La fille des indiens rouges | Page 8

Émile Chevalier
d��faut.
Mais, pour se risquer �� demander sa nourriture �� une pareille b��te, pesant deux �� trois mille livres, il faut avoir des armes, ��tre-en nombre; Dubreuil ��tait seul, il n'avait pas d'armes. Devait-il imposer silence �� son app��tit? devait-il fermer impitoyablement l'oreille aux g��missements de son estomac? devait-il d��tourner les yeux de cette masse, de graisse luisante; fascinatrice, j'allais dire parfum��e, qui l'entretiendrait dans l'abondance durant des mois entiers! car pr��s du p?le les m��nag��res ont un avantage tr��s-appr��ciable: les vivres ne craignent gu��re la corruption; ils s'y conservent ind��finiment. J'en appelle au mammouth trouv��, vers 1806, �� l'embouchure de la Lena, dans une masse de glace o�� il gisait depuis... le d��luge... et avant peut-��tre!--sans que ses chairs se fussent gat��es, puisque les chiens du XIXe si��cle en d��vor��rent une bonne partie!
Oui, en y r��fl��chissant bien, il e?t ��t�� dur, trop dur d'abandonner semblable magasin de comestibles sans tenter de s'en emparer. Le moyen? Dubreuil f?t sonner sur la glace la hampe de son croc �� lance, et, vaillamment, prudemment, il marcha droit au morse.
L'animal le vit venir sans trop s'��mouvoir, il paraissait plus surpris qu'intimid��.
Dubreuil s'en put approcher assez pr��s pour tenter de lui porter un coup. Tenant ferme la lance par le milieu, il l'��leva �� la hauteur de sa t��te et la darda de toute sa force contre l'��norme amphibie. Il s'imaginait que le fer allait dispara?tre tout entier dans son flanc. Point. L'arme rebondit, sans avoir entam�� l'��paisse carapace.
Cependant l'hippopotame pousse un grognement de col��re. Ses prunelles enflamm��es flamboient; il dresse son mufle affreux, et, s'affermissant sur la queue, il s'��lance, fond contre l'ennemi avec un effroyable fracas. Guillaume a pr��vu ce mouvement; il est sur ses gardes. Comme le colosse ne se peut mouvoir que tout d'une pi��ce, Guillaume s'est jet�� de c?t��, et le walrus retombe lourdement, en soufflant comme un boeuf.
De nouveau, le harpon de l'homme est pr��t; de nouveau il siffle dans l'air et frappe l'animal. Cette fois il l'atteint �� la poitrine, au moment o�� le morse tournait la t��te pour se rejeter sur son agresseur, en cons��quence la peau, tendue comme celle d'un tambour, est facile �� percer. La lance y plonge jusqu'au crochet. Mais l�� elle s'arr��te; les efforts de Dubreuil ne r��ussissent pas �� la faire p��n��trer plus avant.
Le morse se d��bat; il hal��te; il rugit. Sous ses griffes la glace vole en mille ��clats, et sa queue la fait sonner comme le marteau sur une enclume. Bient?t, n��anmoins, par un brusque soubresaut, il s'est d��barrass�� du fer, et Dubreuil, pris �� l'improviste, s'en va rouler �� quelques pas, son croc dans la main.
Avant qu'il ait eu le temps de se relever, l'animal a couru sur lui. De ses pieds pesants il lui ��crase les jambes. Guillaume sent la bouillante baleine du monstre passer sur-son visage, et ses tranchantes canines lui labourer la cuisse. La mort est l��, livide, d��charn��e, affreuse. Elle r��clame une victime. Quelques secondes encore, et c'en sera fait. Du malheureux aventurier il ne restera rien, plus rien que quelques lambeaux de chairs informes. Pas une voix n'ira conter �� ses amis son ��pouvantable destin!
Mais, �� cet instant critique, Dubreuil n'a perdu ni son sang-froid, ni la s?ret�� de son regard.
��tendu sur la glace, le buste �� demi redress��, la lance en arr��t, il recueille et th��saurise, pour ainsi dire, dans son oeil et son bras droit, tout ce qui lui reste de vitalit��; il vise �� la t��te et enfonce profond��ment son arme dans la gueule b��ante du morse.
Des flots de sang s'��chappent, avec un rauque mugissement, de la blessure. Le mammif��re recule, par bonds et par sauts, en battant, comme avec un fl��au, la glace, du manche du croc demeur�� dans la plaie.
Aveugl��, ��tourdi, mais fou de douleur, fou de rage, il cherche son adversaire, il respire la vengeance.
Dubreuil s'est remis sur pied, r��fugi�� derri��re un gla?on, et il essaie de le soulever pour en broyer le corps de l'animal, qui, dans ses convulsions, vient de casser en deux la hampe de la lance.
Malgr�� sa bravoure, malgr�� son flegme, le jeune homme fr��mit en songeant au danger qu'il a couru. Ses mains tremblantes se refusent �� le servir, et tout p��ril n'a point cess�� pour lui, lorsque des cris ��tranges partent derri��re, �� sa droite.
Guillaume tourna la t��te et aper?ut une douzaine de bip��des, si grotesques d'apparence, qu'il se demanda aussit?t si c'��taient des singes ou des ��tres humains. Ils n'��taient que poil des talons �� la t��te, et, de leur visage, on distinguait seulement les yeux, les traits ��tant masqu��s par une pelleterie ou par un cuir naturellement et tr��s-��paissement velu.
Hommes ou animaux, ces cr��atures criaient et gesticulaient �� l'envi.
Guillaume aurait ��t�� fort embarrass�� de se prononcer sur leur esp��ce, quand l'un de ces individus banda tout �� coup un arc
Continue reading on your phone by scaning this QR Code

 / 88
Tip: The current page has been bookmarked automatically. If you wish to continue reading later, just open the Dertz Homepage, and click on the 'continue reading' link at the bottom of the page.