lecteur y consent, nous transporter sur la place Notre-Dame, �� Montr��al, et esquisser en deux traits de plume le conducteur de voitures publiques canadien.
Partout ailleurs qu'au Canada, le conducteur de voitures publiques, tout en conservant son cachet primordial, a su marcher avec le progr��s. Mais ici il n'a pas boug�� d'une seule ligne. Tandis qu'en Angleterre, en France, etc., il s'aristocratisait, sur les bords du Saint-Laurent, il demeurait fid��le aux traditions de nos a?eux. Aussi se moque-t-il de ses pr��tentieux confr��res d'outre-Atlantique qui se font appeler cocher, et n'ambitionne-t-il que l'antique appellation de charretier. Ce non v��n��rable, il l'aime, il le ch��rit, il le respecte comme titre de noblesse. Malheur �� qui le lui contesterait!
Si maintenant nous d��laissons encore une fois le champ banal des g��n��ralit��s pour celui des particularit��s, si nous exilons l'entier pour patronner l'unit��, nous vous apprendrons que Pierre Morlaix ��tait charretier de profession, qu'il stationnait d'ordinaire sur la place Notre-Dame, devant l'��glise, qu'il
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