La fille des indiens rouges | Page 2

Émile Chevalier
parlent! insista l'autre.
--Allons, va! et la route toujours au nord-ouest, dit Guillaume d'une voix souriante, comme si la frayeur n'avait aucune prise sur son ame.
C'est qu'il n'avait pas une nature vulgaire, Guillaume Dubreuil, patron du bateau p��cheur le Saint-Remi. N��, en 1465, d'une famille bourgeoise, habitant la petite ville de Dieppe, il avait ��t�� vou�� �� la cl��ricature. Ses progr��s dans les sciences et l'��tude des langues anciennes et modernes furent rapides. Et, quoiqu'il t��moignat plus de go?t pour l'histoire et la g��ographie que pour la scholastique religieuse, on esp��rait que le jeune ��l��ve deviendrait une des gloires de l'ordre de saint Beno?t, auquel ses parents l'avaient destin��. Mais s'il ��tait intelligent, studieux, apre au travail, Guillaume n'avait pas l'humeur facile. De br?lantes passions fermentaient dans son coeur: passions en opposition compl��te avec les r��serves, les aust��rit��s et les mortifications du clo?tre.
Un jour, le fr��re gardien du monast��re o�� il aurait d? s'appr��ter �� recevoir les ordres vint, tout beno?t, tout contrit, annoncer au p��re Dubreuil que son fils avait pris la clef des champs, apr��s avoir escalad�� les murs de la sainte retraite.
Je vous laisse �� penser le courroux et le chagrin qu'��prouva le bon bourgeois. Vainement fit-il courir apr��s son fugitif, vainement promit-il une forte r��compense �� quiconque lui en donnerait des nouvelles. Durant plusieurs ann��es, on n'en entendit plus parler.
Cependant, apr��s avoir jet�� le froc aux orties, le jeune Guillaume s'��tait engag�� dans un r��giment au service d'Anne de France, dame de Beaujeu, alors en hostilit��s avec les ducs d'Orl��ans, de Bourbon et divers grands seigneurs qui lui disputaient la r��gence de Charles VIII.
Notre ��chapp�� du couvent se signala dans plusieurs occasions, notamment �� la bataille de Saint-Aubin-du-Cormier, en 1488, o�� il contribua �� la capture du duc d'Orl��ans, depuis Louis XII.
A cette ��poque, Guillaume Dubreuil avait vingt-trois ans. Du rang de piquier �� pique simple, par lequel il avait d��but�� dans l'arm��e, il ��tait parvenu au grade d'enseigne, apr��s avoir pass�� tour �� tour par ceux de piquier �� pique s��che, piquier �� corselet, arquebusier, mousquetaire, lampassade, caporal et sergent. Mais pour le r��compenser de sa valeur dans l'affaire de Saint-Aubin-du-Cormier, Anne lui fit donner le commandement d'une bande.
D��cid��ment, la fortune pr��sentait elle-m��me au jeune officier sa main si recherch��e. Il n'avait qu'�� se laisser conduire, et bient?t on le verrait mestre-de-camp d'un r��giment, puis colonel-g��n��ral, et pourquoi pas mar��chal plus tard? En ces temps de troubles, de ligues, de r��volutions, un homme de coeur ne pouvait-il viser aux plus hautes dignit��s? Il ne s'��tait gu��re ��coul�� plus d'un si��cle depuis la mort de Bertrand Du Guesclin. La m��moire de ses brillants succ��s enflammait encore l'esprit chevaleresque du si��cle.
Mais d��j�� Guillaume ��tait fatigu�� de l'��tat militaire, qui n'offrait plus d'��motions �� son ame ardente, avide de nouveaut��. La paix, qui suivit le trait�� de Sabl��, acheva de le d��go?ter d'une carri��re o�� l'avait jet�� le hasard, bien plut?t qu'une vocation s��rieuse.
La profession de marin, les combats en mer, les temp��tes, les exp��ditions lointaines, avaient ��t��, dans le jeune age, l'objet de ses r��ves. Il r��solut de r��aliser enfin des aspirations si souvent, si chaudement caress��es. Grace �� la protection du sire de La Tr��moille, qui s'��tait int��ress�� �� lui depuis la glorieuse journ��e de Saint-Aubin, Dubreuil obtint de passer comme officier sur un des navires du roi. Il y apprit rapidement l'art nautique, et, d��s 1494 il pouvait esp��rer d'arriver promptement au commandement d'une gal��asse, quand le bruit des merveilleuses d��couvertes de Christophe Colomb vint allumer de nouveaux d��sirs dans sa fougueuse imagination.
Dubreuil demanda �� la cour l'autorisation d'aller tenter les mers. Il pr��tendait trouver, par le nord-ouest, un passage au Cathay (la Chine), assurant que cette voie, infiniment plus courte que celle de la mer Rouge ou du cap de Bonne-Esp��rance,--tout derni��rement reconnu par les Portugais,--serait pour la France une source de richesses incalculables. Sa requ��te fut appuy��e par La Tr��moille. Mais Charles VIII, qui venait de s'affranchir de la tutelle de sa soeur, et qui, stimul�� par Louis d'Orl��ans, briguait le royaume de Naples, Charles VIII se souciait plus du tournois militaires que de commerce, de victoires ��clatantes sous le doux ciel de l'Italie que de probl��matiques conqu��tes maritimes.
?Patientez, ��crivit La Tr��moille �� son prot��g��, jusqu'�� ce que le roy, nostre sire, ait termin�� la guerre, et il vous octroyera cette faveur que sollicitez.?
Patienter! Est-ce que la poudre attend pour faire explosion, apr��s que l'��tincelle a ��t�� mise en contact avec elle?
Guillaume Dubreuil n'��tait pas homme �� ajourner l'ex��cution d'une id��e, quand une fois elle avait jailli dans son cerveau. R��tif �� la contradiction, son caract��re ne savait supporter les retards. Ce qu'il voulait, il le voulait tout de suite, et il se serait fait briser plut?t que de ployer, lorsqu'il s'��tait mis en t��te d'accomplir une chose, bonne ou mauvaise.
Aussi donna-t-il imm��diatement sa
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