noms que je ne veux pas répéter.... Cette fois, la nature humaine est bizarre, l'amour se changea en haine, je résolus de me venger de lui et d'elle que je confonds dans une haine mortelle.... Mais je suis femme, et par cela incapable de la vengeance terrible que je rêve.... Il faut avec moi un homme décidé....
--Et c'est moi? fit avec stupéfaction Pierre Davenne, c'est moi que vous avez choisi....
--Je vous en supplie, monsieur, écoutez-moi jusqu'au bout, la force nerveuse qui me soutient à cette heure me fera défaut tout à l'heure.
Le jeune homme se tut, hochant la tête, étourdi de ce qu'on venait de lui dire.
Madeleine continua:
--Un homme décidé, et plein de la même haine, du même désir de vengeance....
Pierre écouta, car cette condition lui manquait, ce n'était donc pas de lui qu'il était question.
--Je n'ai pas à vous dire par quel moyen je réussis à pénétrer chez lui à une heure où il était absent.--Je vous ai dit qu'il y a des situations où on ne recule pas devant l'indignité des moyens.--Je voulais conna?tre sa ma?tresse, j'allai chez lui, je fouillai le coffre où se trouvaient autrefois mon portrait et mes cheveux, le coffret du souvenir.--Sa banalité m'assurait que je ne me tromperais pas.... On avait déchiré mon portrait,--la femme, la nouvelle,--je le savais, et je trouvai le portrait de ma rivale, et deux lettres....
--Avec le nom de la femme? demanda Pierre.
La jeune fille fit un signe affirmatif de la tête.
--Les imprudents, dit Davenne à mi-voix, et plus haut: Alors, qu'avez-vous fait?
--Ce que j'ai fait, répondit Madeleine étonnée de la question, ce que j'ai fait?... J'ai pris le médaillon, j'ai écrit au mari.
--Elle est mariée?... dit Pierre avec un tremblement dans la voix.
La jeune fille, les yeux ardents, la voix sifflante, poursuivit:
--Et je me suis rendue chez lui, pour lui livrer les preuves que j'avais volées.... Les voici, voyez....
Et en disant ces mots, elle pla?a sur la table les lettres et le portrait.
Pierre Davenne les avait à peine regardés, qu'il jeta un cri et se redressa, pale, mena?ant, terrible; il s'écria:
--Vous mentez, madame, vous mentez....
Devant l'attitude agressive de Pierre Davenne, la jeune fille ne bougea pas; elle affirma avec calme:
--Monsieur, votre femme est la ma?tresse de mon amant, de votre ami Fernand Séglin, et je viens vous le révéler, pour que vous vous vengiez en me vengeant moi-même....
Pierre Davenne regarda les lettres, le portrait.... Il restait sans voix, sans mouvement, les yeux fixes, oubliant celle qui lui avait parlé.
Celle-ci avait vivement ramassé son chale, s'était enveloppée dedans et se sauvait, insoucieuse de la pluie et du fracas du tonnerre; elle se fit ouvrir la grille de la rue par Simon stupéfait, et lui remettant sa carte elle lui dit:
--Dites à M. Davenne qu'il m'écrive à cette adresse ... s'il a besoin de moi.
Le matelot clignait de l'oeil et hochait la tête en murmurant:
--Qu'est-ce que c'est que cette histoire-là? Affalons la langue et mystère!
Et il remonta le perron pour remettre la carte à son ma?tre.
Quand Pierre avait entendu la porte se fermer derrière la jeune fille, il avait regardé autour de lui, puis avait pris les lettres, les avait lues, relues....
Elles ne laissaient aucun doute, car le malheureux s'écria:
--La misérable!...
Et fou de rage, de colère et de douleur, s'arrachant les cheveux, il marchait dans le salon, se buttant aux meubles.... Tout à coup il s'arrêta devant la panoplie, et l'oeil ardent, les lèvres moussues, les dents serrées, il décrocha un pistolet, s'assura qu'il était chargé, l'arma et poussant un cri rauque il courut vers le vestibule, grimpa l'escalier, entra dans la chambre de sa femme où la veilleuse ne jetait qu'une lueur douteuse; il s'élan?a vers le lit et dirigea le canon de son arme sur sa femme endormie.
Il fit feu!
Un éclair illumina la chambre, dévoilant le plus charmant tableau. Geneviève était endormie sur son bras inondé de ses admirables cheveux bruns, sa tête reposait souriante, et, couchée sur elle, mêlant ses cheveux d'or aux cheveux noirs de la mère, la petite Jeanne dont la bouche entr'ouverte montrait ses petites quenottes blanches... et cela dans un flot de dentelles chiffonnées et sous les grands rideaux jaunes de l'alc?ve... C'était un merveilleux spectacle.
Pierre Davenne jeta un cri terrible en voyant son enfant dont la petite tête rose protégeait la mère; il avait tué sa fille!
Au même instant il se sentit terrassé, puis enlevé.
Un coup de tonnerre effroyable résonna.
Pierre Davenne, fou, éperdu, se trouvait à la porte de la chambre; il entendit crier l'enfant... puis la mère, réveillées toutes les deux par le coup de foudre.
Perdant connaissance en entendant la voix de Jeanne, il dit:
--Seigneur! merci... je ne l'ai pas tuée...
Et des larmes abondantes coulèrent de ses yeux, des sanglots hoquetèrent dans sa gorge.
--Grace à moi!... Je suis arrivé à temps pour lever l'arme... et vous enlever. Bon! voilà qu'il s'affale...
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